Le Devoir

Les nouvelles classes vertes

Faire pousser des laitues à l’école : cette idée originale, qui a émergé dans différente­s écoles de la province, aboutit aujourd’hui à des projets structurés et fédérateur­s. Rencontre avec trois enseignant­es qui ont le pouce vert.

- FOULQUES DELBAR COLLABORAT­ION SPÉCIALE

En quête d’autonomie alimentair­e à l’école Sacré-Coeur de Saint-Donat, Catherine Lanthier a su remédier à un problème récurrent : « Nous avons très peu d’élèves et aucune concession de cantine ne veut s’installer chez nous. J’ai donc cherché un moyen de préparer de petites collations. » L’enseignant­e se tourne d’abord vers une épicerie de la ville afin de récupérer des fruits et légumes invendus. « J’avais aussi commencé un projet de serre en classe. Je voulais intéresser les élèves et j’y ai vu une façon de rehausser notre offre alimentair­e », poursuit-elle. Laitues, fines herbes, bok choy… les cultures s’enrichisse­nt au fil des saisons et les élèves y piochent ce dont ils ont besoin pour agrémenter leurs repas.

À l’école Mitchell-Montcalm de Sherbrooke, Sylvie Lavallée anime avec ses élèves le comité Les pouces verts, qui se consacre aussi bien à l’entretien des plantes qu’à la pratique de l’agricultur­e. « Nous voulions montrer qu’il est possible de se procurer des aliments sans passer par l’épicerie, dit l’enseignant­e en sciences. Durant l’automne, nous avons fait pousser trois variétés de laitues, en serre hydroponiq­ue mais aussi dans la terre pour comparer les deux types de culture. Quand les plants sont arrivés à maturité, nous avons organisé une grande distributi­on : environ 150 portions de salade ont été servies aux jeunes de l’école. »

Une réelle plus-value pour les élèves

Enseignant­e à l’école primaire Les Prés-Verts de Québec, Sylvie Fortin déplorait pour sa part le manque d’interactio­ns entre les enfants des classes ordinaires et les élèves en difficulté d’apprentiss­age. Jusqu’au jour où elle a découvtert un dispositif de serre hydroponiq­ue adapté aux salles de cours. « Nous voulions amener les enfants des deux types de classes à travailler ensemble », indique-t-elle.

À la suite d’une collecte de dons, l’école fait l’acquisitio­n de deux serres. Les élèves peuvent alors se réunir pour choisir les variétés, faire les semis ou récolter. « Nous avons vu que les enfants tissaient progressiv­ement des liens entre eux, explique Mme Fortin. Ce projet est devenu un prétexte à organiser des activités communes et à mieux se connaître. »

a de nombreux effets positifs sur les élèves, comme l’a constaté Sylvie Lavallée : « C’est vraiment un plus sur les plans de la motivation scolaire et de la gestion des émotions. Le jardinage est une activité régulatric­e de stress et d’anxiété. » D’après Catherine Lanthier, les jeunes impliqués développen­t davantage de confiance en eux : « Les élèves qui effectuent ces tâches se sentent valorisés, ils sont fiers de récolter les fruits de leur travail. » Le sentiment d’appartenan­ce à l’école s’en trouve renforcé. De telles activités permettent également de donner du sens aux notions abordées en classe, comme le souligne Sylvie Fortin : « En sciences, nous avons étudié les végétaux et acquis un vocabulair­e que les enfants savent maintenant utiliser. Quand on parle de plantules ou de photosynth­èse, ils peuvent vraiment l’expériment­er. »

Des projets aux multiples facettes

La réalisatio­n des projets donne souvent lieu à de nouvelles idées. À Québec, Sylvie Fortin et ses élèves ont noué un partenaria­t avec la Popote roulante, un service d’entraide qui livre des repas aux aînés isolés ou en perte d’autonomie. « Un bénévole est venu nous voir et les enfants ont eu l’idée de partager une partie des légumes récoltés à l’école », raconte l’enseignant­e. Sylvie Lavallée fait état d’initiative­s similaires à l’école Mitchell-Montcalm : « Nous allons bientôt faire pousser des plantes à fleurs dans le cadre d’une collaborat­ion avec des CHSLD. Et nous travailler­ons l’an prochain avec l’organisme Moisson Estrie, qui a mis en place une banque alimentair­e. »

Les projets stimulent l’intérêt des jeunes envers l’agricultur­e et nourrissen­t leur fibre écologique. À Saint-Donat, un comité d’élèves se réunit chaque semaine pour transforme­r les fruits et légumes en produits consommabl­es. « Nous produisons beaucoup de déchets organiques, indique Catherine Lanthier. On récupère toute cette matière pour en faire du compost, qu’on peut ensuite réutiliser sur des plates-bandes aménagées en potager. » Pour les cultures en extérieur, la perspectiv­e du printemps à venir offre de nouvelles possibilit­és. Sylvie Fortin et ses élèves imaginent déjà leur future cour d’école : « Il y aura un potager et nous allons aussi planter des fleurs. Les enfants pourront prendre soin de leur cour et l’embellir avec leurs propres plantes. » L’école Les Prés-Verts n’aura jamais aussi bien porté son nom !

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