Un dernier FIMAV pour Michel Levasseur
Le fondateur et directeur artistique du Festival international de musique actuelle de Victoriaville laissera sa place après cette 39e édition
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our une 39e et dernière fois, Michel Levasseur sera notre hôte au Festival international de musique actuelle de Victoriaville (FIMAV) dont il est le fondateur. Après cette édition qui débute aujourd’hui et qui résonnera dans les Bois-Francs jusqu’à dimanche, son épouse Johanne et lui laisseront leurs postes de codirecteurs du festival. « On fait partie de la génération qui a créé des mouvements et des structures en culture » québécoise et qui, après avoir navigué à travers la pandémie, décide de passer le flambeau. « Je suis complètement serein avec ça, je suis même super content de me dire que je ne ferai pas la prochaine programmation ! », lâche en riant le défricheur de musique.
À l’affiche du 39e FIMAV, on croirait lire une liste des artistes chouchous du directeur artistique : Lori Freedman, Fred Frith, John Zorn, Ikue Mori. Il ne manquerait plus qu’un Roscoe Mitchell, Merzbow ou des membres de la tribu d’Ambiances Magnétiques, René Lussier, Joane Hétu, Jean Derome, Diane Labrosse, Martin Tétreault, toute la belle bande.
Il se gâte, Michel, avant de partir. « Que je suis donc déçu de te décevoir ! », nous répond Levasseur. « Je n’ai pas monté cette programmation comme si c’était ma dernière, et en vérité, cela fait déjà 4 ou 5 ans que je réfléchis à l’idée de laisser ma place. J’ai 70 ans, je le sens ; la santé est bonne, mais on a les problèmes qu’on a, à cet âge. Puis il y a la difficulté de gérer la pression : celle de monter la programmation la plus pertinente, qu’elle suscite de l’intérêt, espérer que le public se présente dans les salles, je le vis de moins en moins bien. Les gens pensent qu’avec l’expérience, cela nous dérange moins, mais quand j’ai des artistes sur le bord d’annuler pour toutes sortes de raisons, je ne m’habitue pas à ça. »
Or coup sur coup, le FIMAV encaisse : après avoir annoncé en janvier dernier que la Ville de Victoriaville retirait à l’organisation le droit d’utiliser le Colisée Desjardins, la plus grande salle du festival, pour donner le champ libre à l’équipe locale de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), le départ de Michel Levasseur transformera l’événement. « La nouvelle a eu son effet dans le milieu culturel québécois et dans le milieu des musiques actuelles et d’avant-garde », reconnaît le directeur général et artistique, qui se dit encore surpris d’effectuer une tournée des médias, d’ici et d’ailleurs, pour parler de l’avenir du festival qu’il a fondé.
La décision, assure-t-il, a été prise en décembre dernier, avant même d’avoir été informé par la municipalité que le festival serait exclu du Colisée. « Il n’y a donc aucun rapport entre le Colisée et notre choix de céder notre place — en fait, cela a confirmé qu’on avait fait le bon choix », dit-il, estimant qu’une nouvelle direction pourra reprendre la conversation sur de nouvelles bases avec la municipalité pour assurer la pérennité du FIMAV.
« La pérennité ! C’est un terme que je n’aime pas », sursaute Levasseur, qui se rappelle d’échanges sur ce thème avec le conseil d’administration du festival. « Je ne crois pas aux choses infinies, ni à travailler pour le futur. Je crois au présent, en travaillant avec des artistes qui créent là, maintenant. » Un point de vue qui résume bien l’esprit du FIMAV : présenter des artistes qui créent en direct, devant public, une musique vivante, imprévisible, pour former des impressions et des souvenirs durables.
Pourquoi ne pas attendre au 40e avant de tirer sa révérence ? On le lui a souvent demandé. Un chiffre comme un autre, comme le 10e anniversaire du FIMAV, ou le 25e qui a suscité une grande remise en question dont la réponse s’est révélée dans le volet d’installations sonores aménagé au centre-ville et accessible gratuitement aux festivaliers. Dirigé par le commissaire Érick d’Orion, le parcours présente cette année des oeuvres de Manon Labrecque, Eric Quach (Thisquietarmy) &Jim Demos, Stéphanie Castonguay, Béchard Hudon et plusieurs autres créateurs.
« Les installations sonores ont donné une autre énergie au festival, insiste Levasseur. Elles ont même sauvé l’événement en salle, qui s’essoufflait. C’est accessible, et populaire — trois fois plus de gens font le tour des installations qu’on en trouve dans les salles. Et c’est intéressant parce que ce volet est en lien direct avec la programmation en salle, tout en demeurant à l’avant-garde au max. » L’avenir du FIMAV se trouve peut-être dans ces projets accueillants qui suscitent la curiosité et peut-être même une passion pour les créateurs de formes musicales audacieuses.
Cela assurera non seulement la pérennité — oh ! le vilain mot ! —, mais peut-être aussi la croissance de l’événement, qui n’a toujours pas trouvé sa prochaine direction générale et artistique. Les candidatures se sont manifestées, assure Michel Levasseur, qui estime pouvoir annoncer bientôt le choix du conseil d’administration, en assurant être à la disposition de son successeur jusqu’en décembre.
Un conseil pour le prochain directeur artistique ? « La programmation, elle fait foi de tout », répond Levasseur, qui continuera à diriger l’étiquette Disques Victo. « La programmation, ainsi que les contacts humains : c’est comme cela qu’on l’a fait, ce festival, en s’entourant d’une famille, les musiciens autant que les gens qui travaillent avec nous dans l’organisation ».
La pérennité ! C’est un terme » que je n’aime pas MICHEL LEVASSEUR