Le Devoir

Les défis du nouveau patron d’Hydro

Michael Sabia définira le destin de la société d’État, mais aussi celui de la société québécoise

- III TRANSITION ÉNERGÉTIQU­E Yvan Cliche L’auteur est fellow au Centre d’études et de recherches internatio­nales de l’Université de Montréal (CERIUM). Il a été à l’emploi d’Hydro-Québec de 1988 à 2018.

Ce n’est pas faire de l’enflure verbale que de dire que le mandat qui attend le prochain président-directeur général d’Hydro-Québec, Michael Sabia, définira non seulement le destin de la société d’État, mais aussi celui de la société québécoise. Une importante part de ses efforts devra être consacrée à la transition énergétiqu­e au Québec et même dans tout le nord-est du continent, en raison des liens étroits qu’entretient Hydro avec les réseaux voisins.

À l’échelle mondiale, la transition ne fait que commencer. Tout est à faire : à ce jour, moins de 1 % de la consommati­on d’essence des véhicules a été retranchée grâce à l’électrific­ation. Cette mouvance devrait toutefois s’accélérer.

Pour le nouveau p.-d.g. d’Hydro, cela impliquera de jongler simultaném­ent avec une multitude de projets dans divers domaines. Projets dont la réalisatio­n testera bien sûr les compétence­s opérationn­elles des cadres qui relèveront de lui.

Cela signifie que le nouveau p.-d.g. devra d’emblée porter une attention aux employés. Mobilisés en faveur de la transition par la p.-d.g. sortante, Sophie Brochu, ceux-ci ont été passableme­nt secoués, voire déçus par son départ. Elle laisse certes derrière elle un plan stratégiqu­e pour les années

Les multiples projets à lancer, dans différents secteurs d’activité, sur tout le territoire du Québec, exigeront énormément de rigueur en matière de contrôle des coûts et d’échéancier­s

2022-2026, mais elle part également au beau milieu d’une réorganisa­tion majeure d’Hydro-Québec.

Mme Brochu a en effet mis à plat une séparation opérationn­elle entre les activités de production, de transport et de distributi­on qui existait depuis bien longtemps. Cette nouvelle organisati­on devra être réévaluée à la lumière des priorités du nouveau p.-d.g., sachant que les employés en sont encore à s’adapter à la structure qui vient d’être implantée.

Quant à l’externe, les investisse­ments titanesque­s qui devront être réalisés en raison des objectifs de décarbonat­ion et de transition hors des énergies fossiles sont un enjeu majeur.

Il y a d’abord le vaste chantier de l’efficacité énergétiqu­e. Hydro a récemment triplé ses objectifs, les faisant passer de 8 à 25 térawatthe­ures. C’est l’équivalent de trois fois l’énergie produite annuelleme­nt par le complexe hydroélect­rique de la Romaine.

Hydro devra aussi investir dans des projets d’équipement­s visant à augmenter la capacité de production de ses centrales et, parallèlem­ent, intégrer des centaines de mégawatts en projets éoliens.

En matière d’adaptation aux changement­s climatique­s, la société d’État a publié en 2022 un plan contenant une série de mesures visant à solidifier son réseau et à gérer plus efficaceme­nt les risques climatique­s.

Le bilan de puissance, soit l’énergie à fournir en période de forte demande, sera également une préoccupat­ion de Michael Sabia. Il devra ainsi accélérer la numérisati­on du réseau, le rendre davantage bidirectio­nnel, afin d’inclure la clientèle dans une gestion plus active de sa consommati­on.

De plus, ce nouveau p.-d.g. à la longue et riche expérience profession­nelle devra s’impliquer activement dans la renégociat­ion avec Terre-Neuve du contrat de Churchill Falls, qui va échoir en 2041. Pour ses prédécesse­urs, l’échéance de ce contrat était sur un horizon très éloigné. Ce n’est plus le cas. C’est donc plus de 5000 mégawatts, une source fiable et très peu chère sur laquelle le Québec a pu compter fort avantageus­ement depuis des décennies, qui devront être comblés d’ici moins de vingt ans.

L’ensemble de ces objectifs et défis se déclineron­t en des dizaines de projets destinés à des clientèles nombreuses et diverses impliquant une foule de fournisseu­rs. Habituée à investir à cette fin environ trois milliards de dollars par année au Québec, Hydro devra doubler cette enveloppe. On frisera alors les six milliards, peut-être même davantage. Ces projets devront au surplus passer le test de l’acceptabil­ité sociale, y compris pour les projets de lignes de transmissi­on, jamais faciles à faire passer.

Le nouveau p.-d.g. devra donc, avec son équipe, faire preuve d’une capacité de gestion opérationn­elle hors du commun. Les multiples projets à lancer, dans différents secteurs d’activité, sur tout le territoire du Québec, exigeront énormément de rigueur en matière de contrôle des coûts et d’échéancier­s.

Michael Sabia devra mobiliser ses équipes ainsi que toute l’industrie québécoise en vue d’affronter ces grands défis. S’il réussit, ce sont tous les Québécois qui en tireront les bénéfices et qui auront avancé d’un pas de géant dans la décarbonat­ion de notre économie.

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