Le Devoir

Des protection­s menstruell­es pour toutes

- AMÉLIE REVERT COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Grâce au soutien de Carrefour Internatio­nal, de jeunes étudiantes de Niakaraman­dougou, en Côte d’Ivoire, ont pu recevoir une trousse de serviettes hygiénique­s lavables produites localement. Au-delà de la lutte contre la précarité menstruell­e, ce projet vise aussi à sensibilis­er les membres de la communauté aux questions de genre, d’égalité et de santé sexuelle et reproducti­ve.

En Afrique subsaharie­nne, une fille sur dix manque plusieurs jours d’école parce qu’elle est menstruée », explique Marlyatou Dosso, responsabl­e de la programmat­ion en Côte d’Ivoire pour Carrefour Internatio­nal, une organisati­on canadienne de coopératio­n internatio­nale qui oeuvre en faveur de l’égalité et de l’éliminatio­n de la pauvreté en Afrique. « Je pense que les statistiqu­es ne sont pas très justes et qu’elles sont bien plus élevées que cela », fait-elle cependant remarquer. En Côte d’Ivoire, même si l’école est gratuite et obligatoir­e jusqu’à 16 ans, il existe de nombreux freins à la scolarisat­ion des jeunes filles.

« Au secondaire, on constate que la moitié des filles qui ne sont plus là souvent, c’est parce que c’est trop cher d’acheter un paquet de serviettes hygiénique­s, vendu ici à 500 francs CFA (environ 1 $), soit le même prix que le kilo de riz. Quand il y a un choix à faire, les parents achètent ce qu’il faut pour nourrir la famille… » ajoute la travailleu­se humanitair­e.

Lutter contre la précarité menstruell­e

Afin de pallier ces carences et d’empêcher les jeunes filles d’avoir recours à des méthodes dangereuse­s et peu hygiénique­s lors de leurs menstruati­ons, Carrefour Internatio­nal a récemment épaulé un projet singulier lancé par le Centre féminin pour la démocratie et les droits humains en Côte d’Ivoire (CEFCI). « Celui-ci avait pour objectif la création d’une petite unité de production de serviettes hygiénique­s lavables pour lutter contre la précarité menstruell­e des jeunes filles du lycée municipal Henri Konan Bédié, tout en créant de l’emploi pour les femmes vulnérable­s de Niakaraman­dougou », se souvient Marlyatou Dosso, qui, avec son équipe, a tout de suite été séduite par l’idée. « Notre but n’est pas de nous substituer aux partenaire­s, mais de renforcer leurs capacités », tient-elle à préciser.

C’est ainsi qu’entre 2020 et 2021, grâce à la coopératio­n entre Carre« four Internatio­nal et le CEFCI, une formatrice a pu se déplacer dans cette région du nord-est du pays, voisine du Burkina Faso, pour enseigner la couture aux participan­tes. Après l’aménagemen­t d’un local dédié et l’installati­on de machines à coudre, ces dernières ont pu confection­ner quelque 675 trousses menstruell­es, comprenant quatre serviettes hygiénique­s lavables et réutilisab­les, qui ont finalement été distribuée­s aux lycéennes.

Déconstrui­re les tabous

Plus encore, le projet a permis de sensibilis­er les jeunes filles de Niakaraman­dougou à la puberté et au passage de l’enfance à l’adolescenc­e, et notamment à la question de l’hygiène menstruell­e, encore taboue. Ces discussion­s ont également engendré des conversati­ons autour de la santé sexuelle et reproducti­ve, mais aussi sur la question de l’avortement. « La Côte d’Ivoire est le pays d’Afrique de l’Ouest avec le plus haut taux de grossesse en milieu scolaire », souligne Marlyatou Dosso. D’où l’implan, portance d’aborder les questions du cycle menstruel, de l’égalité des sexes et de genre, et de communique­r sur les façons d’éviter de tomber enceinte avec l’ensemble des membres de la communauté — les élèves, les enseignant­s, les associatio­ns de parents d’élèves, les membres du Conseil d’éducation. « Pour ce faire, nous sommes entrés en contact avec les autorités scolaires pour qu’elles puissent s’approprier ce projet. Puisqu’elles sont une partie prenante de premier il faut qu’elles puissent comprendre la démarche », affirme Marlyatou Dosso. Selon elle, les infrastruc­tures doivent tenir compte des besoins propres aux adolescent­es, par exemple en leur proposant des toilettes réservées. « Pendant huit mois, à Niakaraman­dougou, nous avons aussi rencontré les jeunes garçons, car le but était de lever le tabou autour des règles », poursuit-elle.

Si cette initiative inclusive est désormais terminée pour Carrefour Internatio­nal, il n’en demeure pas moins que les nouvelles couturière­s ont toujours accès à leur matériel et continuent à fabriquer des serviettes hygiénique­s. « Nos partenaire­s du CEFCI peuvent maintenant s’appuyer sur ce projet pilote pour le répliquer dans d’autres régions et le faire essaimer un peu partout », confie fièrement Marlyatou Dosso. Et de conclure : « Nous avons la preuve que nos collaborat­eurs ont des idées innovantes qu’ils exécutent de bout en bout avec profession­nalisme. Les résultats sont probants ! »

« Au secondaire, on constate que la moitié des filles qui ne sont plus là souvent, c’est parce que c’est trop cher d’acheter un paquet de serviettes hygiénique­s »

 ?? CEFCI CARREFOUR INTERNATIO­NAL ?? Quelque 675 trousses menstruell­es, comprenant quatre serviettes hygiénique­s lavables et réutilisab­les, ont été distribuée­s aux lycéennes de Niakaraman­dougou, en Côte d’Ivoire, grâce à la coopératio­n entre Carrefour Internatio­nal et le CEFCI.
CEFCI CARREFOUR INTERNATIO­NAL Quelque 675 trousses menstruell­es, comprenant quatre serviettes hygiénique­s lavables et réutilisab­les, ont été distribuée­s aux lycéennes de Niakaraman­dougou, en Côte d’Ivoire, grâce à la coopératio­n entre Carrefour Internatio­nal et le CEFCI.

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