Le Devoir

La gang des poètes acadiens

« L’identité se construit beaucoup en Acadie à partir de la poésie. C’est le genre qui y est le plus populaire en littératur­e », explique la poète Émilie Turmel

- CATHERINE LALONDE

«Dans les années 1990, il y avait des “délégation­s acadiennes” pas officielle­s qui allaient au Festival de poésie de TroisRiviè­res ou à Montréal en grosse gang », raconte avec un grand sourire la directrice des éditions Perce-Neige de Moncton, Émilie Turmel, elle-même poète. « C’était l’époque [des poètes] Gérald Leblanc et Guy Arsenault [décédé en mars dernier], des poètes qu’on veut saluer. Et c’est cette espèce de legs qu’on veut réinstaure­r : venir en ville, se faire connaître en étant présents », en lisant, disant ou performant de la poésie, cette fois lors du 24e Festival de la poésie de Montréal (FPM).

La soirée Acadie Rock, acadielove, pour longtemps encore, réunira le 1er juin douze poètes acadiens sur la scène du mythique café Cléopâtre, situé boulevard Saint-Laurent. Georgette LeBlanc en sera. « Je vais lire de mon plus récent recueil », Petit poème sur mon père qui est mort (2022). À ses côtés, Sébastien Bérubé, Sarah Marylou Brideau, Léa Doucet, Eric Kennedy, Guillaume Lavoie, Serge Patrice Thibodeau.

Aussi Mo Bolduc et Luc-Antoine Chiasson, « qui ont autant d’Hochelaga que de Nouveau-Brunswick dans leurs recueils », illustre la directrice artistique du FPM, Catherine Cormier-Larose. Et Jonathan Roy,

directeur du Festival acadien de poésie de Caraquet, « dont le nouveau recueil, à mon avis, discute avec les textes de Martine Audet et de Louise Dupré, autant sur l’avenir de la poésie que celui du monde ». Et Émilie Turmel, poète, la seule du lot à ne pas publier aux éditions Perce-Neige, qu’elle dirige depuis mars.

« La chose qui nous réunit, c’est l’Acadie, et la maison Perce-Neige », indique Georgette LeBlanc quand on lui demande si cette gang de poètes là a des ressemblan­ces esthétique­s, si elle forme aussi une communauté d’idées, ou de rythmes, de sons, de musicalité. Émilie Turmel sourit. « Il y a un fort sentiment d’appartenan­ce à la maison. C’est pour ça que je peux emmener sept poètes de Moncton à Montréal dans une van. » « On l’a pas vécu encore, ça va peut-être mal se passer ! » rétorque en rigolant Mme LeBlanc.

Mme Turmel signe la direction artistique de la soirée avec Mme Larose et le musicien Joseph Edgar, qui assurera l’animation. Le titre, Acadie Rock, acadielove, pour longtemps encore, lui « a suggéré trois blocs, explique Émilie Turmel : un “rock” ; un “love”, plus centré sur l’intimité et l’émotion, et un “pour longtemps encore”, qui nous lance vers l’avenir, avec des voix qui sont selon moi en train de construire une oeuvre, qu’on va continuer à entendre ».

C’est ainsi qu’elle a réfléchi la soirée, inspirée « par le côté revendicat­eur de la poésie acadienne, parfois très engagée, assez politique. L’identité se construit beaucoup en Acadie à partir de la poésie. C’est le genre qui y est le plus populaire en littératur­e. Et la maison Perce-Neige, méconnue au Québec, à peu près pas connue des libraires. On se dit que pour l’être, il faut être présent ». Les voilà donc.

Comment lire sa poésie sur scène ?

Georgette LeBlanc, prix Félix-Leclerc de poésie (2007, Alma), Prix du Gouverneur général 2020 de traduction (Océan, de Sue Goyette), ex-poète du Parlement, sera sur scène avec les poèmes pour son feu père. Comment pense-t-elle ses lectures de poésie ? « Je me présente, et je suis à l’écoute de ce qui se passe dans le moment », répondelle en réfléchiss­ant, « des autres autour de moi, des poètes avant moi… »

« Je répète très rarement, j’ai tellement lu et relu mes textes en les écrivant… Oui, je me rappelle le texte toute seule dans ma chambre, comme une minirépéti­tion, tard dans la nuit. Je vois pas ça comme une performanc­e, mais comme une lecture qui demande une présence plutôt qu’une performanc­e, oui ; mais je suis la seule qui fait ça ; je suis très uncool, je suis la plus uncool de tous les poètes qui se présentent au spectacle », sourit-elle.

« Je suis de la vieille gang et génération de poètes et d’écrivains, j’sais pas, les lectures de poésie, c’était ça, lire ton texte, juste ça !, et peut-être de voir, d’être en présence du poète, c’était déjà beaucoup. » Elle répète le mot « présence ». Comment fait-elle pour être présente au texte ?

« J’écris à ce sujet-là ces temps-ci, parce qu’il faut justement que je me l’explique, et je sais pas trop encore. C’est juste être vraiment, comme en danse ; être centrée, présente, à l’écoute de ce qui se passe autour, pis pas arriver là avec quelque chose de préparé, mis en bouteille, livré comme une marchandis­e, donc. »

Et comment fait-elle pour être présente à son propre texte ? « Je l’ai écrit, déjà. Mais il faut se resituer dans le texte aussi, parce que la vie continue après l’écriture du texte, d’autres choses arrivent, y’a des enfants, la lessive et tout le reste, il faut se remettre un ’tit peu dans le bain de l’émotion, de la charge du texte. Il y a une forme de répétition dans ce sens-là, de préparatio­n. »

Je me présente, et je suis à l’écoute de ce qui se passe dans le moment. Des autres autour de moi, des poètes avant moi…

GEORGETTE LEBLANC

Le Festival de la poésie de Montréal se déroule du 29 mai au 4 juin. Les soirées sont gratuites. Le Marché de la poésie de Montréal accueiller­a une soixantain­e d’éditeurs à la place Gérald-Godin, devant la station MontRoyal, et aussi une série d’activités.

 ?? VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR ?? À partir de la gauche : Luc-Antoine Chiasson, Nicholas Dawson, Florentine Rey, Catherine Cormier-Larose et D. M. Bradford. Nicholas, Florentine, D. M. et Luc-Antoine participen­t à la soirée d’ouverture, alors que Catherine, elle, est la directrice artistique du festival.
VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR À partir de la gauche : Luc-Antoine Chiasson, Nicholas Dawson, Florentine Rey, Catherine Cormier-Larose et D. M. Bradford. Nicholas, Florentine, D. M. et Luc-Antoine participen­t à la soirée d’ouverture, alors que Catherine, elle, est la directrice artistique du festival.

Newspapers in French

Newspapers from Canada