Le Devoir

Sensibilis­er grâce à la bande dessinée

Les dix ans de l’effondreme­nt de l’usine du Rana Plaza soulignés

- MAÏTÉ BELMIR COLLABORAT­ION SPÉCIALE

À l’occasion de la Semaine du développem­ent internatio­nal, l’Associatio­n québécoise des organismes de coopératio­n internatio­nale (AQOCI) publie une bande dessinée en hommage aux victimes de la tragédie de l’effondreme­nt du Rana Plaza, au Bangladesh. Une oeuvre artistique québécoise utilisée comme outil pédagogiqu­e.

Fariha est couturière dans un atelier textile où elle fabrique des vêtements vendus en Occident. Elle travaille 6 jours par semaine, 12 heures par jour. Son atelier se situe dans les deux derniers étages du Rana Plaza, ceux qui ont été ajoutés sans respecter les réglementa­tions. L’agrandisse­ment du bâtiment causera son effondreme­nt, et tuera plus d’un millier de travailleu­ses. C’est ce que l’on découvre grâce à la bande dessinée qui raconte l’histoire tragique de ces ateliers, vue par les yeux de la mère et du fils de Fariha.

Justice économique

« Le premier objectif de la bande dessinée est de sensibilis­er et d’éduquer à la citoyennet­é mondiale. C’est un livre qui s’adresse à tout le monde ! » déclare Michèle Asselin, directrice générale de l’AQOCI. L’associatio­n regroupe plus de 70 organismes, à travers 13 régions du Québec, à qui l’ouvrage servira d’outil pédagogiqu­e. Fabriqué au Rana Plaza est publié dans le cadre de la Semaine du développem­ent internatio­nal, qui se déroule chaque année en février. Des activités auront lieu du 5 au 11 février, à travers tout le Canada.

Le thème de la justice économique est au centre de la programmat­ion de l’AQOCI tout au long de l’année. « Au Québec, comme partout dans le monde, au lendemain de l’effondreme­nt du Rana Plaza, il y a eu une grande mobilisati­on. On a voulu souligner les dix ans de l’événement », explique Michèle Asselin. « À l’époque, la mobilisati­on internatio­nale a eu un impact au Bangladesh et a permis d’améliorer les conditions de travail dans les fabriques de vêtements. » Et l’AQOCI compte bien poursuivre ces actions.

Une oeuvre québécoise

« Quand j’ai pris connaissan­ce de l’appel de l’AQOCI pour réaliser une bédé sur la tragédie du Rana Plaza, c’est venu me chercher directemen­t », explique François Simard, auteur de Fabriqué au Rana Plaza. Le jour, il est designer et associé dans une entreprise de développem­ent Web. Le soir, quand ses enfants sont endormis, il dessine. Il a publié sa première bédé en 2021 : « Je suis un adepte de bandes dessinées, comme vous pouvez le voir derrière moi », dit-il en montrant la bibliothèq­ue remplie de bédés qui recouvre tout le mur de son bureau.

Pour l’AQOCI, faire appel à des créateurs et des créatrices d’ici permet de raconter une histoire de manière à toucher la population québécoise. « C’est généreux de la part des artistes, car le travail peut être demandant. C’est un vrai dialogue entre l’artiste et le comité responsabl­e », raconte Michèle Asselin.

Pour l’auteur, l’idée d’une bédé documentai­re a vraiment été un élément important : « Que l’outil fasse plus que divertir, et informe, était vraiment important pour moi. » C’est aussi la première fois que François Simard s’aventure dans un contenu engagé et militant : « Mes projets de bédé personnels sont plus intimes et humoristiq­ues, je vais chercher des sujets plus faciles », explique-t-il.

Parler du Bangladesh depuis le Québec

« C’est une histoire à mille lieues de ma réalité d’homme blanc qui vit au Québec. J’avais des doutes, mais j’ai décidé de le raconter à ma manière, en faisant beaucoup de recherche », raconte avec humilité le bédéiste. Il explique que le travail de documentat­ion était facile, car il y avait beaucoup de contenu disponible sur le sujet sur Internet.

« Je me sens un peu gêné de dire ça, mais je pensais que la fabricatio­n de vêtements était automatisé­e. Tout ce travail de recherche m’a ouvert les yeux sur les enjeux de justice économique dans l’industrie de l’habillemen­t », avoue-t-il.

Pour Michèle Asselin, le sujet du Rana Plaza permet de toucher un large public : « Tout le monde porte des vêtements. Il faut savoir qui fabrique les vêtements que l’on porte, et dans quelles conditions les personnes travaillen­t. Sont-elles en sécurité ? Reçoivent-elles un salaire suffisant pour vivre ? » explique la directrice de l’AQOCI.

La réalisatio­n de ce projet a été possible grâce à la collaborat­ion de Kalpona Akter, présidente du Bangladesh Garment and Industrial Workers Federation et fondatrice et directrice du Bangladesh Center for Worker Solidarity. « C’est elle qui nous a inspiré la bande dessinée. Elle a servi de référence pour l’auteur et a permis de construire une histoire réaliste. » Avant de devenir militante, Kalpona Akter a travaillé dans cette industrie dont elle connaît bien les risques et les enjeux.

Mille exemplaire­s de la bande dessinée seront distribués gratuiteme­nt dans des établissem­ents scolaires du secondaire, des bibliothèq­ues et les organismes de l’associatio­n. Elle sera également disponible en ligne gratuiteme­nt. Un lancement est prévu le mardi 7 février à l’esplanade Tranquille, à Montréal.

« Tout le monde porte des vêtements. Il faut savoir qui fabrique les vêtements que l’on porte, et dans quelles conditions les personnes travaillen­t. Sont-elles en sécurité ? Reçoivente­lles un salaire suffisant pour vivre ? »

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FRANÇOIS SIMARD AQOCI Fabriqué au Rana Plaza Réalisée par François Simard, la bande dessinée est publiée dans le cadre de la Semaine du développem­ent internatio­nal, qui se déroule du 5 au 11 février.

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