L’empreinte écologique des Québécois montrée du doigt
Chaque individu consomme en moyenne plus de 16 tonnes de ressources naturelles par année pour satisfaire ses besoins de base, révèle une étude
Les citoyens québécois génèrent non seulement des quantités importantes de déchets et d’émissions de gaz à effet de serre, mais ils consomment aussi beaucoup trop de ressources naturelles pour envisager un avenir viable pour la planète. C’est ce qui se dégage d’une évaluation de notre « empreinte matérielle » publiée jeudi par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).
À la veille de la publication de la mise à jour du Plan pour une économie verte du gouvernement Legault, l’organisme souligne que la réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec est insuffisante pour lutter contre les crises écologiques qui menacent notre avenir.
Trois chercheurs ont donc tenté de calculer l’« empreinte matérielle » qui découle de la satisfaction de nos « besoins de base » en alimentation, en transport et en consommation de divers biens, comme les vêtements. Cette empreinte, qui prend en compte les ressources naturelles nécessaires pour un Québécois moyen, se situerait autour de 16 à 19 tonnes par année, selon les conclusions de l’IRIS.
Or, ajoute le chercheur Colin Pratte, les avis scientifiques disponibles sur le sujet concluent qu’une consommation « viable sur le plan écologique » ne devrait pas excéder, au pire, 8 tonnes par année. Bref, les Québécois utiliseraient à l’heure actuelle « au moins le double » des ressources disponibles en considérant les limites planétaires.
« C’est un enjeu important, parce que l’exploitation des ressources naturelles contribue notamment à la crise de la biodiversité, à travers la destruction d’habitats, la perturbation des écosystèmes, des cycles hydriques, etc. », fait valoir le chercheur de l’IRIS, tout en précisant que le calcul peut comporter des imprécisions. Celles-ci ne remettent toutefois pas en cause les conclusions de l’étude, assure-t-il.
Obsolescence
L’organisme de recherche déplore le manque d’attention accordée par les décideurs à la réduction de notre consommation de ressources. « L’empreinte matérielle est toujours le parent pauvre de la transition écologique. Le transport en est un excellent exemple, puisque le gouvernement mise sur l’électrification du parc automobile. Mais la production d’une voiture électrique peut nécessiter trois fois plus de ressources naturelles qu’une voiture à essence. L’électrification peut donc réduire l’empreinte carbone, mais pas l’empreinte matérielle, qui aggrave les crises écologiques », explique Colin Pratte.
L’obsolescence rapide de plusieurs objets du quotidien, comme les cellulaires ou les ordinateurs portables, contribue aussi à alourdir notre consommation de ressources. Il faut dire que la vaste majorité de ces appareils ne sont jamais récupérés.
Or, pour un appareil électronique, « le poids de l’ensemble des ressources requises est de 50 à 350 fois plus élevé que celui du produit final, sauf pour un téléphone intelligent, qui requiert jusqu’à 600 fois son poids en ressources naturelles », explique Amélie Côté, analyste chez Équiterre, en citant des données d’une étude de l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
« Pourquoi est-ce qu’il est encore possible de mettre en marché des téléphones qui brisent aussi rapidement, ou encore des véhicules toujours plus gros et énergivores ? Quels sont les freins politiques et économiques à la mise en place de solutions ? » demande le chercheur de l’IRIS.
Économie « circulaire »
Le gouvernement Legault espère favoriser un virage vers une économie « circulaire » avec la Stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028. Dans le document de consultation produit en amont de la présentation de cette stratégie, « l’indice de circularité » de l’économie québécoise est estimé à seulement 3,5 %. « Ce résultat démontre que la majorité des 271,1 millions de tonnes de ressources consommées ne sont pas réintroduites dans le système de production et sont donc gaspillées », précise le rapport. Cela équivaudrait à 32 tonnes de ressources et de matières par personne, ce qui représente « un niveau supérieur à la moyenne canadienne ».
En plus de leur consommation élevée de ressources naturelles, les Québécois émettent aussi individuellement près de 10 tonnes de gaz à effet de serre par année, soit deux fois la moyenne mondiale. Pour respecter l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris et limiter les dérèglements du climat à +1,5 °C, il faudrait que les émissions par citoyen ne dépassent pas 2 tonnes.
Par ailleurs, selon le plus récent bilan de gestion des matières résiduelles de Recyc-Québec, la quantité de « matières résiduelles éliminées » par habitant a atteint 716 kg en 2021, soit 1578 livres. Ce chiffre, qui comprend « toutes les catégories de matières éliminées provenant de sources résidentielles ou non résidentielles », était d’ailleurs à la hausse par rapport au bilan de 2018, qui s’élevait à 696 kg.