L’effet des réseaux sociaux sur les troubles alimentaires
Quel est le lien entre le temps passé sur les réseaux sociaux et le développement de troubles alimentaires chez les adolescents ? C’est l’une des questions auxquelles la professeure au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal Patricia J. Conrod a tenté de répondre. Les résultats de ses recherches sont parus dans la revue Psychology & Health vers la fin de l’année 2022. Et ils sont sombres. « Les réseaux sociaux et la télévision ont un effet sur l’estime de soi et les symptômes de trouble alimentaire », résume-t-elle.
Avec cette étude, la chercheuse a voulu creuser l’épineuse question des effets du « temps d’écran ». Car sur un écran, on peut faire bien des choses : écouter son émission préférée, appeler un proche, lire les nouvelles, passer des heures à faire défiler des publications sur les réseaux sociaux. Ces activités peuvent-elles vraiment toutes être rangées dans la même boîte ? À l’aide d’une étude longitudinale s’étalant sur une période de cinq ans, une première dans le domaine, Patricia J. Conrod s’est intéressée à trois types d’usages de l’écran : les jeux vidéo, la télévision et les réseaux sociaux.
Le constat est clair : les réseaux sociaux ont des répercussions importantes sur l’estime de soi et les symptômes de trouble alimentaire des adolescents. Plus un adolescent — généralement une jeune femme — sera exposé à des images faisant la promotion d’idéaux corporels irréalistes comme la minceur, plus il risquera de s’inquiéter de sa propre apparence et de son poids. Pire encore, les effets d’un usage accru des réseaux sociaux durant une année se répercuteront sur l’année suivante.
Ces résultats s’expliquent par le phénomène de la « comparaison sociale », estime celle qui est aussi chercheuse au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine. Bien que les adolescents soient exposés à des représentations corporelles irréalistes en jouant à des jeux vidéo, la télévision et en particulier les réseaux sociaux les mettent aussi en contact avec des gens de leur âge, que ce soit des acteurs ou des gens de leur entourage. « Ce n’est pas seulement la présentation d’images irréalistes […], mais le contenu généré ou partagé par les pairs qui semble avoir un impact particulièrement important en termes d’effets durables sur l’estime de soi », conclut l’étude.
Ces résultats inquiètent Patricia J. Conrod. « L’industrie devrait avoir la responsabilité de s’assurer que les jeunes ne subissent pas de préjudice, souligne-t-elle. Il faut la forcer à changer ses pratiques, pour que les jeunes soient mieux protégés. »