Le Devoir

Un seul élu s’oppose au projet de loi sur les langues officielle­s

Le projet de loi C-13 est adopté aux Communes, mais Anthony Housefathe­r aura mis sa menace à exécution

- BORIS PROULX CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE À OTTAWA LE DEVOIR

Le député libéral montréalai­s Anthony Housefathe­r a mis sa menace à exécution : il a été le seul député de la Chambre des communes à s’opposer au projet de loi fédéral C-13 sur les langues officielle­s lors du vote final, lundi.

« Il y a plusieurs bonnes choses dans le projet de loi, mais j’ai senti qu’il fallait rappeler à la Chambre et aux Canadiens que les craintes de la communauté anglophone du Québec n’étaient pas réglées et qu’un vote unanime en faveur du projet de loi aurait balayé ces craintes du revers de la main », a expliqué l’élu montréalai­s dans un courriel envoyé au Devoir.

Au total, 300 députés représenta­nt tous les partis à Ottawa ont entériné C-13, qui poursuivra son chemin vers le Sénat avant de devenir officielle­ment une loi du Canada. Trente-sept élus étaient absents ou n’ont pas enregistré leur vote, à l’image de Justin Trudeau et de sa ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, qui étaient dans l’avion pour un voyage diplomatiq­ue en Asie.

La ministre des Langues officielle­s, Ginette Petitpas Taylor, s’est fait applaudir par ses collègues au moment du décompte. Le député conservate­ur québécois Joël Godin a lui aussi reçu des félicitati­ons des banquettes de l’opposition, pour avoir porté le dossier auprès de son parti.

Anthony Housefathe­r avait déjà déclaré au Devoir ne pas avoir l’intention de voter pour le projet de loi C-13 en troisième lecture s’il y avait des références importante­s à la Charte de la langue française du Québec. Le premier ministre Justin Trudeau avait ensuite dû préciser que tous ses ministres devaient appuyer C-13.

Le Parti libéral n’a jamais souhaité préciser s’il forcerait une ligne de parti. Les élues anglo-québécoise­s qui avaient exprimé de sévères critiques, Patricia Lattanzio et Emmanuella Lambropoul­os, ont pourtant voté pour le projet de loi. Elles n’ont pas répondu aux questions envoyées par Le Devoir.

« Les élus font de leur mieux pour refléter ce que leurs citoyens pensent », a indiqué le ministre montréalai­s Marc Miller, lui qui avait laissé planer le doute quant à sa propre position sur C-13 à l’hiver.

Première réforme en 30 ans

Le texte constitue une première réforme de la Loi sur les langues officielle­s depuis 1988, et crée une nouvelle loi sur l’usage du français dans les entreprise­s de compétence fédérale. Le Parti libéral avait promis « une égalité réelle des langues officielle­s au Canada » dans sa plus récente plateforme électorale. La ministre Mélanie Joly a rédigé les grandes lignes de ce projet politique peu avant les dernières élections fédérales, en 2021, alors qu’elle était aux commandes des Langues officielle­s.

La réforme modifie plusieurs aspects du fonctionne­ment de la machine fédérale. Elle donne par exemple plus de mordant au Commissari­at aux langues officielle­s, qui pourra désormais promulguer des ordonnance­s et distribuer des amendes aux institutio­ns publiques irrespectu­euses de leurs obligation­s à l’égard du français. Le projet de loi C-13 oblige aussi le fédéral à fixer des cibles d’immigratio­n francophon­e, en plus de forcer le bilinguism­e des juges à la Cour suprême.

Insatisfac­tion anglo-québécoise

C’est sa seconde partie, sur le français au travail, qui s’est révélée une source de controvers­es au sein même du Parti libéral. À l’étape du comité parlementa­ire, des députés libéraux québécois sont montés aux barricades pour décrier un recul des droits linguistiq­ues des anglophone­s.

Le député sortant et ex-ministre des Affaires étrangères Marc Garneau a pris la parole pour exiger qu’on expurge du texte toute référence à la Charte de la langue française, modifiée l’an dernier par la loi 96. L’ex-ministre a ensuite démissionn­é de son poste en mars, citant d’autres raisons.

Ensuite, une entente entre Québec et Ottawa a donné lieu à toute une série d’amendement­s votés à l’unanimité. Résultat : le projet de loi accorde des protection­s en matière de français dans les entreprise­s fédérales équivalent­es à celles en vigueur dans toutes les autres entreprise­s assujettie­s à la réglementa­tion du Québec.

L’appui des conservate­urs au projet de loi pour la protection du français n’étonne pas Stéphanie Chouinard, professeur­e adjointe au Collège militaire royal de Kingston et experte en politique linguistiq­ue. « La question des langues officielle­s n’a pas de couleur partisane. Et si on avait vu une vague contre C-13 au caucus [conservate­ur], ça aurait fourni des armes aux autres partis lors des prochaines élections. »

La question des langues officielle­s n’a pas de couleur partisane. Et si on avait vu une vague contre C-13 au caucus [conservate­ur], ça aurait fourni des armes aux autres partis lors des prochaines élections.

STÉPHANIE CHOUINARD

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