Le Devoir

Énergir veut plus de « latitude » pour fixer le tarif de son GNR

La société participai­t la semaine dernière à la première étape des consultati­ons sur l’avenir des énergies propres au Québec

- ALEXIS RIOPEL POLE ENVIRONNEM­ENT LE DEVOIR

Le distribute­ur gazier Énergir veut plus de « latitude » dans le cadre réglementa­ire qui s’applique à certaines de ses activités. Cette marge de manoeuvre supplément­aire est nécessaire pour intégrer rapidement le gaz naturel renouvelab­le (GNR) dans son réseau, avance l’entreprise.

« Ça fait 27 ans qu’on a le même cadre réglementa­ire. La société a évolué, le secteur de l’énergie a évolué, mais ce cadre-là a tardé à le faire », explique Frédéric Krikorian, vice-président au développem­ent durable et aux affaires publiques et gouverneme­ntales chez Énergir, en entrevue au Devoir.

La semaine dernière, M. Krikorian participai­t, aux côtés de dizaines d’experts, à une première journée de consultati­ons sur l’avenir des énergies propres au Québec. Il y était notamment question de la modernisat­ion de la Loi sur la Régie de l’énergie, établie en 1996. Des consultati­ons publiques suivront cet été.

Selon la loi actuelle, les distribute­urs doivent vendre leur gaz naturel — fossile ou renouvelab­le — au prix où ils l’achètent. (Ils génèrent un profit uniquement grâce aux frais de distributi­on.) Cette dispositio­n fait en sorte qu’ils ne peuvent pas facilement mettre en place des « offres commercial­es » pour accélérer l’adoption d’un produit en particulie­r, comme le GNR. En outre, les distribute­urs doivent obtenir le feu vert de la Régie pour chaque contrat d’approvisio­nnement.

« Donnez-nous des balises au niveau des tarifs [moyens], donnez-nous un objectif pour la quantité de GNR […] et puis on va y arriver, dit M. Krikorian. Je vais peut-être vendre moins cher à une certaine clientèle, plus cher à une autre, et finalement aller chercher les mêmes revenus totaux. »

La société Énergir est tenue par règlement de hausser la quantité de gaz renouvelab­le dans ses tuyaux à 5 % en 2025. L’an dernier, elle avait du mal à trouver des acheteurs pour cette molécule moins dommageabl­e pour le climat, même si elle n’en distribuai­t encore que très peu.

La question des tarifs est donc centrale. Énergir travaille à réduire le prix du GNR, pour l’instant considérab­lement supérieur au prix du gaz convention­nel (une différence de plus de 500 $ par année pour les clients résidentie­ls). Rappelons qu’elle fait des démarches pour vendre les « attributs environnem­entaux » de son GNR à des pétrolière­s canadienne­s dans une formule rappelant les crédits carbone. Elle voudrait soustraire ces recettes au tarif payé par ses clients.

Plus largement, Énergir espère que la Régie de l’énergie — qui a le mandat d’encadrer et de surveiller les monopoles énergétiqu­es dans la province — mettra, en vertu de la mise à jour législativ­e à venir, la question des gaz à effet de serre (GES) au coeur de ses analyses. Il s’agit pour l’instant d’une entité « essentiell­ement économique », indique M. Krikorian.

« Si décarboner coûte cher et qu’on regarde juste l’impact sur les tarifs, à un moment donné, on va juger que chaque solution ne passe pas. Donc, il faut voir au-delà de ça », dit-il.

Subvention­s « astronomiq­ues »

Est-ce que le coût du GNR devrait être porté par une plus large part de la clientèle d’Énergir pour favoriser une intégratio­n rapide au réseau ? « J’avoue que ça m’est un peu égal », répond Normand Mousseau, le directeur scientifiq­ue de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechni­que Montréal.

M. Mousseau veut surtout éviter de voir le Québec dilapider sa précieuse bioénergie dans des utilisatio­ns qui, selon lui, ne contribuen­t pas efficaceme­nt à la décarbonat­ion, comme le chauffage. De telles utilisatio­ns décentrali­sées rendront aussi plus difficile, à terme, de récupérer le CO2 issu de la combustion des bioénergie­s dans le but de créer des « émissions négatives », comme les modèles le prescriven­t pour arriver à la carboneutr­alité en 2050.

Le professeur de physique fait aussi remarquer que l’État subvention­ne « à coups de centaines de millions de dollars » la production de GNR. « Et même une fois qu’on a mis ces subvention­s astronomiq­ues, le coût du GNR est encore élevé. » Si le consommate­ur n’est pas en mesure de payer ce prix, « il faut arrêter de se conter des histoires », juge-t-il.

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OLIVIER ZUIDA LE DEVOIR Un camion Énergir, à Montréal

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