L’intervention auprès des hommes violents devrait assurer la sécurité des victimes
La journaliste Magdaline Boutros publiait, dans l’édition du 13 mai dernier, un article qui se penchait sur l’efficacité des programmes d’intervention destinés aux hommes violents. Le fait que nous ne disposions d’aucune donnée concernant l’efficacité des programmes offerts au Québec est certainement préoccupant, considérant que le système de justice et les services de protection de la jeunesse dirigent plusieurs hommes et pères violents vers ces services. D’autant plus que plusieurs d’entre eux ont été accusés ou reconnus coupables d’infractions criminelles et que leurs comportements ont été identifiés comme compromettant la sécurité de leur conjointe et de leurs enfants.
Nous considérons, comme les divers experts interrogés par la journaliste, que la récidive est une mesure imparfaite de l’efficacité de ces programmes. Toutefois, contrairement à ces experts, qui avancent que les hommes peuvent avoir fait des progrès même lorsqu’ils récidivent, nous soutenons que la récidive est un important indicateur de non-changement et qu’elle devrait être considérée ainsi par les professionnels et les tribunaux.
Un homme qui a été reconnu coupable d’une infraction criminelle liée à la violence conjugale et qui, suivant sa participation à un programme, commet une nouvelle infraction criminelle, est un homme qui n’a pas réellement changé son schéma de comportements. Il est d’ailleurs fort probable que cet homme ait aussi eu plusieurs autres comportements violents et contrôlants qui n’ont pas été portés à l’attention des policiers.
En fait, la récidive est une mesure imparfaite de l’efficacité de ces programmes parce que la grande majorité des comportements violents et contrôlants de ces hommes ne sont jamais portés à l’attention des policiers et ne mènent pas à des accusations. L’absence de récidive ne peut donc absolument pas être considérée comme un indice de changement ou comme un indicateur de l’efficacité de ces programmes.
Par ailleurs, le fait que certains hommes se soient trouvé un emploi ou aient amélioré leur qualité de vie ne devrait pas non plus constituer des indicateurs d’efficacité de ces programmes, puisque ce ne sont absolument pas des objectifs de ces programmes. Sans être totalement insensibles à la réalité de ces hommes, ces programmes devraient d’abord et avant tout viser à assurer la sécurité des femmes et des enfants. Si les victimes ne se sentent pas davantage en sécurité et en liberté au terme du processus d’intervention, cela signifie que le programme n’est pas efficace.
Il est donc essentiel que les organismes qui offrent ces programmes se dotent de mécanismes efficaces pour réaliser une évaluation systématique du schéma de comportements des hommes violents au début et à la fin du programme, de la dangerosité et du risque d’homicides. Ces mécanismes d’évaluation ne devraient d’ailleurs pas s’appuyer uniquement sur des observations réalisées auprès des hommes ou sur les propos de ceux-ci, mais devraient surtout se centrer sur l’expérience des victimes et sur leur sentiment de sécurité et de liberté. Une bonne pratique dans ce domaine consiste d’ailleurs à faire des suivis réguliers auprès des victimes.
Il est vrai que ces programmes ne peuvent pas faire de miracle, comme le mentionnent des experts interrogés par la journaliste, mais les programmes axés sur la responsabilisation sont les seules mesures qui peuvent potentiellement amener des changements positifs chez certains hommes et pères violents. Un mécanisme d’accréditation de ces programmes permettrait de s’assurer qu’ils priorisent réellement la sécurité des victimes, appliquent les meilleures pratiques en matière de responsabilisation, répondent à des normes de qualité et fassent l’objet d’une évaluation continue.