Le Devoir

Le chef mise sur un stage d’immersion communauta­ire pour ses recrues

Fady Dagher a dressé lundi le bilan de ses 100 premiers jours à la tête de la force policière montréalai­se

- STÉPHANIE MARIN LE DEVOIR

Même s’il n’est en poste que depuis quatre mois, Fady Dagher a tenu à dresser lundi le bilan de ses 100 premiers jours à la tête du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Le nouveau chef a fait état de ses projets lancés pour arrêter l’hémorragie des départs de policiers et pour créer des liens entre les recrues du SPVM et les gens qu’elles servent, notamment un nouveau stage immersif dans la communauté.

Essentiell­ement, le chef Dagher est revenu sur les trois priorités qu’il avait établies lors de son entrée en fonction, en janvier dernier : le recrutemen­t difficile de policiers, le rapprochem­ent entre les agents et la population ainsi que la lutte contre la violence armée.

Il y a des défis importants, même titanesque­s, a-t-il lancé en conférence de presse, depuis le quartier général du SPVM.

Sur le recrutemen­t, il a d’abord rappelé avoir augmenté dès février le salaire des recrues de 30 % pour le rendre plus concurrent­iel par rapport à celui d’autres forces policières.

La récente entente de principe liée à la nouvelle convention collective du SPVM a aussi apporté des gains pour les salaires des policiers, mais également des changement­s aux horaires : ce dont il a été convenu constitue un allègement des horaires, mais ajoute des effectifs à des heures critiques de la soirée et de la nuit lors desquelles il y a un fort volume d’appels. « Cela va mieux servir la population », assure le chef.

Il a annoncé avoir obtenu du ministère de la Sécurité publique 131 places — plutôt que 25, comme c’était le cas jusqu’à maintenant — pour des recrues du programme AED diversité policière, qui forme des policiers issus des minorités visibles ou ayant « un parcours plus social », a-t-il souligné. Elles seront en poste en septembre 2024. M. Dagher veut aussi inciter les agents retraités à reprendre du service.

La pénurie de personnel est réelle, mais « on a commencé à stopper l’hémorragie », a-t-il déclaré.

Police et organismes communauta­ires

La pierre angulaire de sa priorité « rapprochem­ent » est la possibilit­é donnée aux recrues de vivre une expérience d’immersion de quatre semaines dans la communauté, dès l’automne, pour mieux saisir la « complexité humaine ».

Pour ceux qui ne sont pas de Montréal, cela va leur donner l’occasion de mieux connaître la réalité de la métropole, de ses communauté­s culturelle­s et de son réseau d’organismes communauta­ires qui travaillen­t avec les policiers, a indiqué M. Dagher. Le programme permettra à tous d’être exposés à des situations touchant les problèmes de santé mentale et la violence conjugale.

« C’est de plus en plus ça, les appels au 911. »

C’est un peu le miroir du programme RÉSO (Réseau d’entraide sociale et organisati­onnel), qu’il avait instauré alors qu’il était chef de la police de Longueuil, et la participat­ion demeure volontaire. Il faudra attendre pour voir si elle sera au rendez-vous.

Pour décrire le rapprochem­ent des policiers et des citoyens, le chef parle d’un « mariage des deux solitudes ».

Lutter contre les armes à feu, sans profilage racial

Arrivé en poste alors que la métropole était aux prises avec une recrudesce­nce de la violence par armes à feu, Fady Dagher a rappelé que le SPVM a procédé à 107 arrestatio­ns en lien avec des fusils et à la saisie de 249 armes à feu depuis janvier.

Pour l’été qui s’en vient, le plan est de faire de la « dissuasion ciblée » en « scrutant le comporteme­nt » plutôt qu’en faisant du profilage racial. Interrogé à ce sujet, le chef a précisé qu’il s’agissait de travailler avec les informatio­ns des services de renseignem­ent criminel pour surveiller les personnes dont le comporteme­nt indique qu’elles pourraient prendre part à un événement de violence armée ou qui s’apprêterai­ent à prendre les commandes d’une organisati­on criminelle.

Il a parlé de faire des frappes proactives, comme celles des 5 et 26 avril derniers, qui ont mené à des arrestatio­ns et à des saisies d’armes.

« Des dates, il y en aura d’autres. On a déjà des cibles », a-t-il assuré.

Ces arrestatio­ns préventive­s s’accompagne­nt de soutien pour la famille et les frères et soeurs plus jeunes — car la prévention, notamment par des conférence­s au sein des écoles, commence dès le primaire, dit-il.

Aux groupes qui réclament le définancem­ent de la police et l’allocation des fonds dégagés aux groupes communauta­ires, il répond qu’ils ont raison sur deux aspects : il faut effectivem­ent agir en amont comme ils le suggèrent, et ces groupes n’ont pas assez de moyens financiers pour bien mener leurs missions. Mais il estime qu’ils ne peuvent toutefois pas suppléer les policiers, qui intervienn­ent dans des situations très dangereuse­s.

« Qui va aller chez un jeune en crise à 2 h du matin ? C’est nous. »

Questionné sur ses efforts visant à mettre un terme au profilage racial au sein de la force policière, il a rappelé que chaque recrue reçoit — en sus des cours à l’École nationale de police — quatre jours de formation sur les communauté­s culturelle­s et raciales, le profilage racial et la désescalad­e.

Mais ces initiative­s ne visent que les recrues policières, et non les agents déjà en fonction dans son service. Qu’a-t-il mis en place pour ceux-ci ? « Moi, je n’ai rien ajouté pour l’instant », a-t-il répondu candidemen­t, rappelant toutefois l’existence de « coachs en interpella­tion » pour les policiers actifs.

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Fady Dagher lors de sa cérémonie d’assermenta­tion, le 19 janvier dernier

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