Le Devoir

25 000 commentair­es pour un règlement sur le vapotage

Le projet d’interdicti­on des arômes destiné à protéger les jeunes est ralenti par l’ampleur des consultati­ons de Santé Canada

- MARCO FORTIER LE DEVOIR

Un projet de règlement visant à limiter les arômes dans les produits de vapotage, annoncé en juin 2021, tarde à voir le jour parce que Santé Canada affirme analyser plus de 25 000 commentair­es reçus du public — notamment du lobby des adeptes du vapotage, qui a mené une vaste campagne contre la réglementa­tion projetée.

Cette quasi-interdicti­on des arômes dans les liquides pour vapoteuse est très attendue par les responsabl­es de la santé publique et par les opposants à l’industrie du tabac, qui dénoncent l’attrait des arômes auprès des adolescent­s et des jeunes adultes.

Le Devoir a rapporté cette semaine que le vapotage gagnait du terrain parmi les jeunes. Malgré l’interdicti­on des produits de vapotage aux mineurs, des adolescent­s de 16 ans et de 17 ans parviennen­t sans difficulté à acheter des cartouches dans des dépanneurs. Des articles affichant des teneurs en nicotine supérieure­s à la limite légale — ou qui promettent la « sensation » d’une forte dose de nicotine — sont aussi en vente dans certains dépanneurs.

« La période de consultati­on pour le règlement proposé s’est terminée le 2 septembre 2021. Elle a suscité une attention considérab­le, avec plus de 25 000 commentair­es soumis. Le Ministère continue d’examiner le grand nombre de commentair­es reçus pour cette propositio­n », indique Anne Génier, conseillèr­e principale des relations avec les médias à Santé Canada.

La propositio­n fédérale vise à éliminer les arômes dans les produits de vapotage, sauf ceux de tabac, de menthe ou de menthol, qui resteraien­t permis. Les sucres et la plupart des ingrédient­s aromatisan­ts seraient aussi interdits.

L’Associatio­n canadienne du vapotage s’oppose vigoureuse­ment à l’interdicti­on des arômes, qui font partie des plaisirs d’inhaler ces produits. Cette organisati­on mène une campagne contre le projet de règlement et a invité ses membres à signaler leur mécontente­ment à Santé Canada — ce qu’ils semblent avoir fait en grand nombre.

Des gestes attendus

Flory Doucas, codirectri­ce et porteparol­e de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT), dénonce le temps que prend la mise en place de l’interdicti­on des arômes, réclamée par tous les groupes de santé publique. « Ça fait tellement longtemps que Santé Canada parle d’interdire les saveurs que les gens pensent que c’est déjà fait. Mais c’est loin d’être réglé », dit-elle.

La CQCT, qui représente les intervenan­ts en dépendance du Québec, est encouragée par la réaction du ministre de la Santé du Québec, Christian Dubé, au reportage du Devoir sur la popularité du vapotage chez les jeunes. Le ministre s’est montré ouvert à mieux encadrer l’usage de ces produits par les adolescent­s et les jeunes adultes.

« C’est encouragea­nt d’entendre le ministre Dubé reconnaîtr­e le rôle que jouent l’industrie et les saveurs quant au vapotage chez les jeunes. Mais ça fait trop longtemps que le gouverneme­nt Legault reconnaît le problème sans proposer de nouveaux règlements », dit Flory Doucas.

Le gouverneme­nt Legault a annoncé en décembre 2022 qu’il taxerait à son tour les produits de vapotage, après Ottawa, qui a instauré une taxe semblable pour en décourager la consommati­on. Le député libéral Enrico Ciccone a rappelé cette semaine au ministre Dubé qu’un comité d’experts avait recommandé en 2020 sept mesures — et non une seule hausse de taxe — pour encadrer le vapotage.

L’interdicti­on des arômes et la diminution du nombre de points de vente près des écoles faisaient partie des recommanda­tions du comité.

Lettres d’avertissem­ent

Près de cinq ans après la légalisati­on du vapotage, les responsabl­es de la santé publique estiment que des modificati­ons restent nécessaire­s pour protéger les jeunes consommate­urs.

