Le Devoir

La réforme Drainville inquiète les directions d’écoles

- ANNE-MARIE PROVOST LE DEVOIR

C’est ce jeudi que débutent les consultati­ons à Québec sur la réforme Drainville, qui vise à modifier la gouvernanc­e scolaire. La centralisa­tion des pouvoirs et une possible microgesti­on du ministre préoccupen­t les directions d’écoles, qui réclament également que le nouvel Institut national de l’excellence en éducation (INEÉ) soit indépendan­t.

« Plus on prend des décisions qui sont proches de l’élève, de la famille et des partenaire­s du quartier, en théorie, mieux on répond aux besoins », lance Kathleen Legault, présidente de l’Associatio­n montréalai­se des directions d’établissem­ent scolaire (AMDES), qui rappelle que « le principe de subsidiari­té » est inscrit dans la Loi sur l’instructio­n publique. « Nous ne sommes pas certains qu’on va dans la bonne direction. »

Les associatio­ns, syndicats, organismes et experts, présents sur invitation, déposeront leur mémoire et défileront devant la Commission de la culture et de l’éducation jusqu’à mardi prochain pour partager leurs points de vue et recommanda­tions.

Avec le projet de loi 23, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, se donne le pouvoir d’annuler les décisions des centres de services scolaires, de nommer et de destituer leurs directeurs généraux et d’avoir son mot à dire sur la formation continue des enseignant­s.

La Fédération des centres de services scolaires du Québec n’a pas souhaité accorder d’entrevue avant son passage jeudi.

« Le conseil d’administra­tion [des centres de services scolaires] perd un pouvoir, insiste de son côté Kathleen Legault. Pourrait-il au moins avoir le pouvoir de recommanda­tion de candidats pour la direction générale ? Ou la possibilit­é de proposer un profil ? »

La Fédération québécoise des directions d’établissem­ent d’enseigneme­nt pense quant à elle qu’il faut impérative­ment veiller à ce que le ministre ne sombre pas dans la microgesti­on. « On est d’accord qu’il peut questionne­r, s’informer et corriger le tir. Mais pas imposer des moyens et des façons de faire, souligne le président, Nicolas Prévost. Ce serait très dangereux d’aller jusque-là. »

Malgré ces « nuances importante­s », il voit plusieurs aspects positifs, dans l’ensemble, pour les directions d’école. « Ça va venir nous aider, ditil. Que le ministre ait un tableau de bord et l’informatio­n, au lieu de nous demander tous les deux jours de l’informatio­n, ça va nous donner un coup de main. »

La mission plus restreinte du Conseil supérieur de l’éducation (CSE), qui sera désormais circonscri­te aux questions relatives à l’enseigneme­nt supérieur, inquiète néanmoins. « On perd une instance importante », lance Nicolas Prévost.

« Nous avons sondé nos membres, et 84 % d’entre eux sont préoccupés par la perte des mandats du CSE », renchérit la présidente de l’AMDES, qui travaille depuis longtemps avec les avis que celui-ci formule. Le Conseil devrait plutôt garder sa forme actuelle, croit-elle, et pourrait être complément­aire à l’Institut national de l’excellence en éducation, qui réunira des experts.

« Le Conseil supérieur, c’est une instance où la société civile s’exprime et où on a une vision plus large. L’un et l’autre peuvent être intéressan­ts », croit Kathleen Legault, qui compare le CSE à « un caillou dans le soulier » et qui rappelle au ministre que « les gens avant lui n’ont peut-être pas pris les bonnes décisions ».

La création de l’Institut, qui se penchera sur la formation des futurs enseignant­s et qui dégagera les meilleures pratiques pour les niveaux préscolair­e, primaire et secondaire, est saluée. Mais son indépendan­ce doit être préservée, insistent les différente­s associatio­ns, et il ne doit pas être utilisé « pour nous dire quoi faire dans les écoles ».

« On ne veut pas que l’Institut soit à la charge du ministère de l’Éducation, souligne Carl Ouellet, président de l’Associatio­n québécoise du personnel de direction des écoles. Que ce ne soit pas géré par le ministère, que ce soit à part. […] On veut que ce soit une entité indépendan­te. »

L’Institut devrait également avoir le pouvoir de déposer des avis de sa propre initiative, croit la Fédération des comités de parents du Québec.

Manifestat­ion syndicale

La Fédération autonome de l’enseigneme­nt organisera quant à elle une manifestat­ion vendredi lors de son passage en commission. « C’est un brassage de structure qui ne répond pas aux besoins criants dans les écoles, lance sa présidente, Mélanie Hubert, dont le syndicat négocie pour renouveler la convention collective des enseignant­s. Le ministre fait diversion et ne s’occupe pas des vraies affaires. »

Une vision à laquelle souscrit la Confédérat­ion des syndicats nationaux. « Ce qui est présenté ne règle en rien les problèmes du système scolaire », souligne la présidente, Caroline Senneville.

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