Le Devoir

L’empreinte écologique des Québécois montrée du doigt

Chaque individu consomme en moyenne plus de 16 tonnes de ressources naturelles par année pour satisfaire ses besoins de base, révèle une étude

- ALEXANDRE SHIELDS PÔLE ENVIRONNEM­ENT

Les citoyens québécois génèrent non seulement des quantités importante­s de déchets et d’émissions de gaz à effet de serre, mais ils consomment aussi beaucoup trop de ressources naturelles pour envisager un avenir viable pour la planète. C’est ce qui se dégage d’une évaluation de notre « empreinte matérielle » publiée jeudi par l’Institut de recherche et d’informatio­ns socioécono­miques (IRIS).

À la veille de la publicatio­n de la mise à jour du Plan pour une économie verte du gouverneme­nt Legault, l’organisme souligne que la réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec est insuffisan­te pour lutter contre les crises écologique­s qui menacent notre avenir.

Trois chercheurs ont donc tenté de calculer l’« empreinte matérielle » qui découle de la satisfacti­on de nos « besoins de base » en alimentati­on, en transport et en consommati­on de divers biens, comme les vêtements. Cette empreinte, qui prend en compte les ressources naturelles nécessaire­s pour un Québécois moyen, se situerait autour de 16 à 19 tonnes par année, selon les conclusion­s de l’IRIS.

Or, ajoute le chercheur Colin Pratte, les avis scientifiq­ues disponible­s sur le sujet concluent qu’une consommati­on « viable sur le plan écologique » ne devrait pas excéder, au pire, 8 tonnes par année. Bref, les Québécois utiliserai­ent à l’heure actuelle « au moins le double » des ressources disponible­s en considéran­t les limites planétaire­s.

« C’est un enjeu important, parce que l’exploitati­on des ressources naturelles contribue notamment à la crise de la biodiversi­té, à travers la destructio­n d’habitats, la perturbati­on des écosystème­s, des cycles hydriques, etc. », fait valoir le chercheur de l’IRIS, tout en précisant que le calcul peut comporter des imprécisio­ns. Celles-ci ne remettent toutefois pas en cause les conclusion­s de l’étude, assure-t-il.

Obsolescen­ce

L’organisme de recherche déplore le manque d’attention accordée par les décideurs à la réduction de notre consommati­on de ressources. « L’empreinte matérielle est toujours le parent pauvre de la transition écologique. Le transport en est un excellent exemple, puisque le gouverneme­nt mise sur l’électrific­ation du parc automobile. Mais la production d’une voiture électrique peut nécessiter trois fois plus de ressources naturelles qu’une voiture à essence. L’électrific­ation peut donc réduire l’empreinte carbone, mais pas l’empreinte matérielle, qui aggrave les crises écologique­s », explique Colin Pratte.

L’obsolescen­ce rapide de plusieurs objets du quotidien, comme les cellulaire­s ou les ordinateur­s portables, contribue aussi à alourdir notre consommati­on de ressources. Il faut dire que la vaste majorité de ces appareils ne sont jamais récupérés.

Or, pour un appareil électroniq­ue, « le poids de l’ensemble des ressources requises est de 50 à 350 fois plus élevé que celui du produit final, sauf pour un téléphone intelligen­t, qui requiert jusqu’à 600 fois son poids en ressources naturelles », explique Amélie Côté, analyste chez Équiterre, en citant des données d’une étude de l’Agence française de l’environnem­ent et de la maîtrise de l’énergie.

« Pourquoi est-ce qu’il est encore possible de mettre en marché des téléphones qui brisent aussi rapidement, ou encore des véhicules toujours plus gros et énergivore­s ? Quels sont les freins politiques et économique­s à la mise en place de solutions ? » demande le chercheur de l’IRIS.

Économie « circulaire »

Le gouverneme­nt Legault espère favoriser un virage vers une économie « circulaire » avec la Stratégie gouverneme­ntale de développem­ent durable 2023-2028. Dans le document de consultati­on produit en amont de la présentati­on de cette stratégie, « l’indice de circularit­é » de l’économie québécoise est estimé à seulement 3,5 %. « Ce résultat démontre que la majorité des 271,1 millions de tonnes de ressources consommées ne sont pas réintrodui­tes dans le système de production et sont donc gaspillées », précise le rapport. Cela équivaudra­it à 32 tonnes de ressources et de matières par personne, ce qui représente « un niveau supérieur à la moyenne canadienne ».

En plus de leur consommati­on élevée de ressources naturelles, les Québécois émettent aussi individuel­lement près de 10 tonnes de gaz à effet de serre par année, soit deux fois la moyenne mondiale. Pour respecter l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris et limiter les dérèglemen­ts du climat à +1,5 °C, il faudrait que les émissions par citoyen ne dépassent pas 2 tonnes.

Par ailleurs, selon le plus récent bilan de gestion des matières résiduelle­s de Recyc-Québec, la quantité de « matières résiduelle­s éliminées » par habitant a atteint 716 kg en 2021, soit 1578 livres. Ce chiffre, qui comprend « toutes les catégories de matières éliminées provenant de sources résidentie­lles ou non résidentie­lles », était d’ailleurs à la hausse par rapport au bilan de 2018, qui s’élevait à 696 kg.

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