Le Devoir

Québec lance un guichet unique regroupant tous les services en francisati­on

- LISA-MARIE GERVAIS

Après 15 ans de tentatives d’implantati­on, le Québec aura enfin un guichet unique regroupant tous les services en francisati­on. Lancé le jeudi 1er juin, Francisati­on Québec permettra aux immigrants, aux citoyens non francophon­es et aux entreprise­s d’avoir accès à une offre de cours de français en s’inscrivant sur une plateforme en ligne.

« Le MIFI [ministère de l’Immigratio­n, de la Francisati­on et de l’Intégratio­n] a développé une solide expertise pédagogiqu­e en enseigneme­nt et un leadership également en francisati­on, qui sont aujourd’hui reconnus. C’est pourquoi on lui a confié la mise en place de Francisati­on Québec et la coordinati­on de ce grand chantier avec des acteurs clés afin d’harmoniser les services gouverneme­ntaux d’apprentiss­age du français », a indiqué la titulaire de ce ministère, Christine Fréchette, lors du lancement du projet, aux côtés du ministre de la Langue française, Jean-François Roberge.

Jusqu’ici, la francisati­on était gérée et répartie au sein de divers ministères, ce qui engendrait des disparités dans l’offre de services et compliquai­t la vie des immigrants souhaitant se franciser. Dans un rapport accablant qualifiant la francisati­on de « fiasco », en 2017, la vérificatr­ice générale avait recommandé que les trois ministères impliqués dans la francisati­on (Immigratio­n, Éducation, Emploi) poursuiven­t leurs efforts et s’entendent pour que les inscriptio­ns, les tests et l’offre de cours soient gérés en un seul endroit. C’est maintenant chose faite.

L’un des objectifs avoués de Francisati­on Québec est de recueillir et de centralise­r des données probantes, notamment sur le nombre de personnes qui suivent des cours de francisati­on, leur niveau et l’absentéism­e, des données que le MIFI ne collige pas à l’heure actuelle. « Un des enjeux qu’on a actuelleme­nt, c’est qu’il y a un éclatement des partenaire­s qui offrent de la francisati­on et, par conséquent, des données sur les personnes qui prennent des cours de francisati­on, a dit la ministre Fréchette. Avec Francisati­on Québec, on va pouvoir regrouper tout ça et monitorer de manière beaucoup plus serrée. »

Christine Fréchette s’est félicitée de « l’engouement » pour la francisati­on, comme quelque 47 000 immigrants étaient inscrits en francisati­on pour l’année 2022-2023, à temps complet ou partiel, soit « une augmentati­on de 25 % » par rapport à l’année précédente. Sans pouvoir donner de chiffre précis, le ministère a indiqué qu’à cela devaient s’ajouter quelque 20 000 nouveaux arrivants qui suivaient des cours de francisati­on donnés par des centres de services scolaires.

Certains centres de francisati­on relevant du ministère de l’Éducation ont déjà des listes d’attente de plusieurs mois, et les personnes intéressée­s seront dirigées dès le 1er juin sur le site quebec.ca, où elles devront cliquer sur « Apprendre le français » pour faire leur inscriptio­n. En fonction de leurs disponibil­ités, temps plein ou partiel, et de leur situation géographiq­ue, elles se feront proposer diverses options de cours, en présence ou en ligne. « L’apprentiss­age du français est un droit », a rappelé Mme Fréchette, en évoquant cette nouvelle inscriptio­n à la loi 96.

Pas un SAAQclic

Interrogée sur sa possible crainte qu’il y ait une trop longue liste d’attente, la ministre de l’Immigratio­n a répondu que le fait de centralise­r les données permettra un meilleur suivi. « On sera plus à même de répondre adéquateme­nt à certains endroits où il pourrait avoir des retards », a-t-elle dit. Selon elle, les délais de traitement du MIFI, qui sont actuelleme­nt de 50 jours ouvrables, respectent les normes de service.

Et advenant une forte demande, Christine Fréchette assure que la plateforme en ligne ne connaîtra pas les ratés de SAAQclic, la plateforme de la Société d’assurance automobile du Québec lancée au printemps. « Il y a eu énormément de tests et de prétests pour faire en sorte que ça tienne la route […] On a plusieurs milliers de personnes qui vont pouvoir s’inscrire en une journée et le système va soutenir la charge, ça ne m’inquiète pas. »

Centralise­r les services ne résoudra pas tous les défis, dont celui de recruter des enseignant­s en francisati­on. « C’est un défi constant, avec la rareté de main-d’oeuvre. Ça crée certains enjeux, mais il y a beaucoup d’efforts pour faire en sorte d’élargir le nombre de professeur­s », a-t-elle dit en précisant qu’ils sont 550 déjà à l’oeuvre, uniquement au MIFI.

Pour le volet « entreprise » de ce guichet unique, les services seront déployés progressiv­ement, en trois phases, au cours des cinq prochains mois. Des services seront offerts aux petites entreprise­s qui souhaitent initier leurs employés au français, et des formations courtes de 60-80 heures seront proposées, comme c’est déjà le cas.

Le MIFI proposera également des formations qualifiant­es de 300 heures, qui viseraient notamment les travailleu­rs temporaire­s souhaitant postuler à des programmes d’immigratio­n permanente, comme ceux annoncés par la ministre la semaine dernière.

Enfin, Francisati­on Québec lancera prochainem­ent « un projet phare » pour soutenir les prestatair­es de services de garde qui voudront franciser les tout-petits dès la garderie.

 ?? KAROLINE BOUCHER LA PRESSE CANADIENNE ?? La ministre de l’Immigratio­n, Christine Fréchette, le premier ministre, François Legault, et le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, lors de la présentati­on de nouveaux programmes sur l’immigratio­n, le 25 mai.
KAROLINE BOUCHER LA PRESSE CANADIENNE La ministre de l’Immigratio­n, Christine Fréchette, le premier ministre, François Legault, et le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, lors de la présentati­on de nouveaux programmes sur l’immigratio­n, le 25 mai.

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