Un groupe d’épargne mené par des femmes au Salvador
Avec le soutien d’Oxfam-Québec, des femmes du Salvador sans accès au crédit bancaire s’organisent en groupe d’épargne solidaire. La formule a tant de succès qu’elle gagne rapidement en popularité dans le petit pays d’Amérique centrale confronté à la pauvr
Les femmes salvadoriennes, nous sommes des guerrières, affirme avec dignité Enemecia Portillo, présidente du groupe d’épargne des femmes d’El Espino. Parfois, les maris nous laissent seules avec plusieurs enfants. Nous vivons de salaires très maigres, et soudainement nous avons besoin de médicaments. Mais on se relève toujours. »
Moins d’une femme salvadorienne sur trois possède un compte de banque, une proportion beaucoup plus faible parmi les paysannes, illustre Enemecia Portillo. Comme elle, de nombreuses femmes de la communauté El Espino, dans le département de La Libertad au Salvador, travaillent dans les plantations de café. Plusieurs sont des mères célibataires. De nombreux hommes quittent le pays pour aller travailler aux États-Unis. D’autres ont été victimes de la guerre civile entre 1979 et 1992 ou de la violence des gangs armés.
Malgré les défis, Enemecia Portillo est fière de la solidarité unissant les femmes paysannes, qui permettent à ces dernières d’atteindre une plus grande autonomie financière et, par le fait même, un meilleur statut au sein de leur foyer et de leur communauté. « Dans les colonies [des villes], je ne vois pas de femmes organisées, notet-elle. En tant que paysannes, nous avons réussi l’autonomisation. »
La clé de l’autonomie
En 2017, un groupe d’épargne féminin est créé à El Espino, sous l’initiative d’Oxfam-Québec. Le groupe d’épargne fonctionne comme une petite caisse populaire, octroyant des microcrédits de moins d’un an pouvant aller jusqu’à 500 dollars américains. Les membres doivent participer à des réunions régulières et déposer des épargnes, par exemple 2 $ toutes les deux semaines. Le montant collecté et les intérêts générés permettent aux femmes d’emprunter et de rembourser leur prêt avec un taux d’intérêt minimal. L’argent amassé est conservé dans un coffre-fort fourni par Oxfam.
« Nous établissons ensemble nos règles, explique Enemecia Portillo. Par exemple, les membres doivent rembourser avant la fin de l’année financière, autrement elles doivent payer une amende. La formule permet aux femmes d’avoir accès à une meilleure qualité de vie, précise la présidente du groupe. « Une femme a pu réparer son toit qui n’était pas étanche, donne-t-elle en exemple. Une autre devait payer une consultation médicale et faire une cytologie. »
En quelques années, le groupe d’El Espino est ainsi passé de 14 à plus de 80 membres. La formule marche tant et si bien que d’autres femmes dans le pays observent à présent le fonctionnement du groupe d’El Espino pour reproduire l’expérience. Avec le soutien d’Oxfam, un autre groupe sera bientôt créé à Ahuachapán, dans l’ouest du pays.
Avec le groupe d’épargne, la présidente voit encore plus loin. Elle souhaite que le groupe puisse générer assez de fonds afin d’ouvrir un local qui pourra servir d’espace privé permettant aux femmes de se confier et de partager leurs expériences avec plus d’intimité.
Solidarité féminine
L’organisation de ces femmes autour de groupes d’épargne permet aussi d’apporter des solutions sur le plan social, renchérit Magaly Brunet, conseillère en autonomisation économique et genre, coopérante volontaire pour Oxfam-Québec pour ce projet. « Le groupe d’épargne transcende la dimension économique, explique-t-elle. Un groupe d’épargne, c’est aussi un espace sécuritaire pour les femmes qui permet de créer un réseau de femmes qui se partagent leurs expériences, leurs préoccupations, des pistes de solutions. »
Les groupes sont aussi des espaces pour renforcer les connaissances et les aptitudes des membres sur plusieurs aspects, comme la réalisation d’un plan d’affaires, les droits des femmes, ou la violence faite aux femmes. Des ateliers sur ces thèmes sont organisés par le réseau des groupes d’épargne de la région, précise Magaly Brunet.
Après le lancement des groupes, Oxfam-Québec continue de fournir un soutien pour solidifier ces initiatives avec des moyens financiers et techniques. « Je remercie Dieu que nous ayons rencontré des organisations [comme Oxfam] qui nous ont ouvert les yeux, conclut Enemecia Portillo. Elles nous encouragent à nous défendre en tant que femmes et nous font sentir que, même si elle habite une humble maison, la femme est importante. »
Moins d’une femme salvadorienne sur trois possède un compte de banque, une proportion beaucoup plus faible parmi les paysannes, selon le groupe d’épargne des femmes d’El Espino