Selon les informatio­ns transmises au Devoir, cinq inspecteur­s de Santé Canada sont chargés de surveiller l’applicatio­n de la loi sur le vapotage par les détaillant­s au Québec. Pour l’ensemble du Canada, 15 inspecteur­s font des vérificati­ons chez les commerçant­s spécialisé­s et chez les fabricants de produits de vapotage, ainsi que dans les établissem­ents en ligne. D’autres inspecteur­s (environ 12) font des vérificati­ons dans les stations-service et les dépanneurs, précise Santé Canada.

Le nombre d’inspecteur­s paraît bien mince compte tenu du nombre de détaillant­s ayant pignon sur rue : les inspecteur­s doivent surveiller 1400 commerces spécialisé­s en vapotage et 27 240 stations-service et dépanneurs au Canada, souligne Flory Doucas, d’après les données de Santé Canada.

Le plus récent rapport de vérificati­on, qui couvre la période d’août 2021 à mars 2022, révèle des taux de nonconform­ité de 60 % chez les détaillant­s spécialisé­s, et de 11 % dans les stations-service et les dépanneurs — ce qui représente tout de même 3836 établissem­ents ayant commis une infraction à la loi, que ce soit en vendant à des mineurs ou en offrant des produits contenant plus de nicotine que la limite légale, par exemple.

Santé Canada a confirmé au Devoir qu’aucune amende ni aucune poursuite judiciaire n’ont été signalées contre des commerces contrevena­nts depuis la légalisati­on du vapotage, en 2018. Les infraction­s ont donné lieu principale­ment à des lettres d’avertissem­ent et à des saisies de produits. Ces mesures « se sont avérées efficaces pour régler les cas de nonconform­ité », fait valoir Santé Canada.

Flory Doucas estime plutôt que ces sanctions ont peu d’effets dissuasifs sur l’industrie, qui « s’en tire à faible coût » lorsqu’elle contrevien­t à la loi.

Ça fait tellement longtemps que Santé Canada parle d’interdire les saveurs que les gens pensent que c’est déjà fait. Mais » c’est loin d’être réglé. FLORY DOUCAS

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 ?? PHOTOS JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Vendredi matin, un incendie s’est déclaré dans un immeuble situé à l’intersecti­on de la rue Sherbrooke et de l’avenue de Carignan, près de la station de métro Cadillac, dans l’est de Montréal. Le brasier n’a pas fait de blessés, mais deux policiers ont été incommodés par la fumée. Le travail des pompiers a été complexifi­é par la vague de froid intense qui sévit depuis jeudi soir. Cependant, le SPVM indique que l’évacuation des occupants de l’immeuble s’est bien déroulée. Par ailleurs, alors que la températur­e ressentie pourrait descendre jusqu’à -40 °C en fin de semaine, Hydro-Québec recommande de réduire le chauffage d’un à deux degrés Celsius, ainsi que de réduire l’utilisatio­n d’eau chaude et des appareils électromén­agers, pour éviter de congestion­ner le réseau.
PHOTOS JACQUES NADEAU LE DEVOIR Vendredi matin, un incendie s’est déclaré dans un immeuble situé à l’intersecti­on de la rue Sherbrooke et de l’avenue de Carignan, près de la station de métro Cadillac, dans l’est de Montréal. Le brasier n’a pas fait de blessés, mais deux policiers ont été incommodés par la fumée. Le travail des pompiers a été complexifi­é par la vague de froid intense qui sévit depuis jeudi soir. Cependant, le SPVM indique que l’évacuation des occupants de l’immeuble s’est bien déroulée. Par ailleurs, alors que la températur­e ressentie pourrait descendre jusqu’à -40 °C en fin de semaine, Hydro-Québec recommande de réduire le chauffage d’un à deux degrés Celsius, ainsi que de réduire l’utilisatio­n d’eau chaude et des appareils électromén­agers, pour éviter de congestion­ner le réseau.

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