Le Devoir

La prison pour avoir eu des relations sexuelles avec une ado

La Cour d’appel confirme la condamnati­on de Nicolas Nzeyimana, qui n’a pas vérifié l’âge d’une partenaire sexuelle rencontrée sur Instagram

- STÉPHANIE MARIN LE DEVOIR

Un jeune homme de 21 ans qui a eu des relations sexuelles avec une adolescent­e de 13 ans rencontrée sur Instagram a pris le chemin de la prison. La Cour d’appel rappelle qu’il faut activement s’assurer de l’âge d’un partenaire sexuel, et que dire « je la croyais plus âgée, elle avait l’air d’une femme mûre » est loin d’être une défense à toute épreuve.

Après avoir rejeté l’appel de Nicolas Nzeyimana, la Cour d’appel lui a ordonné de se rendre aux autorités carcérales. L’homme, qui a été reconnu coupable d’agression sexuelle et de contacts sexuels sur une mineure de moins de 16 ans, devra purger une peine de prison de 42 mois.

Cette cause illustre l’une des nombreuses façons dont les mineurs sont sollicités sur les réseaux sociaux. L’homme, qui a huit ans de plus que la jeune fille, s’affichait comme un musicien. La Cour d’appel retient de la preuve qu’il savait que plusieurs de ses abonnés sur les réseaux sociaux avaient moins de 18 ans.

C’est l’adolescent­e qui a pris contact avec lui par le biais d’Instagram. Ils ont eu des discussion­s de nature sexuelle, et la plaignante lui a envoyé des photos d’elle nue. Puis, il a prépayé un taxi pour qu’elle vienne chez lui. Ils ont eu des relations sexuelles complètes à cette première occasion, ainsi que par la suite.

Dans sa décision rendue la semaine dernière, la Cour d’appel rappelle les règles en vigueur quand il est question d’activités sexuelles avec des mineurs : l’âge du consenteme­nt est de 16 ans au Canada, sauf dans certains cas précis.

Dans le cas d’actes sexuels impliquant une personne de moins de 16 ans, un accusé ne peut éviter une condamnati­on en invoquant le consenteme­nt de l’adolescent. Les seules exceptions à cette règle sont les suivantes : un jeune de 12 ou 13 ans peut consentir si son partenaire est de moins de deux ans son aîné, et le jeune de 14 ou 15 ans, lorsque son partenaire est de moins de cinq ans son aîné, a expliqué en entrevue Me Jérôme Laflamme, un avocat de l’équipe des violences sexuelles au sein du Directeur des poursuites criminelle­s et pénales.

Ici, la différence d’âge de huit ans empêchait l’accusé d’invoquer la « défense de consenteme­nt », a poursuivi Me Laflamme, qui n’était pas le procureur dans cette affaire, mais qui a accepté de décrire l’état du droit sur les défenses en matière de crimes sexuels.

L’accusé, qui nie avoir eu l’intention d’avoir des activités sexuelles avec une mineure, a donc plaidé la défense « d’erreur sur l’âge », c’est-à-dire la conviction que sa partenaire avait plus de 16 ans.

« Une femme mûre »

Au procès, Nicolas Nzeyimana a soutenu que la plaignante était « une adulte et une femme mûre ». Il a présenté à la juge des photos d’elle et a fait valoir que son habillemen­t, ses déplacemen­ts de Lanaudière à Montréal en taxi un jour de semaine ainsi que ses initiative­s en matière sexuelle appuyaient sa croyance. Il n’avait eu que des discussion­s de nature sexuelle avec elle, et ne connaissai­t rien au sujet de sa vie, a-t-il raconté. Une allégation « manifestem­ent utile » pour sa version, mais peu probable, a dit la juge de première instance en rejetant sa défense.

Nathalie Duchesneau, de la Cour du Québec, a rappelé que pour que ce moyen de défense soit accepté, l’accusé « n’avait certaineme­nt pas à faire toutes les vérificati­ons possibles et imaginable­s », mais devait démontrer « qu’il a pris toutes les mesures raisonnabl­es pour s’assurer de l’âge de sa partenaire ». Ce qui n’était pas le cas, selon elle.

Insatisfai­t, Nicolas Nzeyimana a porté la décision en appel, mais sans succès, puisque la Cour a confirmé la décision de la juge Duchesneau.

« L’appelant témoigne que la plaignante paraissait être une adulte en raison des circonstan­ces qu’il a expliquées. En définitive, il a laissé ses impression­s le guider et n’a fait aucune autre vérificati­on », écrivent les trois juges de la Cour. Or, « les apparences sont rarement suffisante­s ».

Mais il y a plus, écrit la Cour d’appel : il y avait un écart d’âge « important », une absence de fréquentat­ions avant les relations sexuelles, et le fait que l’accusé savait que des mineurs le suivaient sur Instagram.

De plus, il n’a jamais posé de question à la jeune fille sur son âge. Pire, à la deuxième rencontre, à laquelle participai­ent ses amis, il lui a dit de mentir : « Ce soir, tu as 18 ans. J’ai dit à mes amis que tu avais 18 ans. S’ils te posent des questions, tu as 18 ! » écrit la juge Duchesneau.

« Demander l’âge, c’est bien, mais ce n’est pas toujours suffisant », indique Me Laflamme, soulignant que parfois, les victimes ne disent pas la vérité sur leur âge.

La défense de « croyance raisonnabl­e et sincère de l’âge » dépend des circonstan­ces de chaque cas, dit-il, en insistant sur le fait qu’il s’agit d’une défense peu fréquente, car « assez exigeante » et donc difficile à établir par un accusé.

Lorsqu’il est question de rencontres sur les réseaux sociaux, les exigences seront peut-être même un peu plus élevées « parce que derrière un écran, on peut dire n’importe quoi », a précisé le procureur spécialisé. « Bref, si tu as un doute, tu vérifies », conclut-il.

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MICHAEL MONNIER ARCHIVES LE DEVOIR Dans sa décision rendue la semaine dernière, la Cour d’appel rappelle les règles en vigueur quand il est question d’activités sexuelles avec des mineurs : l’âge du consenteme­nt est de 16 ans au Canada, sauf dans certains cas précis.

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