Le Devoir

République de bananes

- ROBERT DUTRISAC

Il y a 17 ans, Normand Lester et Robin Philpot publiaient leur livre intitulé Les secrets d’Option Canada, qui faisait l’étalage des manigances de cet organisme du gouverneme­nt fédéral et des firmes de publicité qui lui étaient associées. L’année précédente, le duo avait pondu son ouvrage choc Le référendum volé. Dans l’effervesce­nce politique qui a suivi la parution de leur deuxième livre, le Directeur général des élections du Québec (DGE) confiait à l’ex-juge de la Cour du Québec Bernard Grenier le mandat d’enquêter sur les activités d’Option Canada. L’enquête se faisait cependant à huis clos. Il faut croire que le DGE marchait sur des oeufs : le gouverneme­nt libéral était dirigé par une figure éminente du camp du Non, Jean Charest. Le personnage ne savait rien des « irrégulari­tés », a estimé l’ex-juge, qui l’a exonéré.

Non seulement l’enquête s’est déroulée derrière des portes closes, mais Me Grenier a poussé le bouchon plus loin en produisant une ordonnance de non-divulgatio­n de la preuve pour l’éternité. C’est long, l’éternité, surtout vers la fin.

En rétrospect­ive, les raisons invoquées par Me Grenier apparaisse­nt bien minces : il a voulu éviter le « risque de porter atteinte après 11 ou 12 ans à la réputation de personnes qui ont oeuvré pour le camp du Non en toute bonne foi ». Si ces personnes n’avaient rien à se reprocher, où est le mal ?

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a profité de la Journée nationale des patriotes pour réclamer qu’on rende publics les 4500 documents et les comptes rendus des 90 témoignage­s qui ont nourri le rapport d’enquête.

Qu’on ne puisse connaître, presque 30 ans après les faits, toute la vérité sur des infraction­s majeures aux lois électorale­s québécoise­s est contraire « au fondement de notre système de justice et au fonctionne­ment de nos institutio­ns », estime le chef péquiste. Il a raison. Après tout, le Québec n’est pas une république de bananes, bien que le joug canadien le mette parfois dans cette posture.

François Legault réclame aussi que la preuve soit divulguée, tout comme Gabriel Nadeau-Dubois. Les libéraux, de leur côté, réfléchiss­ent. Dans son rapport, Me Grenier indique que son ordonnance ne s’applique pas au DGE et que ce dernier est habilité à divulguer les documents. Que le DGE le fasse, donc.

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