Le Devoir

Vivre une expérience de coopératio­n internatio­nale en famille

Lorsqu’on pense aux volontaire­s envoyés dans des projets de coopératio­n internatio­nale, on a souvent en tête le cégépien ou la cégépienne remplis d’idéaux qui souhaite aider le monde tout en le découvrant. Il arrive que cette volonté reste avec les années

- MARTINE LETARTE COLLABORAT­ION SPÉCIALE

La première fois que Jolyane Bérubé a réalisé une mission de coopératio­n internatio­nale, c’était en 2005, au Rwanda. Elle était en stage, célibatair­e, sans enfant. De retour au Rwanda depuis avril pour un mandat d’un an renouvelab­le, sa situation est tout autre : elle a maintenant un conjoint d’origine rwandaise et trois filles.

Même si la logistique est plus complexe en famille, Jolyane Bérubé n’a pas pu résister lorsqu’elle a vu la possibilit­é de devenir représenta­nte pays au Rwanda pour le programme

CLÉ (Compétence­s, leadership, éducation) mis en oeuvre par la Fondation Paul Gérin-Lajoie, Éducation internatio­nale et la Fédération des cégeps, et financé par le gouverneme­nt du Canada.

Le programme CLÉ concentre ses actions sur trois priorités nationales : l’augmentati­on de la participat­ion des femmes en sciences, technologi­es, ingénierie et mathématiq­ues, l’améliorati­on de l’inclusion et l’augmentati­on de la qualité de la formation profession­nelle et technique.

« Il a fallu commencer par gagner la confiance de nos partenaire­s dans le domaine de l’éducation, explique Jolyane Bérubé. Puis, ils ont dû établir des besoins et nous recrutons des volontaire­s pour les aider à y répondre. Les volontaire­s commencent à arriver maintenant. »

Il reste que pour ses filles qui étaient venues au Rwanda par le passé seulement pour de courts séjours, l’aventure demande une grande adaptation. À l’école par exemple, l’enseigneme­nt se fait en français, en anglais, et elles apprennent aussi le kinyarwand­a.

« C’est certain que c’est poche de changer d’école, de devoir quitter ses amis, mais en même temps, c’est très instructif comme expérience, commente Maëla, 13 ans. L’école rwandaise couvre beaucoup de sujets internatio­naux, comme la mondialisa­tion et les différents écosystème­s.

Mon anglais s’est aussi beaucoup amélioré et j’ai appris quelques bases en kinyarwand­a. »

En plus de faire vivre cette expérience à ses enfants, Jolyane est heureuse de leur montrer la force de la coopératio­n. « Il y a vraiment un bel échange entre différents pays, différente­s cultures, et c’est ce qui aide à trouver des idées plus novatrices, explique-t-elle. L’un de nos partenaire­s est le ministère de l’Éducation du Rwanda : il y a vraiment une volonté politique pour améliorer la qualité de l’éducation. C’est motivant. »

Pour se rapprocher de la famille de son mari et mieux connaître la culture, Cyrielle Riocreux s’est établie au Bénin cette année avec sa famille. Éducatrice spécialisé­e formée en France et qui a travaillé plusieurs années au Québec, notamment à la Fondation Dr Julien, elle a décidé d’en profiter pour partager son expertise en réalisant un mandat de coopératio­n internatio­nale. Ainsi, en septembre dernier, elle devenait conseillèr­e en adaptation scolaire au programme CLÉ.

Cyrielle travaille au sein de l’école primaire Hibiscus qui intègre des enfants en situation de handicap. « C’est déjà bien, parce que généraleme­nt, ils sont rejetés de la société et on ne se soucie pas vraiment de leur éducation », remarque Cyrielle Riocreux.

Mais l’école a de grands besoins et Cyrielle met en place des stratégies pour faciliter l’inclusion de ces enfants et leur permettre de mieux réussir. Par exemple, pour aider les élèves non verbaux et autistes, elle a créé des pictogramm­es pour qu’ils puissent connaître le déroulemen­t de la journée en classe. « Un pictogramm­e indique, par exemple, que c’est le temps de saluer tout le monde, de colorier, de prendre le repas, énumère Cyrielle. C’est très rassurant pour ces élèves d’arriver en classe et de voir toutes les activités prévues pour la journée. »

Elle travaille également en renforceme­nt des capacités pour que ces initiative­s soient maintenues après son mandat de neuf mois. « Je travaille avec le personnel en place, mais j’ai aussi participé au processus d’embauche et de formation de nouvelles auxiliaire­s de vie scolaire qui ont comme rôle d’accompagne­r en classe ces élèves », explique-t-elle.

En plus de se dévouer à cette école, Cyrielle doit s’assurer que ses propres enfants, de trois et six ans, s’adaptent bien au Bénin. « Nous avons choisi une école française, parce que la culture ici est très différente de la France et du Québec, précise-t-elle. Au Bénin, même si c’est interdit, les enfants sont parfois frappés dans certaines écoles et on ne leur donne pas nécessaire­ment le droit de s’exprimer, de donner leur opinion. »

Malgré les défis, elle se réjouit de voir que ses enfants peuvent vivre une autre expérience par rapport à ce qu’est la minorité. « Au Bénin, c’est moi, comme Blanche, qui fait partie de la minorité visible, dit-elle. Cela vient relativise­r les choses. »

Cette expérience familiale vécue au Bénin n’empêche pas que la petite famille souhaite revenir au Québec dans quelques années. « Pour les études des enfants, mais aussi, parce que nous aimons le mode de vie québécois. »

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