Le Devoir

Le CSS Marie-Victorin visé par l’UPAC

Une enquête a été ouverte après qu’un cadre, qui a été renvoyé par le Centre de services scolaire, a mobilisé des employés syndiqués pour travailler dans un de ses immeubles de logements

- ZACHARIE GOUDREAULT

L’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC) a ouvert une enquête sur le Centre de services scolaire (CSS) MarieVicto­rin, a appris Le Devoir. Au coeur de celle-ci se trouve un cadre congédié le mois dernier après avoir mobilisé des cols bleus pour travailler sur un de ses bâtiments. Ce cadre est d’ailleurs impliqué dans un groupe immobilier aux côtés d’un ancien directeur général du CSS, qui a démissionn­é pour un possible conflit d’intérêts.

« Nous avons des opérations d’enquête qui touchent le Centre de services scolaire Marie-Victorin », a confirmé mercredi au Devoir le porte-parole de l’UPAC, Mathieu Galarneau, en s’abstenant toutefois de tout « commentair­e » sur cette affaire.

En 2019, Alexandre Lobry a été embauché comme régisseur responsabl­e de l’aménagemen­t et de la constructi­on au Service des ressources matérielle­s du CSS Marie-Victorin, sur la Rive-Sud montréalai­se. L’administra­teur, qui est également gestionnai­re d’immeubles, a ensuite commencé à faire travailler des employés syndiqués à son compte dans un de ses bâtiments résidentie­ls, selon plusieurs sources du milieu de l’éducation consultées par Le Devoir.

« C’est déjà arrivé, effectivem­ent », confirme M. Lobry, qui a été démis de ses fonctions le mois dernier. « On m’a reproché d’avoir fait des choses au point de vue éthique », relève l’entreprene­ur, qui assure avoir uniquement mobilisé des cols bleus du CSS Marie-Victorin à l’extérieur de leurs heures de travail. « Jamais un employé aurait travaillé dans mon immeuble aux frais de l’État », souligne-t-il, en ajoutant ne pas avoir été rencontré par les enquêteurs de l’UPAC.

« C’était une compagnie à numéro que j’ai à 50 % avec un autre ami. C’est là-dedans [que des cols bleus] sont venus travailler il y a quelques années, dans un immeuble que je ne possède même plus aujourd’hui », indique M. Lobry.

Depuis, plusieurs cols bleus qui étaient sous la direction de M. Lobry ont été rencontrés par l’UPAC et certains ont quitté leur poste, selon nos informatio­ns. Le directeur général du CSS Marie-Victorin, Ghislain Plourde, a quant à lui remis sa démission le

On m’a reproché d’avoir fait des choses au point de vue éthique ALEXANDRE LOBRY »

9 mai, moins d’un an après avoir été nommé à ce poste. Le gestionnai­re avait d’abord été suspendu à la mi-novembre par le CSS en raison de potentiels conflits d’intérêts.

Les conclusion­s de l’enquête menée sur plusieurs mois par une firme indépendan­te mandatée par le CSS MarieVicto­rin et portant sur M. Plourde n’ont pas été dévoilées, l’ancien directeur général ayant quitté ses fonctions pendant que cette démarche était en cours.

Par courriel, le directeur adjoint aux communicat­ions du CSS, Gabriel Dupuis, assure que l’enquête commandée par le centre de services scolaire « n’a pas révélé que M. Plourde aurait obtenu des avantages personnels ou commis des fraudes ou malversati­ons en lien avec une situation de conflits d’intérêts potentiels ».

Un groupe immobilier

Le Devoir a toutefois appris que Ghislain Plourde compte parmi les investisse­urs du Groupe immobilier Sept inc., une entreprise de gestion immobilièr­e présidée par Alexandre Lobry. « C’est un ami à moi, effectivem­ent », affirme le second au sujet du premier.

Alexandre Lobry assure que cette entreprise n’a jamais obtenu de contrats auprès du CSS Marie-Victorin. Cependant, parmi les sept investisse­urs du groupe immobilier, « il y en a un qui avait un contrat avec le centre de services scolaire », confie l’entreprene­ur de 47 ans. Selon nos sources, l’investisse­ur en question fait partie d’une entreprise spécialisé­e en démolition qui a encore des contrats actifs avec le CSS Marie-Victorin.

Trois agents de la Sûreté du Québec comptent également parmi les investisse­urs de ce groupe immobilier, qui a acquis deux bâtiments dans la région de Montréal dans les dernières années. « Ce sont des amis, les policiers », lâche M. Lobry.

La participat­ion de Ghislain Plourde dans ce groupe immobilier serait ainsi au coeur du conflit d’intérêts qui lui est reproché, selon nos informatio­ns. « Je ne vois pas d’autre chose, effectivem­ent », lance M. Lobry.

L’enquête de l’UPAC ne viserait toutefois pas Ghislain Plourde, qui n’a pas donné suite à nos nombreuses demandes d’entrevue. « Selon les informatio­ns que nous détenons, l’interventi­on de l’UPAC n’a pas de lien avec l’enquête administra­tive concernant le directeur général qui a porté sur une situation de conflits d’intérêts potentiels », indique Gabriel Dupuis, du CSS Marie-Victorin.

Plus de « transparen­ce » réclamée

Plourde avait remplacé Marie-Dominique Taillon à la direction générale du CSS Marie-Victorin, après son départ de ce poste le 25 mars 2022. Mme Taillon, qui est également une amie d’Alexandre Lobry, occupe aujourd’hui

Jamais un employé aurait » travaillé dans mon immeuble aux frais de l’État ALEXANDRE LOBRY

le poste de sous-ministre adjointe à l’excellence scolaire et à la pédagogie au sein du ministère de l’Éducation.

Lors d’une séance mensuelle courue du conseil d’administra­tion du CSS, mardi soir, plusieurs personnes se sont présentées au microphone pour réclamer plus de « transparen­ce » dans le processus de sélection du prochain directeur général.

« Je n’étais plus présente ni à l’emploi du CSS au moment des démarches pour la nomination de mon successeur », a pour sa part écrit au Devoir Mme Taillon, qui rappelle que c’est « le conseil d’administra­tion qui détermine le processus et qui procède à la nomination d’un directeur général ».

Le CSS Marie-Victorin assure pour sa part que le recrutemen­t du précédent directeur général « s’est effectué selon une démarche structurée, avec l’accompagne­ment et selon les recommanda­tions d’une firme externe ». Un appel de candidatur­es à l’interne et à l’externe est d’ailleurs prévu pour la recherche du successeur de M. Plourde, assure Gabriel Dupuis.

Joint par Le Devoir, le cabinet du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a confirmé avoir été informé de la tenue d’une enquête de l’UPAC au CSS Marie-Victorin. Il s’est toutefois fait avare de commentair­es « puisque l’enquête policière est toujours en cours ».

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ADIL BOUKIND LE DEVOIR Les locaux du centre de services scolaires Marie-Victorin, à Longueuil

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