Le Devoir

Un rapprochem­ent stratégiqu­e entre le Canada et les Philippine­s

Ottawa et Manille sont à la veille de signer un protocole d’entente en matière de défense

- FABIEN DEGLISE À MANILLE LE DEVOIR

Marchant sur les traces des États-Unis, le Canada se prépare lui aussi à signer un protocole d’entente avec les Philippine­s en matière de défense, une amorce de collaborat­ion entre les deux pays qui devrait être au programme de la visite officielle de la cheffe de la diplomatie canadienne, Mélanie Joly, à la fin de cette semaine à Manille.

Le Canada espère ainsi aligner sa politique étrangère sur celle de ses alliés dans cette région de l’Asie du Sud-Est en amorçant, entre autres, des « discussion­s sur sa participat­ion accrue aux exercices militaires, sur la formation des soldats philippins et sur le renforLa

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cement des capacités militaires des Philippine­s », a indiqué au Devoir une source diplomatiq­ue canadienne.

L’entente pourrait être signée dans les prochaines semaines, en marge du sommet sur la défense « Shangri-La Dialogue », de l’Internatio­nal Institute for Strategic Studies (IISS), qui doit avoir lieu du 2 au 4 juin prochain à Singapour.

Le Canada n’a pas de relation profonde avec les Philippine­s en matière de défense ni d’accord de statut des forces à l’étranger permettant de stationner des soldats canadiens sur le sol philippin. Les deux pays ont interrompu les discussion­s passées en la matière en raison de désaccords sur la question des droits de la personne, entre autres.

Rappelons que sous le gouverneme­nt du populiste Roberto Duterte, jusqu’en 2022, ces droits ont été largement bafoués, particuliè­rement dans le cadre de sa guerre ultrarépre­ssive contre la drogue, qui a entraîné des centaines d’enlèvement­s, d’assassinat­s extrajudic­iaires et d’arrestatio­ns illégales. Ottawa estime désormais que le climat aurait changé.

Dans son récent rapport sur les droits de la personne aux Philippine­s, le départemen­t d’État des États-Unis estime pourtant que ces violations persistent sous le nouveau gouverneme­nt de Ferdinand Marcos Jr. « Le gouverneme­nt [des Philippine­s] a enquêté sur des violations des droits de la personne signalées, notamment celles commises par ses forces armées et les forces paramilita­ires, peut-on lire. Mais l’impunité de la police reste préoccupan­te » et les « exécutions extrajudic­iaires par la police » se poursuiven­t, indique aussi le document.

Pour le moment, la collaborat­ion militaire entre Ottawa et Manille se limite à la formation d’une poignée de sousmarini­ers philippins, afin d’aider les Philippine­s à accroître leurs capacités techniques, institutio­nnelles et militaires nécessaire­s pour l’exploitati­on de sousmarins, a indiqué la source diplomatiq­ue.

En octobre dernier, le ministère de la Défense des Philippine­s a indiqué toutefois qu’il avait mis de côté son programme d’acquisitio­ns de sous-marin, jugeant qu’il n’était plus une priorité dans la modernisat­ion en cours de ses armées.

Dans le cadre de sa stratégie indopacifi­que dévoilée en novembre 2022, le Canada prévoit d’augmenter dans les prochaines années sa présence navale et militaire dans cette région du globe, y compris dans la mer de Chine méridional­e et la mer des Philippine­s occidental­es, et ce, afin d’« atténuer les comporteme­nts coercitifs et les menaces à la sécurité régionale ».

Le document décrit la Chine comme « une puissance mondiale de plus en plus perturbatr­ice » qui « ignore » les règles et normes internatio­nales. Ottawa dit vouloir « travailler avec ses partenaire­s pour repousser toute action unilatéral­e » qui menace le statu quo dans le détroit de Taïwan et dans les mers de Chine orientale et méridional­e.

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