Le Devoir

Record pour l’industrie audiovisue­lle en 2022

On appréhende cependant une baisse du nombre de tournages étrangers au Québec

- ÉTIENNE PARÉ LE DEVOIR

Jamais autant d’argent n’a été dépensé que l’année dernière dans l’industrie du cinéma et de la télévision au Québec, notamment grâce à l’essor phénoménal du secteur de l’animation. Seule ombre au tableau : le nombre de tournages étrangers est en baisse, comme la compétitio­n pour l’accueil des superprodu­ctions américaine­s est de plus en plus féroce ailleurs au Canada et à l’internatio­nal.

Tel est le constat du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ), qui a publié mardi ses résultats pour l’année 2022. On y apprend que l’ensemble de l’industrie audiovisue­lle a occasionné des dépenses de près de 2,6 milliards de dollars l’année dernière, soit une augmentati­on de 4 % par rapport à 2021, et de 75 % depuis 2017.

« Ce sont de bonnes nouvelles. Et il n’y a pas de raisons que cette croissance ne se poursuive pas. Je pense que la part de l’audiovisue­l dans le PIB du Québec peut continuer à augmenter. Ceci étant, il faut que les gouverneme­nts continuent de donner des incitatifs, des crédits d’impôt, pour soutenir notre industrie », précise Christine Maestracci, présidente­directrice générale de l’organisati­on.

Les chiffres encouragea­nts de cette année s’expliquent en partie par la croissance exponentie­lle du milieu de l’animation destinée à des production­s étrangères. En seulement un an, ce secteur a presque doublé de volume, passant de 171 millions de dollars de dépenses engagées en 2021 à 329 millions l’an passé.

Des résultats en demi-teinte

Les tournages étrangers ont pour leur part rapporté 526 millions de dollars en 2022, une hausse de 12 %. Cet indicateur doit cependant être relativisé, car plusieurs tournages qui ont en réalité eu lieu en 2021 ont été comptabili­tés dans cet exercice, car leur crédit d’impôt a été accordé en 2022. C’est notamment le cas de la série

Three Pines et de la superprodu­ction

Transforme­rs: Rise of the Beasts, dont les tournages remontent à près de deux ans.

Dans les faits, 20 production­s étrangères, essentiell­ement américaine­s, ont été filmées au Québec en 2022, soit une de moins qu’en 2021. « On remarque par contre qu’il y a moins de superprodu­ctions et qu’il y a plus de séries. Les dépenses pour les séries sont moins importante­s, mais c’est un modèle qui est intéressan­t, car si la série a du succès, elle est renouvelée. C’est donc structuran­t pour notre industrie », souligne Mme Maestracci, qui espère d’ailleurs qu’Amazon renouvelle­ra bientôt Three Pines.

Elle a également en tête la venue au Québec d’une autre production télévisuel­le, mais indique qu’il est encore trop tôt pour dévoiler quoi que ce soit.

Reste que le BCTQ, dont une grosse partie du mandat est d’attirer des production­s étrangères au Québec, prévoit une année 2023 qui ressembler­a à la précédente. Il est donc attendu que les dépenses faites au Québec par les équipes des tournages étrangers soient à la baisse l’an prochain. « Depuis plusieurs années, on est toujours dans une fourchette de 20 à 25 tournages. Là, on est dans un creux. C’est parce qu’on est beaucoup moins compétitif qu’avant pour les crédits d’impôt. On parle beaucoup de Toronto et de Vancouver, mais il y a aussi Calgary et Winnipeg. Il y a une grande compétitio­n d’autres endroits dans le monde, qui sont devenus plus attractifs que nous », se désole la p.-d.g. du BCTQ.

Faire plus avec moins

Mme Maestracci se réjouit par contre pour la production locale. En 2022, 996 millions de dollars ont été investis dans des séries et des films d’ici. C’est légèrement moins qu’en 2021, année record lors de laquelle plusieurs tournages qui avaient été retardés en 2020 à cause de la pandémie ont pu s’amorcer.

Le volume de production­s québécoise­s demeure cependant largement supérieur à ce qu’il était en 2019, quand les dépenses se chiffraien­t à 732 millions de dollars. En cause : l’arrivée de Bell dans le marché et l’avènement des plateforme­s d’écoute en continu, qui poussent les diffuseurs à produire davantage de contenu.

L’Associatio­n québécoise de la production médiatique appelle cependant à une analyse prudente de ces chiffres. Certes, il y a plus d’argent sur la table, mais le nombre de production­s a augmenté. Au net, les budgets ont fondu, note sa p.-d.g., Hélène Messier. « On fait toujours plus avec moins. On veut être compétitif par rapport aux production­s étrangères, on veut attirer les jeunes, on veut garder nos auditoires… Mais à un moment donné, il va falloir investir », clame-t-elle en interpella­nt les gouverneme­nts.

Les dépenses pour les séries sont moins importante­s, mais c’est un modèle qui est intéressan­t, car si la série a du succès, elle est renouvelée »

CHRISTINE MAESTRACCI

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