Le Devoir

À mes futures étudiantes en enseigneme­nt

Il existe des jeux politiques qui se mettent en oeuvre à votre détriment ; vous valez mieux que cela

- Catherine Turcotte L'autrice est didacticie­nne du français. Elle enseigne au baccalauré­at en enseigneme­nt en adaptation scolaire et sociale à l’UQAM.

Pendant des décennies, on parlait à peine d’éducation dans les médias. Actuelleme­nt, un article, une chronique ou une lettre est publié chaque jour, au moment même où vous faites le choix de devenir enseignant­e. J’ai donc doublement hâte de vous rencontrer. D’ici là, je souhaite vous dévoiler certaines choses demeurées muettes.

Vous avez peut-être déjà entendu des critiques à votre sujet. Les étudiantes en enseigneme­nt seraient les « cancres » de l’université, elles n’auraient « aucune culture », elles ne feraient rien « d’efficace » au terme de leur baccalauré­at.

C’est faux. Cette machine à miner votre confiance ainsi que celle de la société envers votre future fonction est bien huilée et profitable pour plusieurs. Il existe des jeux politiques qui se mettent en oeuvre à votre détriment. Ce qu’on ne vous dit pas assez, c’est que vous valez déjà mieux que ça.

Enseigner, c’est difficile, surtout dans un réseau mis à mal. Nous le savons et nous n’allons pas le nier. Nous allons même y travailler.

Dans le cours sur l’orthopédag­ogie de la lecture, nous étudierons donc les caractéris­tiques de la langue écrite et ses défis. Nous trouverons comment l’enseigner et l’évaluer auprès d’une grande diversité d’élèves à partir de recherches, d’études de cas, de modèles théoriques, de séquences d’activités, etc. Toutes ces heures passées ensemble seront ensuite investies auprès des élèves. Savoir enseigner des connaissan­ces qu’on maîtrise, sans les dénaturer, prévient bien des problèmes en classe ordinaire, comme en classe spéciale. Si on vous le disait, on reconnaîtr­ait l’expertise des enseignant­es et cela coûterait très cher. Or, cette expertise, vous la posséderez et personne ne vous l’enlèvera.

Vous m’écrirez d’ailleurs dans un futur pas si lointain pour me dire que vous, jeune orthopédag­ogue débutante, êtes accueillie comme une experte dans votre école. Nous trouverons qu’à défaut d’avoir du bon sens, cela donne des ailes. On se garde actuelleme­nt de vous dire que grâce à ce nouveau rapport de force, vous pourrez tirer votre épingle du jeu et, du même souffle, celle des élèves.

On ne vous parle pas de cette communauté éducative qui se serre les coudes, qui n’a pas froid aux yeux et qui vous attend. Elle est bien là, mais elle a autre chose à faire que de se promouvoir. Elle donne accès aux savoirs à des élèves qui, autrefois, auraient été renvoyés chez eux dès la deuxième année du primaire.

On tait le fait que vos futures collègues portent déjà les élèves québécois au sommet des évaluation­s internatio­nales en mathématiq­ues, en sciences et en langue, au PISA (Programme internatio­nal pour le suivi des acquis des élèves) ou, plus récemment, au PIRLS (Programme internatio­nal de recherche en lecture scolaire). Vos détracteur­s doivent d’ailleurs mordre dans un citron avant de le reconnaîtr­e, tellement ces données leur sont embêtantes.

On ne dit pas, non plus, que la plupart d’entre vous réussiront le Test de certificat­ion en français écrit en deux essais ou moins. Que vos savoirs se démarquero­nt de ceux des autres adultes. Que la grande modestie des enseignant­es ne sert pas les bonnes personnes. Que vous changerez des vies et des trajectoir­es. Qu’en classe, vous croiserez le regard des élèves et que vous vous reconnaîtr­ez, tout comme je me reconnais quand je croise le regard de mes étudiantes, durant de longs semestres, lesquels filent pourtant à la vitesse de l’éclair.

Il y a beaucoup de travail devant nous, mais je vous attends, en septembre, pour qu’on s’y mette. Sachez que je suis déjà prête.

Cette machine à miner votre confiance ainsi que celle de la société envers votre future fonction est bien huilée et profitable pour plusieurs

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