Né sous une très bonne toile
La meilleure trilogie de Spider-Man au grand écran et l’une des meilleures exploitations du multivers
Sorti en 2018, Spider-Man: Into the Spider-Verse avait remporté l’Oscar du meilleur film d’animation. C’était hautement mérité. Et ce n’était pas assez. Le long métrage réalisé par Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman à partir d’une histoire imaginée et coscénarisée par Phil Lord méritait d’être finaliste au prix du meilleur film de l’année, point. On pourrait/devrait fort bien dire la même chose de Spider-Man: Across the Spider-Verse (Spider-Man. À travers le Spider-Verse en V.F.) : oui à l’Oscar pour l’animation, mais pensez à lui pour la catégorie reine.
Réalisé par Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin K. Thompson à partir d’un scénario de l’ineffable tandem composé de Phil Lord et de Christopher Miller (The Lego Movie, c’est eux) épaulé par David Callaham, ce deuxième volet de la trilogie nous remet en présence de Miles Morales. Une année s’est écoulée depuis qu’il est devenu « notre » Spider-Man à nous, habitants de la Terre-1610, Peter Parker étant décédé lors d’événements où l’adolescent avait croisé ces Spider-People provenant d’autres univers. Entre autres, la SpiderWoman de Terre-65, une Gwen Stacy (pas celle que nous connaissons) qui a maintenant besoin de Miles : Spot, un vilain aussi maladroit et rigolo que dangereux, met en péril le multivers. À travers lequel vont se déplacer les deux jeunes héros, pour le sauver.
Porté par une trame sonore du tonnerre, le voyage est tumultueux, éblouissant et, pour une fois, très clair et compréhensible grâce aux possibilités offertes par l’animation. Les styles visuels, le design des personnages, la palette de couleurs, le 2D qui succède au 3D, le noir et blanc et, hop, pourquoi pas ici une scène en Lego et une autre en collage papier ? L’exploitation des capacités des Spider-People au combat (ces chorégraphies !) comme à la ville (pourquoi opter pour les deux pieds sur terre quand on est si bien la tête en bas ?), l’originalité des endroits traversés (Mumbattan, quelqu’un !) et des Tisseurs qui, au-delà des passages obligés (et essentiels, comprendra-ton), éclatent en genres, en âges, en cultures, etc. : la narration visuelle, la direction artistique et la mise en scène sont à jeter à terre. Une chance qu’on est assis.
Riche à tous les niveaux
Tout cela pour accoucher (terme choisi, ceux qui verront sauront), oui, d’un film de superhéros riche en adrénaline et en humour, mais aussi d’une aventure profondément humaine dans laquelle se glissent les thèmes de l’identité, de la famille, de l’amitié, de la responsabilité. C’est beaucoup, mais pas trop, même si ce très long Across the Spider-Verse est légèrement affaibli par… appelons ça le syndrome du volet médian des trilogies. Le premier volume est celui dans lequel les créateurs s’éclatent en construisant un univers et le troisième, celui où ils jouent avec les règles qu’ils ont créées et ont appris à maîtriser… dans le deuxième. Lequel s’avère ainsi un exercice de construction/déconstruction délicat.
Cela pour dire qu’après une entrée en matière hypersympathique et passionnante, mais moins originale en contenu (pas dans sa forme, oh que non !), Across the Spider-Verse offre un dernier acte brillant et tragique, riche en action et en révélations. On pressent ce qui s’en vient et on a déjà mal à nos Araignées. On est scotchés à notre siège. Si les lumières de la salle ne se rallumaient pas, on risquerait d’y rester — allons-y d’un brin d’exagération, c’est sûrement permis dans un monde parallèle — jusqu’à la sortie de Beyond the Spider-Verse. En 2024.
Spider-Man. À travers le SpiderVerse (V.F. de Spider-Man: Across the Spider-Verse)
Film d’animation de Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin K. Thompson. Avec les voix de Shameik Moore, Hailee Steinfeld, Brian Tyree Henry.
États-Unis, 2023, 140 minutes. En salle.