Le Devoir

Le référendum de 1995, un affront plus grand que celui d’un but refusé

- Sylvain Maurice Langlois L’auteur habite à Québec.

Le mardi 28 avril 1987 marque un tournant pour les Québécois, plus précisémen­t pour les amateurs de hockey de la Belle Province : en soirée, ce jour fatidique, le sifflet de Kerry Fraser retentit pour signifier que le but marqué par Alain Côté lui est refusé. Près de 40 ans plus tard, on en parle encore comme d’une grande infamie portée aux partisans des chandails fleurdelis­és ; oui, j’étais à l’époque de ces sportifs qui se sont sentis lésés par cette décision douteuse.

Je ne veux rien enlever à la ferveur que l’on peut porter aux sports profession­nels, mais en y regardant de plus près, si ledit but avait été accordé ce soir-là, en quoi cela aurait-il changé l’histoire ? Au mieux, les Nordiques auraient remporté leur série face aux Canadiens et, pour les plus optimistes, la Coupe Stanley. Estce que ce « haut fait d’armes » aurait empêché le départ de la concession pour le Colorado en 1995 ? On ne le saura jamais, mais permettez-moi d’en douter.

Quoi qu’il en soit, la fièvre nationalis­te que tente de faire revivre Paul St-Pierre Plamondon prend ces jours-ci racine dans un enjeu autrement plus important qu’un but refusé, soit un référendum volé ; car peu importe dans quelle sphère de la société se dispute un enjeu, on s’attend à ce que les adversaire­s respectent les règles. Or, en ce qui concerne le référendum de 1995, beaucoup de règles semblent avoir été bafouées par le camp du « Non ».

La liste serait longue à décrire, mais il suffit de penser au financemen­t obscur du « love-in », à l’accélérati­on des demandes d’immigratio­n, etc. Et pour comble d’insulte, Jean Chrétien, qui, au départ, avait cru à une victoire facile comme en 1980, avait sous la main, le soir du vote, un second discours dans lequel il n’aurait pas reconnu le résultat advenant une victoire serrée du camp du « Oui » ; sauf erreur, la victoire du « Non » se voulait tout aussi serrée.

Après les différente­s formes juridiques (avant même la naissance du Canada), qui n’ont de cesse de reléguer le fait français de plus en plus à l’arrière-plan, après la nuit des longs couteaux (qui vit naître une loi constituti­onnelle sans l’assentimen­t du Québec), après l’instrument­alisation de la crise d’Octobre par le fédéral, après les échecs de l’Accord du lac Meech et de l’Accord de Charlottet­own… Que nous faut-il de plus pour comprendre que les dés sont pipés et que notre adversaire ne joue pas franc jeu ?

Qu’il suffise de constater les différents affronts que subissent les francophon­es à l’échelle du pays pour nous rendre compte que notre singularit­é, en ce qui concerne notre langue et notre culture, qui devrait être soulignée et être objet de fierté puisqu’unique à l’échelle du continent, fait office de boulet que l’on traîne pour le reste de la population canadienne.

Aujourd’hui, le Québec, comme tous les peuples de la planète ou presque, s’ouvre aux autres cultures pour le meilleur et pour le pire, en raison de la mondialisa­tion des échanges et des facilités de déplacemen­ts. Cependant, cette soif de connaître l’autre ne devrait aucunement nous faire oublier qui nous sommes et d’où nous venons.

La non-reconnaiss­ance d’un peuple tient davantage à la suppressio­n de son désir inaliénabl­e d’autodéterm­ination lors d’un référendum truqué qu’à un but refusé pour les partisans d’une équipe lors d’une partie de hockey.

Que nous faut-il de plus pour comprendre que les dés sont pipés et que notre adversaire ne joue pas franc jeu ?

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