L’âpre bataille sur la dette se déplace au Congrès
Démocrates et républicains souhaitent éviter le cataclysme d’un défaut de paiement des États-Unis
L’accord sur la dette destiné à éviter aux États-Unis un défaut de paiement cataclysmique est prêt à être soumis au Congrès, a annoncé dimanche le président Joe Biden, en exhortant les parlementaires à l’adopter, ce qui est encore loin d’être acquis.
« Nous sommes parvenus à un accord budgétaire bipartisan que nous sommes prêts à soumettre à l’ensemble du Congrès », a déclaré M. Biden lors d’une brève apparition devant les médias dimanche soir à la Maison-Blanche.
« L’accord permet d’éviter la pire crise possible : un défaut de paiement pour la première fois dans l’histoire de notre pays, une récession économique, des comptes épargne retraite dévastés, des millions d’emplois perdus, a poursuivi le président. Cet accord part maintenant à la Chambre des représentants et au Sénat. J’invite fermement les deux chambres à l’adopter. »
Après des négociations aux allures de marathon, le président Joe Biden et le chef républicain au Congrès, Kevin McCarthy, ont annoncé samedi soir un accord de principe sur le relèvement du plafond de la dette américaine, ce qui permet d’éloigner la menace d’une faillite dès le 5 juin. Mais l’accord doit recevoir l’aval d’un Congrès divisé et fait déjà l’objet d’une fronde d’élus progressistes et conservateurs, certains parlant d’une « capitulation ».
« Il ne satisfait peut-être pas tout le monde, mais c’est un pas dans la bonne direction auquel personne ne s’attendait », s’est défendu dimanche le leader républicain Kevin McCarthy sur la chaîne Fox News, se félicitant notamment d’une réduction « historique » de la dépense publique. Il a prédit qu’une « majorité » d’élus républicains voteraient le texte.
La Chambre des représentants, où les républicains disposent d’une fragile majorité de 222 contre 213, votera mercredi. Viendra ensuite le Sénat, contrôlé de peu par les démocrates (51-49).
Crédit politique
Le texte de l’accord n’a pas encore été divulgué, mais dans ses grandes lignes, il relève pour deux ans — donc jusqu’après l’élection présidentielle de 2024 — le plafond d’endettement public des États-Unis. Celui-ci est actuellement fixé à 31 400 milliards de dollars. Les dépenses non liées à la défense resteront pratiquement inchangées l’année prochaine et n’augmenteront que nominalement en 2025.
Par ailleurs, de nouvelles règles s’appliqueront à l’accès à certains programmes d’aide fédéraux, mais selon une source proche des négociations, l’accord protège la loi sur la réduction de l’inflation et le plan d’allègement de la dette étudiante, signés par M. Biden.
« Globalement, l’accord représente plutôt une victoire pour Biden et les démocrates, car il contient des coupes budgétaires relativement limitées et évite un autre bras de fer pour le président durant le restant de son mandat », assure le politologue Nicholas Creel qui enseigne au Georgia College.
« Aucune des deux parties n’a suffisamment de pouvoirs pour obtenir ce qu’elle veut, donc un compromis comme celui-ci mécontente un peu tout le monde, mais c’est probablement le meilleur qu’elles pouvaient espérer », ajoute-t-il, en soulignant qu’il devrait « in fine être approuvé » par le Congrès.
MM. Biden et McCarthy jouent leur crédit politique dans ces négociations. Le premier, qui est candidat à sa réélection, se doit d’éviter une faillite aux conséquences potentiellement catastrophiques, tandis que le second cherche à asseoir son autorité après avoir été mal élu au perchoir en début d’année.
Le président Biden avait longtemps refusé de venir à la table des négociations, accusant l’opposition de prendre l’économie américaine en « otage », mais s’y était finalement résolu.
Reste qu’une alliance de circonstance entre élus progressistes au sein du Parti démocrate et élus conservateurs menace de tout faire dérailler. Des républicains conservateurs ont déjà annoncé leur opposition au texte, comme le représentant Dan Bishop, qui a vilipendé M. McCarthy pour n’avoir « presque rien obtenu ».
Sans relèvement de la dette, la première puissance mondiale risque de se trouver en défaut de paiement le 5 juin, incapable d’honorer ses engagements financiers : salaires des fonctionnaires, retraites ou remboursements à ses créanciers. Comme toutes les grandes économies ou presque, les États-Unis vivent à crédit. Mais, contrairement aux autres pays développés, l’Amérique se heurte régulièrement à une contrainte juridique : le plafond de la dette, le montant maximal d’endettement des États-Unis, qui doit être officiellement relevé par le Congrès.
Cela a longtemps été une procédure législative de routine. Les républicains en ont fait un instrument de pression politique.