Le Devoir

Sensibilis­er les élèves aux questions d’argent

- JEAN DÉCARY COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Initier les plus jeunes aux questions d’argent afin de mieux les préparer à la gestion de leurs finances personnell­es quand ils seront grands. Voilà en somme ce qui a motivé Francis Vigneux-Blais, enseignant à l’école primaire Notre-Dame-de-l’Assomption, non loin de Sherbrooke en Estrie, à proposer dans sa classe une panoplie d’activités à saveur financière.

«J’ai appliqué le filtre de la vraie vie. Les élèves gagnent de l’argent et ils peuvent choisir d’acheter des choses ou d’épargner en déposant à la banque — moi — leurs économies, qui feront des intérêts. »

C’est une vidéo publiée le 6 décembre dernier sur le réseau social TikTok, et vue plus de 177 000 fois, qui a véritablem­ent mis en lumière le projet éducatif de l’enseignant auquel participe une classe de 22 élèves de 3e et 4e année, âgés de 8 à 9 ans. Il y donnait un avant-goût du fonctionne­ment de son projet d’éducation financière. « Je suis habitué à faire toutes sortes de projets dans mes classes, mais l’intérêt suscité pour celui-ci m’a pris par surprise », avoue l’enseignant qui administre aussi la page La classe de Francis, à la fois sur TikTok et sur Instagram.

L’idée de parler de finances personnell­es à ses élèves a germé à la suite de discussion­s avec un jeune stagiaire de passage à son école. « Il avait de bonnes connaissan­ces sur les finances et la Bourse. Il achetait lui-même ses actions. Ça m’avait impression­né et j’avais décidé de lire davantage sur le sujet. » L’enseignant de 34 ans réalise qu’il aurait aimé qu’on lui inculque des notions de base en finances personnell­es tôt dans son cursus scolaire. « Dans le temps qui m’était imparti à l’intérieur du programme scolaire, je me suis demandé comment je pouvais faire une différence avec mon groupe. Et ce projet est né. »

Acheter ou épargner ?

L’enseignant de l’école Notre-Damede-l’Assomption s’est alors procuré un ensemble pédagogiqu­e de billets d’argent, semblables aux billets officiels en circulatio­n, et a instauré son système en début d’année scolaire. Sa façon de procéder est simple : les élèves gagnent des sous en travaillan­t bien et en réalisant leurs travaux scolaires. Mais il y a un coût pour certaines choses, à commencer par leur pupitre qu’ils doivent louer tel un logement, ce qui les incite à bien budgéter. « Ils peuvent aussi faire de l’argent en réalisant de bonnes actions, en faisant le ménage de la classe, par exemple. »

Les élèves ont aussi établi une liste de privilèges auxquels ils ont droit avec leur obole, comme le fait d’écouter de la musique en classe ou de prendre la chaise du professeur pendant une période. « J’ai appliqué le filtre de la vraie vie. Les élèves gagnent de l’argent et ils peuvent choisir d’acheter des choses ou d’épargner en déposant à la banque — moi — leurs économies, qui feront des intérêts. C’est ultraconcr­et pour eux. C’est notre système d’émulation. C’est un moyen aussi d’accélérer mes transition­s ou d’améliorer la participat­ion aux diverses activités. »

Taxes, jeux de hasard et autres intérêts composés

Francis Vigneux-Blais précise qu’il a intégré tout au long de l’année de nouvelles notions financière­s. « Ça reste très vulgarisé et élémentair­e. » Sa classe va bientôt se pencher sur la notion de taxes. « On va avoir un gros bocal dans lequel on va ajouter la portion des taxes qui vont s’ajouter à l’achat d’un privilège. Et collective­ment, on va s’acheter quelque chose. Au lieu de soins de santé, ça sera peutêtre un livre. » Les jours des matchs du Canadien de Montréal, le professeur a créé un système de loterie pour déterminer le perdant ou le gagnant. « L’idée est de leur montrer que les jeux du hasard, ça reste du hasard, et que tout dépendant du jeu, les probabilit­és de gagner sont très minces. »

L’enseignant, qui compte déjà plus de dix ans d’expérience, mentionne que les élèves ont répondu fort positiveme­nt à ce projet. « Ils ont embarqué à fond. Il faut dire qu’ils sont habitués, car je leur suggère régulièrem­ent toutes sortes de projets. Mais c’est vrai que dès qu’ils peuvent s’acheter des privilèges, ils sont hyper-contents. »

Comme dans la vraie vie, l’enseignant a constaté quelques disparités dans la gestion des sous de ses élèves. S’ils sont pour la plupart assez économes, il y en a deux ou trois qui ont mis presque tout leur argent de côté. « Ceux-là peuvent pratiqueme­nt déjà vivre de leurs intérêts. Ils ont bien compris la magie des intérêts composés. » Il mentionne qu’il a aussi reçu un fort appui de la direction. « J’ai la chance d’avoir un patron qui me donne presque carte blanche pour l’ensemble de mes activités. Ce projet a aussi réussi à faire rayonner notre école. » Même réaction du côté des parents d’élèves. « C’est une petite communauté et certains m’ont fait savoir qu’ils auraient aimé, au même âge, recevoir ce genre d’initiation pour développer leur littératie financière. »

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PHOTO FOURNIE Achat ou épargne ? Comme dans la vraie vie, Francis Vigneux-Blais a constaté quelques disparités dans la gestion des sous de ses élèves.

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