Le Devoir

Sur l’amabilité et l’élégance dans les milieux de soins

- Hélène Denoncourt L’autrice est infirmière.

Nombreux sont les soignants dignes des remercieme­nts qu’ils reçoivent, nombreux sont les soignants courtois et passionnés, soucieux des personnes qu’ils côtoient dans le cadre de leur travail. Mais force est de constater qu’un nombre croissant d’attitudes désolantes semblent se propager et gagner du terrain dans les milieux de soins. Il est plus que navrant de prendre connaissan­ce, tant dans les médias qu’auprès de nos proches, de ces histoires d’incuries et d’insoucianc­e envers l’autre.

Comme infirmière qui observe le réseau de la santé depuis quelques décennies, je pense qu’il faut aller au-delà du lien direct que nous tendons à faire entre ces attitudes déplorable­s et les conditions de travail, les gestions déficiente­s et j’en passe. Bien sûr, de nombreux problèmes affligent notre réseau, qui semble être devenu notre Moyen-Orient québécois, tellement il paraît compliqué d’y voir clair.

Bien sûr, il faut chercher des solutions pour améliorer cette richesse collective. J’éprouve simplement le besoin de regarder l’ensemble d’un autre point de vue, de changer de hauteur de vue. La déshumanis­ation observée dans les services de santé est préoccupan­te ; ne serait-il pas temps de s’interroger sur la place que nous accordons, ou pas, à l’amabilité et à l’élégance, c’est-àdire à la qualité de nos manières ? Souhaitons-nous, ou pas, en faire des valeurs incontourn­ables dans notre société ?

On aura beau parler de bienveilla­nce, de savoir-être, d’empathie, on aura beau développer des protocoles, des politiques, des processus, le socle de toute bonne pratique demeure notre propre civilité, notre façon de nous comporter les uns envers les autres, notre simple savoir-vivre.

Je sais que cela peut sembler simpliste comme approche, mais je pense que l’amabilité et l’élégance sont des valeurs intemporel­les de l’humanité qui favorisent la curiosité envers l’autre, l’écoute et l’enrichisse­ment de tous, et ce, même en plein débordemen­t. Être aimable plutôt que grossier ne fait jamais perdre du temps et, de plus, cela rend la vie plus agréable, tout simplement.

Méfions-nous de ce « prenezmoi comme je suis » qui nous autorise à déposer notre fatigue et notre révolte individuel­le sur l’autre, que nous nommons bénéficiai­re, patient et même client ! Rappelons-nous qu’il s’agit plutôt d’une personne, comme nous. Soyons curieux de l’expérience de l’autre, qui est la nôtre, faite de douleur, de perte et de l’inéluctabl­e mort qui nous attend.

Oui, le monde du travail a des airs de guet-apens, il est souvent exigeant et difficile, mais ne le rendons pas plus indigeste en faisant de l’amabilité et de l’élégance des éléments désuets et superflus. Au contraire, la courtoisie fait du bien, ajoute de la grâce et de la joie, surtout dans les moments de grandes tensions.

Ne laissons pas la fatigue et la morosité abandonner cette part de notre civilité. Le fait d’être débordé ou fatigué peut à l’occasion expliquer certaines maladresse­s, mais pas l’indifféren­ce envers l’autre, jamais. Faisons de l’amabilité et de l’élégance de belles habitudes qui ne régleront pas tout, mais qui nous élèveront sans doute un peu plus, pour notre plus grand bien et celui du réseau de la santé et de la société.

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