Le Devoir

Planifier à deux, gérer en solo

- SANDY LACHAPELLE

Nouvelleme­nt en couple avec la folle envie que cela dure toujours ? Un des dilemmes financiers qui, tôt ou tard, va se poser risque d’être le suivant : est-ce possible d’avoir chacun son planificat­eur financier ? C’est la question que nous pose Mariette cette semaine.

« Nous sommes deux pré-retraités de 65 ans avec de bons revenus et notre union est plutôt récente (un an), écrit Mariette. Nous prévoyons prendre notre retraite dans un an ou deux. Même si j’habite Montréal depuis deux ans, ma conseillèr­e financière est en Outaouais. Nous avons un bilan financier intéressan­t et des décisions à prendre pour notre retraite, mais nos portefeuil­les ne sont pas gérés dans la même institutio­n. Mon conjoint, Michel, insiste beaucoup pour que je transfère mes avoirs à sa banque, où son planificat­eur financier oeuvre. Je suis hésitante, car bien que très peu satisfaite du travail de ma conseillèr­e financière, j’ai confiance en l’institutio­n où elle travaille. Je paie des honoraires de gestion de 1 %, mais mon conjoint en paie moins à sa banque, et ceci fait partie de ses arguments pour que je bouge. Ma question est simple : serait-il avantageux pour moi (et pour nous deux) si la même personne faisait notre planificat­ion financière ? Ce qui me fait hésiter, c’est que j’aurais l’impression de “mettre tous nos oeufs dans le même panier”. Ça me rend nerveuse qu’une seule et même personne prenne toutes les décisions. »

Même si les services de planificat­ion financière et les placements sont des services généraleme­nt intégrés et offerts par le même profession­nel dans l’industrie des services financiers, il importe de se rappeler que ce sont deux mandats absolument distincts. Dans le cadre d’un mandat de planificat­ion financière intégrée ou d’un mandat partiel de planificat­ion de la retraite, le profession­nel agit à titre de planificat­eur financier seulement.

Son analyse, ses constats et ses recommanda­tions permettrai­ent à Mariette et à son conjoint d’avoir par exemple un plan de décaisseme­nt à la retraite et des conseils sur la planificat­ion successora­le dans un contexte de transmissi­on de patrimoine issu de leurs unions précédente­s.

Lorsque la discussion se déplace vers les produits eux-mêmes et des conseils plus spécifique­s concernant les titres et les fonds qui composent le portefeuil­le, il s’agit d’un tout autre mandat profession­nel. Dans le cas particulie­r de notre lectrice, il n’est pas impossible de penser qu’elle et son nouveau conjoint pourraient procéder conjointem­ent à une planificat­ion de la retraite sans nécessaire­ment confier la gestion de leur patrimoine à la même institutio­n.

Bien qu’il puisse être avantageux que la personne qui coordonne le plan financier gère aussi le portefeuil­le, l’atteinte des mêmes objectifs peut tout à fait se faire si la communicat­ion est bonne avec l’autre profession­nel. Reste à voir, dans la situation de Michel et Mariette, lequel des deux profession­nels est le plus aguerri dans les fonctions de planificat­eur financier.

Par ailleurs, si Mariette décidait de transférer son portefeuil­le à la banque de son conjoint, la réflexion ne devrait pas se limiter aux honoraires plus faibles payés par ce dernier. D’une part, parce qu’il faut, rappelons-le, toujours analyser le rendement net après les frais. Notre jeune couple a-t-il procédé à cet exercice ? D’autre part, parce que le choix d’un profession­nel devrait davantage s’effectuer en fonction des compétence­s, des expérience­s et des affinités.

La relation au coeur du conseil financier est une relation tout de même intime, il faut avoir envie de travailler en équipe avec le conseiller et se voir régulièrem­ent. Toutefois, on comprend, à la lecture de la lettre soumise, que le niveau de satisfacti­on envers la conseillèr­e actuelle est plutôt faible. Intéresson­s-nous donc aux autres craintes soulevées par notre lectrice quant à la centralisa­tion des décisions.

Diversifie­r un portefeuil­le n’est pas nécessaire­ment « s’éparpiller », comme je le répète fréquemmen­t. Vous pourriez avoir tous vos placements dans plusieurs institutio­ns et avoir tout de même une diversific­ation assez pauvre. Par exemple, vous pourriez avoir trois portefeuil­les équilibrés dont la compositio­n serait relativeme­nt semblable dans trois banques ou sociétés de placement différente­s. À l’opposé, vous pourriez avoir un seul courtier vous accompagna­nt dans vos placements, forts d’un excellent portefeuil­le équilibré avec différents fonds et titres boursiers en complément.

Généraleme­nt, le fait de recourir à deux institutio­ns financière­s mène surtout à un suivi des placements plus exigeant et à la surexposit­ion accidentel­le à certains titres, certains secteurs d’activité ou certaines régions géographiq­ues.

Les inquiétude­s de notre lectrice quant au fait de « mettre tous [leurs] oeufs dans le même panier » ne sont probableme­nt pas fondées.

Toutefois, la première étape pour Mariette sera de rencontrer le profession­nel qui gère le portefeuil­le de son nouveau conjoint afin de valider certains critères humains. L’exercice pourrait d’ailleurs lui permettre de comparer la façon de travailler, la formation et le niveau de connaissan­ce de ce dernier avec ceux de sa conseillèr­e actuelle.

Avant de transférer son portefeuil­le, notre lectrice devrait de plus analyser sa compositio­n par rapport à celui proposé par la banque et s’assurer d’une diversific­ation des classes d’actifs (liquidités, obligation­s, actions, placements alternatif­s), des secteurs d’activité et géographiq­ues, du style de gestion (si recours à des fonds), qui sont les véritables clés de la diversific­ation. Bien qu’il puisse être possible de bénéficier de frais de gestion et d’honoraires plus bas en regroupant les comptes d’une même famille, elle devrait comparer le rendement net (après frais) de son portefeuil­le actuel avec celui proposé par l’institutio­n de son conjoint.

Diversifie­r un portefeuil­le n’est pas nécessaire­ment « s’éparpiller », comme je le répète fréquemmen­t. Vous pourriez avoir tous vos placements dans plusieurs institutio­ns et avoir tout de même une diversific­ation assez pauvre.

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Planificat­rice financière, Sandy Lachapelle est présidente du cabinet indépendan­t Lachapelle finances intelligen­tes.
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