Tragédie annoncée
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’organisation du travail au Québec, à l’exclusion des professions libérales, s’articulait autour de deux catégories d’activités. D’abord les petits entrepreneurs, engagés principalement dans le domaine des métiers. Souvent, ils ou elles bâtissaient leur modeste entreprise autour du noyau familial. L’autre groupe, plus important, était formé par les salariés, souvent peu scolarisés et recrutés notamment par des firmes étatsuniennes ou ontariennes offrant des salaires de misère.
Puis, au cours des années 1960, 1970 et 1980, une embellie portant bien des espoirs est survenue. Des leaders politiques clairvoyants ont mis en place des institutions éducatives, des services de santé et de protection sociale ainsi que des outils de développement économique. Ces changements ont déclenché l’intérêt et le réveil pour l’acquisition de connaissances et de compétences faisant entrer le Québec dans le monde moderne. Le relèvement progressif de la scolarité et l’attrait pour la formation dans de nouvelles professions et de nouveaux métiers se sont traduits par une prospérité inédite jusqu’alors.
Puis, nous voici en 2023. L’univers québécois de l’économie et celui du travail se sont grandement modifiés. Aux entreprises étrangères se sont ajoutées, grâce notamment à l’intervention de l’État, de nombreuses PME québécoises. Certaines de ces dernières se sont senties investies d’ambitions visant les gains rapides. À la périphérie de cette évolution, on assiste à la désertion prématurée des élèves des écoles à tous les niveaux, à la complaisance de certains entrepreneurs pour l’embauche, disons-le, d’enfants qui savent à peine lire et ne savent pas écrire, des conséquences de l’arrivée de l’intelligence artificielle, et que dire de l’engagement fallacieux de la CAQ pour encadrer le travail des jeunes.
Malgré des moyens modernes d’analyse et de prévision, on est en voie de répéter à plus grande échelle et sans retenue le modèle de l’après-guerre. Eh oui, l’histoire se répète, avec pour résultat prévisible l’appauvrissement de notre société sur tous les plans. La mode du plus facile, du relâchement, nous condamne à errer sur les routes de l’ignorance.
Vite, un redressement s’impose. Serge Paré
Lévis, le 16 mai 2023