Un vaste virage numérique s’opère en dehors du métavers
Elles sont nombreuses, les organisations à vouloir numériser leurs archives ou leurs oeuvres, mais elles ne le font pas nécessairement dans le métavers
Le moteur graphique Unreal Engine est développé par Epic Games en bonne partie dans ses bureaux de Montréal, et ses dirigeants rêvent de le voir adopté par des organisations en architecture, en éducation ou dans d’autres domaines. Mais ne parlez surtout pas de métavers !
On peut reprocher au grand patron de Meta, Mark Zuckerberg, d’avoir gâché la réputation du métavers. Il a promis, quelque part en 2021, qu’il miserait l’avenir tout entier de son entreprise sur les environnements numériques immersifs… jusqu’à ce qu’il réalise au début de 2023 qu’il y avait peut-être mieux à faire du côté de l’intelligence artificielle pour redonner le sourire aux actionnaires de la maison mère de Facebook.
Ils sourient aujourd’hui à belles dents. Meta a remercié le quart de ses employés et a doublé sa valeur depuis.
Plusieurs créateurs de contenu numérique immersif sont aussi heureux de ne plus avoir à expliquer que, oui, leurs oeuvres vivent dans la réalité virtuelle, augmentée ou mixte. Qu’ils ont créé des mondes virtuels complets accessibles par Internet, avec ou sans casque. Mais que non, il ne s’agit pas du « métavers de Zuck ».
« Des musées, des universités, des organismes culturels, ils sont nombreux à vouloir numériser leurs archives ou leurs oeuvres, mais ils ne le font pas nécessairement dans le métavers », explique Marc Petit, qui dirige l’équipe montréalaise d’Epic Games, qui travaille sur le moteur graphique Unreal Engine.
Ces organismes qui amorcent un virage numérique sont un marché à conquérir pour Epic Games. Le géant américain leur offre d’ailleurs gratuitement l’accès à sa plateforme, laquelle va bien au-delà du jeu vidéo. La mise en ligne du projet Hillside se veut une démonstration de ce qu’il leur est possible de réaliser grâce à sa technologie.
Pour réaliser ce projet, il a fallu de la programmation et aussi de la captation. Les gens d’Habitat 67 ont
d’ailleurs participé au projet, qui comprend la reconfiguration à l’identique de l’appartement qui appartenait à l’architecte Moshe Safdie. L’équipe d’Epic Games a dû passer trois jours à numériser et à modéliser le tout, à l’aide de drones, notamment.
« On voulait démontrer comment on peut créer un contenu qui peut être utilisé de différentes façons, que ce soit pour être vu en ligne, pour s’afficher sur un appareil mobile ou dans un environnement virtuel comme le métavers », explique Marc Petit.
« Unreal Engine est capable de générer des contenus médiatiques statiques ou interactifs pour tous ces environnements. On pense qu’il peut être utile dans le jeu vidéo, dans les effets spéciaux au cinéma ou à la télé, et ailleurs », dit le vétéran des logiciels montréalais, qui a fait partie de l’aventure de Softimage à une autre époque.
En fait, il suffirait de très peu d’adaptations pour que l’Habitat 67 revisité dans le projet Hillside devienne une région dans un monde virtuel comme celui de Fortnite… en principe. Car la réalité est plus terre à terre. « Il y aurait des complications en raison de la propriété intellectuelle de l’un et de l’autre, mais sinon, oui, on pourrait ajouter des créations virtuelles comme Habitat 67 dans des mondes numériques comme celui de Fortnite.»
« Tout est possible. »
Plus que du jeu
Montréal a peut-être raté sa chance il y a 50 ans d’ériger un quartier utopique alliant densité urbaine, communauté tissée serrée et services de proximité abondants. Le Montréal inc., lui, ne semble pas vouloir rater sa chance de tirer profit actuellement du nouvel essor que vivent les technologies numériques comme Unreal Engine.
Des entreprises comme les studios MELS et le géant de la formation aéronautique CAE se servent de ces technologies de façon tout aussi sérieuse que ludique.
Carlos Cristerna, qui a mené à terme le projet Hillside pour Epic, aimerait voir d’autres organisations faire de même. « Le secteur de l’éducation est probablement le plus important, dit-il. J’ai étudié en architecture, mais j’aurais aimé être en informatique. Là, on peut joindre les deux. Les designers peuvent mieux exprimer leur vision grâce à la technologie. Elle permet d’entrer dans leur tête et d’avoir un meilleur aperçu de ce dont ils rêvent. »
Dans sa forme la plus simple, Habitat 67 est un immeuble de logements d’allure particulière. Dans la tête de son créateur, ce sont des résidences avec tout ce dont une communauté a besoin, comme des écoles, des magasins de proximité, ainsi que des espaces de travail, des bureaux, des ateliers, intégrés dans un même développement.
Cela s’inscrivait dans les idées utopiques d’architecture qui ont émergé dans les années 1960. Tout était remis en question, tout était possible.
Un demi-siècle plus tard, les technologies numériques redonnent aux créateurs le goût de rêver. « C’est important pour les plus jeunes de vivre ça », souffle Carlos Cristerna.