Le Devoir

Le parti rassembleu­r

- André Pratte Conseiller spécial à l’agence de relations publiques Citoyen, l’auteur est aussi coprésiden­t du Comité de consultati­on et de réflexion sur la relance du Parti libéral du Québec.

Dans sa plus récente chronique (« Le parti de la division », 31 mai), Jean-François Lisée me fait l’honneur de citer trois phrases du « discours » que j’ai prononcé samedi dernier, à l’occasion du conseil général du Parti libéral du Québec (PLQ). J’emploie des guillemets ici, car il serait fort prétentieu­x de présenter cette petite allocution de quatre minutes comme un discours.

Le titre de la chronique de JeanFranço­is (je me permets d’employer son prénom, puisque je considère M. Lisée comme un ami) se veut provocateu­r : « Le parti de la division ». Ces mots sont censés décrire le PLQ. Dans mon allocution, j’ai plutôt prétendu que le nationalis­me du PLQ se voulait « rassembleu­r, inclusif. Nous rejetons le nationalis­me qui divise les Québécois entre eux, parce qu’on ne bâtit pas une nation forte sur la division ». C’est ce passage qui a fait « tiquer » le chroniqueu­r.

Selon Jean-François, les gestes nationalis­tes posés par les gouverneme­nts libéraux dans le passé ont tous divisé les Québécois, même la nationalis­ation de l’électricit­é en 1962. « La vérité toute nue est qu’aucun geste fort de promotion de la nation québécoise n’est, à l’origine, rassembleu­r », constate-t-il après un bref survol historique. Selon lui, il vaudrait mieux tenir pour acquis que les choix politiques divisent par nature.

Il y a du vrai dans cette analyse. Cependant, le chroniqueu­r interprète mal les quelques paroles que j’ai prononcées samedi. Lorsque je dis que le nationalis­me du PLQ est rassembleu­r, je ne prétends évidemment pas qu’un futur gouverneme­nt libéral ferait l’unanimité autour de lui. La politique, en effet, implique des décisions, des choix, dont chacun suscite son lot d’opposition.

Le mot « rassembleu­r » ici réfère à l’intention des libéraux, par opposition à celle d’autres partis politiques, la Coalition avenir Québec (CAQ) en particulie­r. Depuis son arrivée au pouvoir en 2018, le gouverneme­nt Legault ne cesse d’exacerber les préjugés contre les nouveaux Québécois et la communauté anglophone, accusés d’être responsabl­es de l’anglicisat­ion du Québec. Comme le souligne Jean-François, « il y a des cas où l’approche, le ton, la rhétorique peuvent chercher ou susciter la division là où elle n’a pas lieu d’être ». C’est exactement ce que fait la CAQ. C’est ce contre quoi s’élèvent les libéraux.

Nous sommes nationalis­tes, puisque nous mettons en priorité la défense des intérêts de la nation québécoise. Nous sommes aussi rassembleu­rs, parce que notre conception de la nation québécoise inclut toutes les personnes qui ont choisi de vivre au Québec, quelles que soient leur origine, leur culture, leur langue ou leur religion. Notre nationalis­me invite tous les Québécois à bâtir un Québec plus français, plus prospère, plus juste et plus durable au sein de la fédération canadienne.

Le conseil général tenu en fin de semaine constituai­t un bon exemple de cette approche. À une forte majorité francophon­e provenant de toutes les régions du Québec s’étaient joints des Québécois issus de la communauté anglophone et de la diversité culturelle. Il y avait des jeunes et des moins jeunes, des militants de longue date et d’autres plus récents. N’en déplaise à Jean-François, le Parti libéral n’est pas en ambulance, encore moins en corbillard. Les militants réunis à Victoriavi­lle étaient bien vivants. Lucides quant aux difficulté­s auxquelles la formation fait face, ces membres sont déterminés à faire ce qu’il faut pour relancer le parti et prudemment optimistes quant à l’avenir.

Notre objectif est d’être prêts à remplacer le gouverneme­nt de la CAQ lors des prochaines élections, en 2026. À cette occasion, nous présentero­ns aux Québécois un projet national rassembleu­r, à l’opposé de la stratégie nocive privilégié­e par le gouverneme­nt actuel.

Réplique du chroniqueu­r

Cher André, tu as raison de mettre en cause des propos tenus à la CAQ. Ceux de Jean Boulet auraient dû, malgré ses excuses, lui interdire de retourner de sitôt au Conseil des ministres. Permetsmoi de contester cependant ton affirmatio­n voulant que la CAQ (et les autres nationalis­tes, dont je suis) s’en prenne aux « nouveaux Québécois et [à] la communauté anglophone, accusés d’être responsabl­es de l’anglicisat­ion du Québec ». Les néoQuébéco­is ont respecté les conditions exigées d’eux, les Anglos défendent leurs acquis, c’est normal. Nous critiquons l’imprudent laxisme des politiques d’immigratio­n, et notamment la faiblesse des exigences linguistiq­ues dans l’enseigneme­nt anglo, ce qui est complèteme­nt différent. Si ta contributi­on permettait d’imposer cette distinctio­n dans la rhétorique de ton parti, cela permettrai­t un énorme assainisse­ment de notre discussion publique. Bien amicalemen­t, Jean-François.

Newspapers in French

Newspapers from Canada