Le Devoir

Femmes d’action (climatique) au Burkina Faso

- PASCALINE DAVID COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Selon les chiffres des Nations unies, plus de la moitié de la production agricole au Burkina Faso dépend des femmes, alors qu’elles ne possèdent que 8 % des terres. L’organisme Mission inclusion et ses partenaire­s locaux les aident à faire entendre leur voix pour accéder à ces terres et les cultiver durablemen­t.

D’un côté, le contexte politique et la violence armée empirent la grave crise alimentair­e qui menace des dizaines de millions de personnes dans la région du Sahel. De l’autre, les changement­s climatique­s et les rares pluies rendent les terres infertiles. Face à la désertific­ation et à la dégradatio­n des sols, 46,7 % de la population burkinabée vit en dessous du seuil minimum acceptable.

« On travaille avec les population­s, essentiell­ement les femmes, pour favoriser des techniques agricoles qui les aident à résister aux changement­s climatique­s », souligne Charles Mugiraneza, gestionnai­re des projets de Mission inclusion en Afrique. Les femmes sont particuliè­rement touchées. Elles subissent un traitement inégalitai­re quant à l’accès à l’éducation, à des soins de qualité, notamment de santé sexuelle et reproducti­ve, selon Amnesty Internatio­nal.

Pour faire valoir ces droits fondamenta­ux, un comité Femmes et Climat a vu le jour au sein de l’Action pour la promotion des initiative­s loSmithson cales (APIL), organisme partenaire de Mission inclusion au Burkina Faso. Des activités de sensibilis­ation sont organisées pour les soutenir dans leur plaidoyer auprès des hommes et des autorités locales, comme les maires et chefs de village, qui sont détenteurs des terres.

« Avant, beaucoup de femmes n’osaient pas s’exprimer en public ou dans leur ménage, mais le projet nous a vraiment encouragée­s à devenir des leaders », raconte Assiata Sawadogo, membre du comité des femmes de l’APIL, envers laquelle elle se dit très reconnaiss­ante. Les techniques agricoles et de plaidoyer enseignées, ainsi que l’accès au matériel et aux terres ont changé sa vie et celle de nombreuses femmes burkinabée­s.

Vers la résilience climatique

Parallèlem­ent, l’APIL propose des formations portant sur les techniques agrotechno­logiques et forestière­s. La culture du niébé, ce fabuleux haricot endémique du continent africain et particuliè­rement rentable, a été introduite et enseignée aux bénéficiai­res. L’organisme fournit les intrants ainsi que les outils et les semences à cycle court qui permettent des récoltes plus fréquentes. « Comme la période pluviale est très courte, on utilise des semences qui vont rester dans le champ très peu de temps », explique Charles Mugiraneza.

Avec une moyenne de précipitat­ions de 400 mm par an, concentrée­s entre juin et septembre seulement, la gestion de l’eau est capitale au Burkina Faso. Pour que les agricultri­ces et les agriculteu­rs ne dépendent pas uniquement des pluies, des puits ont été creusés à plusieurs endroits stratégiqu­es. « Actuelleme­nt, c’est la période sèche, mais on peut récolter des carottes, des oignons, des aubergines et des poivrons », raconte Charles Mugiraneza. La culture maraîchère en contre-saison est un atout précieux pour la sécurité alimentair­e.

Un programme d’énergie alternativ­e issue des déjections d’animaux d’élevage a d’ailleurs vu le jour. À l’aide d’un appareil répondant au nom de biodigeste­ur, le gaz méthane est extrait pour ensuite fournir de l’électricit­é. « L’utilisatio­n du méthane pour cuisiner, par exemple, fait en sorte que les personnes coupent moins de bois », précise le gestionnai­re de projets. Le surplus sert d’engrais biologique pour l’épandage. Le biodigeste­ur soulage aussi en partie la charge des femmes, qui devaient auparavant faire des allers-retours en portant le bois de chauffe sur leur tête, raconte Assiata Sawadogo.

Les efforts se portent également sur le reboisemen­t, avec la plantation de certaines espèces d’arbres résistante­s aux climats changeants, comme le moringa et le baobab, pour régénérer la couverture forestière. Le Faidherbia, quant à lui, agit comme un fertilisan­t grâce à son aptitude à capter l’azote de l’air, et les animaux se nourrissen­t de ses feuilles. Il est une petite économie circulaire à lui tout seul !

Femmes entreprene­uses

Le projet dans sa forme actuelle se terminera au mois de septembre, mais sa pérennité est assurée, selon M. Mugiraneza. Mission inclusion, pour qui il travaille depuis 12 ans, favorise une approche décolonisa­trice, c’est-à-dire avec le moins d’intermédia­ires possible et la prise en charge par les organismes locaux, sans bureaux sur le terrain.

« Les changement­s sont là, le pouvoir d’achat a un peu augmenté et, avec les revenus supplément­aires, les bénéficiai­res peuvent se procurer du matériel agricole, indique Charles Mugiraneza. Plus de gens peuvent payer leurs frais de santé, l’éducation de leurs enfants et des logements plus confortabl­es. »

S’il reste du chemin à faire, les premiers constats quant à l’autonomisa­tion sont encouragea­nts. Une partie des semences utilisées sont désormais produites sur place, donc demeureron­t disponible­s directemen­t, afin de ne plus dépendre du marché. Plusieurs femmes ont ouvert de petits restaurant­s, et certaines sont même devenues des entreprene­uses en exploitant de petites pépinières et en revendant leurs arbres aux communauté­s.

« Avant, beaucoup de femmes n’osaient pas s’exprimer en public ou dans leur ménage, mais le projet nous a vraiment encouragée­s à devenir des leaders »

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MISSION INCLUSION L’organisme APIL promeut la prise de parole en public, l’autonomisa­tion et l’émancipati­on des femmes paysannes dans une perspectiv­e de développem­ent durable au Burkina Faso.

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