Le Devoir

Le républicai­n George Santos est expulsé du Congrès américain

L’élu trumpiste s’est illustré par ses mensonges répétés et est accusé de délits financiers

- FABIEN DEGLISE LE DEVOIR

Après les mensonges et les détourneme­nts de fonds, la disgrâce pour le représenta­nt républicai­n de New York, George Santos, qui, vendredi matin, dans un geste spectacula­ire, a été expulsé du Congrès par ses collègues, moins d’un an après son entrée en fonction.

L’affabulate­ur notoire devient ainsi le sixième élu américain à connaître un tel sort dans l’histoire législativ­e du pays.

« Nous n’aurions pas dû en arriver là », a affirmé, dans la foulée du vote, le député républicai­n de Long Island, Anthony D’Esposito, qui fait partie de la centaine d’élus de son parti ayant décidé d’expulser Santos. « [Il] aurait dû assumer sa responsabi­lité et démissionn­er. Maintenant, les électeurs du troisième district de New York [que représenta­it à Washington l’élu destitué] vont pouvoir se choisir un représenta­nt en qui ils vont pouvoir avoir confiance », a-t-il dit, cité par le New York Times.

La chute de George Santos, qui a survécu à deux votes appelant à son expulsion dans les derniers mois, a été entraînée par la publicatio­n, le 16 novembre dernier, d’un rapport accablant révélant que l’élu, trumpiste de stricte obédience, a violé plusieurs lois pénales fédérales, avant et depuis son entrée en poste.

Sur 56 pages, le comité d’éthique de la Chambre a mis en lumière le détourneme­nt de plusieurs milliers de dollars provenant des fonds de sa campagne pour des dépenses personnell­es, dont l’achat de produits de luxe — entre autres dans une boutique Hermès —, de « Botox », pour des visites aux spas, des séjours dans un hôtel d’Atlantic City et dans un hôtel de Las Vegas, à une époque où pourtant le député disait à son personnel être « en lune de miel ».

Il a également dépensé plus de 3300 $US en un week-end pour une location Airbnb dans les Hamptons, alors qu’il disait être en congé, et a fait de « petits achats » sur OnlyFans, un site spécialisé dans la diffusion de contenus pour adultes.

Au total, le représenta­nt s’est rendu coupable de 23 infraction­s criminelle­s, comprenant également une fraude à l’assurance chômage de 24 000 $US durant la pandémie, alors qu’il occupait un emploi rémunéré à hauteur de 120 000 $US. En mai dernier, George Santos a été inculpé par la justice américaine pour fraude électroniq­ue, blanchimen­t d’argent, détourneme­nt de fonds publics et fausses déclaratio­ns à la Chambre des représenta­nts. Il a plaidé non coupable.

Vendredi matin, les élus de la Chambre des représenta­nts ont décidé à 311 contre 114 de mettre un terme à son mandat et de déclencher ainsi des élections partielles dans son district électoral. Ce départ forcé vient également réduire la très mince majorité, de 4 sièges à peine, détenue par les républicai­ns dans cette chambre.

« Que cet endroit aille au diable », a lancé George Santos à un journalist­e en quittant le Congrès, a rapporté CNN. Jeudi, l’élu s’était montré frondeur face à la possibilit­é d’une expulsion en indiquant, lors d’une conférence de presse, qu’il n’avait pas l’intention de démissionn­er. Il a également mis en garde ses collègues contre une décision qui pourrait les « hanter à l’avenir ». Selon lui, cette expulsion donne désormais un pouvoir à la Chambre de « démettre quelqu’un qui a été élu par le peuple sur la simple base d’allégation­s », a-t-il dit.

Arrivé au Congrès lors des élections de mi-mandat de 2022, George Santos s’est rapidement fait remarquer en raison des nombreux fils blancs qui tissent le récit de son ascension politique.

L’homme a prétendu par exemple être un riche et prospère homme d’affaires, petit-fils de survivants de l’Holocauste, détenteur d’une maîtrise en administra­tion des affaires de l’Université de New York ayant travaillé chez Citi Group et Goldman Sachs. Il a dit posséder plus d’une dizaine de propriétés et être le bénéficiai­re d’une fiducie familiale valant des millions de dollars que sa mère, décédée des années après les attentats du 11 Septembre en raison de problèmes de santé liés à cette tragédie, lui aurait laissés.

« Aucune partie de cette histoire ne s’est révélée vraie », a conclu le rapport du comité d’enquête de la Chambre.

George Santos a également profité de sa fonction et de son statut de figure montante au sein de l’aile radicale du Parti républicai­n pour détourner des milliers de dollars des fonds de sa campagne, et ce, afin d’entretenir le mythe qu’il a construit, les extravagan­ces de son quotidien, et attirer de généreux donateurs. Ses déclaratio­ns sont « remplies de mensonges destinés à le faire paraître plus riche qu’il ne l’était et renforçaie­nt le personnage fictif qu’il avait concocté en déclarant faussement plus d’un demi-million de dollars de prêts à l’État », peut-on lire.

En sortant de la Chambre des représenta­nts dans la honte d’une expulsion, l’élu républicai­n entre désormais dans l’histoire et dans le club sélect des rares élus frappés par une telle disgrâce. Outre les trois représenta­nts expulsés pour avoir soutenu les États confédérés durant la guerre civile, deux autres, Michael Joseph Myers, en 1980, et le bien nommé Jim Traficant, en 2002, se sont fait montrer la porte avant lui après avoir été condamnés pour corruption, racket et évasion fiscale. George Santos devient le premier dans l’histoire à l’être à la suite d’accusation­s de fraude à la carte de crédit et pour avoir fabulé le contenu de son curriculum vitae.

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J. SCOTT APPLEWHITE ASSOCIATED PRESS George Santos s’était montré frondeur face à la possibilit­é d’une expulsion en indiquant, lors d’une conférence de presse devant le Capitole, jeudi, qu’il n’avait pas l’intention de démissionn­er.

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