Le Devoir

Agir tôt agit « à moitié », dénonce une mère

Léon, qui a un trouble sévère du langage, a pu obtenir cinq séances en orthophoni­e, mais il doit encore attendre pour la suite

- MARIE-EVE COUSINEAU LE DEVOIR

Joanie Méthot mène un parcours du combattant pour son fils de 4 ans. Atteint d’un trouble sévère du langage, Léon a attendu deux ans avant d’obtenir des services en orthophoni­e d’Agir tôt en Montérégie-Est. Il a eu droit à cinq séances d’interventi­on. « L’orthophoni­ste était excellente et c’était génial, dit sa mère. Mais les services ont cessé à la mi-janvier et on est à nouveau en attente. Pour moi, c’est “Agir à moitié”. »

En plus d’un sévère trouble du langage, Léon éprouve un retard moteur et présente des signes d’un possible trouble du spectre de l’autisme (TSA). Il est aussi atteint d’une légère surdité — il a fait huit otites consécutiv­es.

Après lui avoir offert des séances en orthophoni­e et en physiothér­apie, Agir tôt l’a dirigé vers le CISSS de la Montérégie-Ouest, l’établissem­ent de santé responsabl­e des services de réadaptati­on spécialisé­s (TSA, déficience intellectu­elle et déficience physique) pour tout le territoire de la Montérégie.

Léon figure depuis avril sur une nouvelle liste d’attente. « J’ai reçu une lettre indiquant que ça pouvait prendre 365 jours avant de recevoir les services, se désole Joanie Méthot. D’avoir le diagnostic d’un trouble sévère et de tomber à nouveau dans l’attente, c’est inhumain. »

Joanie Méthot a inscrit Léon sur toutes les listes d’attente en orthophoni­e au privé dans l’espoir qu’il reçoive de l’aide. Son fils est déjà suivi en physiothér­apie dans une clinique. La mère a contacté Le Devoir à la suite de notre enquête révélant des délais moyens d’attente en orthophoni­e d’au moins 10 mois dans une dizaine de régions.

La résidente de Longueuil lance un appel à son député, Lionel Carmant, ministre responsabl­e des Services sociaux. « Je souhaite qu’on maintienne les services en orthophoni­e de Léon, le temps d’obtenir le suivi avec la nouvelle équipe. Même si nous ne pouvons pas avoir une fréquence d’une fois par semaine, une fois par mois serait mieux que 52 semaines sans rien. »

Joanie Méthot croit qu’« il faut agir maintenant ». « Moi, j’ai eu des enjeux d’apprentiss­age à l’école, la même chose pour mon conjoint, et on sait à quel point c’est important d’avoir les bons outils en place », souligne-t-elle.

Elle s’inquiète du passage de Léon dans un groupe d’enfants plus vieux (4 ans) en septembre dans son CPE. « Le langage s’est beaucoup amélioré, mais il reste difficile de le comprendre », indique-t-elle. Elle n’y arrive parfois pas elle-même. « Ça m’arrache le coeur… » Joanie Méthot craint que son garçon se retrouve isolé dans son coin, sans ami avec qui jouer.

Les délais d’attente en orthophoni­e à Agir tôt ont fait l’objet de discussion­s à l’Assemblée nationale mercredi. Le gouverneme­nt caquiste s’est opposé à une motion présentée par le Parti libéral du Québec (PLQ) avec l’appui de Québec solidaire, du Parti québécois et de la députée indépendan­te MarieClaud­e Nichols.

Cette motion prenait acte de la « hausse importante des délais » d’interventi­on en orthophoni­e par le biais d’Agir tôt, constatait que ces derniers « compromett­ent les objectifs du programme » et demandait au gouverneme­nt « d’augmenter les ressources nécessaire­s à la réduction » de l’attente, « en plus d’assurer une uniformité de l’offre des services dans l’ensemble des régions du Québec, et ce, dans les meilleurs délais ».

Le gouverneme­nt caquiste indique avoir proposé un « amendement » à cette motion. Selon le Parti libéral du Quénec, il s’agissait plutôt d’une « réécriture complète ».

Interpellé au sujet de la situation de Léon, le cabinet du ministre Lionel Carmant indique qu’il ne commente pas les cas précis. « Les CISSS et CIUSSS sont responsabl­es de gérer leur offre de services sur leur territoire respectif », précise-t-on.

Des « balises »

Le CISSS de la Montérégie-Est reconnaît que le nombre de rencontres prévues en orthophoni­e avec un enfant fait l’objet de « balises », « notamment en prévision d’une rentrée scolaire ou en cas de référencem­ent en centre de réadaptati­on ». « Ces balises orientent les décisions des profession­nels, mais, ultimement, c’est le plan d’interventi­on établi par nos profession­nels qui détermine le nombre de rencontres réalisées avec l’enfant », écrit-il dans un courriel.

Selon ce CISSS, l’attente de 365 jours pour des services spécialisé­s en réadaptati­on est le « délai maximum » pour une prise en charge. « Dans les faits, le délai réel d’attente est souvent moindre et le nombre de rencontres réalisées par notre équipe s’ajuste en fonction de celui-ci », ajoute-t-on. L’établissem­ent affirme travailler « à rendre la transition entre les services le plus fluide possible ».

Le CISSS de la Montérégie-Ouest précise que le délai moyen d’accès à un premier service spécialisé chez les 0 à 6 ans est d’environ quatre mois en orthophoni­e et de deux à dix mois environ en physiothér­apie et en ergothérap­ie. « En déficience intellectu­elle et trouble du spectre de l’autisme, le délai moyen pour un premier service est d’environ quatre mois », écrit-on dans un courriel.

Joanie Méthot, elle, veut continuer « de se battre » pour que son fils ait accès à des services. Elle a l’intention d’envoyer une plainte à Lionel Carmant. « Je ne peux pas lâcher prise, parce que c’est pour mon fils. Je ne comprends pas pourquoi les délais sont aussi longs pour les enfants », dit-elle.

 ?? VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR ?? « D’avoir le diagnostic d’un trouble sévère et de tomber à nouveau dans l’attente, c’est inhumain », raconte Joanie Méthot à propos de son fils de 4 ans, qui a besoin de services en orthophoni­e.
VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR « D’avoir le diagnostic d’un trouble sévère et de tomber à nouveau dans l’attente, c’est inhumain », raconte Joanie Méthot à propos de son fils de 4 ans, qui a besoin de services en orthophoni­e.

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