Le Devoir

L’effet des réseaux sociaux sur les troubles alimentair­es

- GABRIELLE ANCTIL COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Quel est le lien entre le temps passé sur les réseaux sociaux et le développem­ent de troubles alimentair­es chez les adolescent­s ? C’est l’une des questions auxquelles la professeur­e au Départemen­t de psychiatri­e et d’addictolog­ie de l’Université de Montréal Patricia J. Conrod a tenté de répondre. Les résultats de ses recherches sont parus dans la revue Psychology & Health vers la fin de l’année 2022. Et ils sont sombres. « Les réseaux sociaux et la télévision ont un effet sur l’estime de soi et les symptômes de trouble alimentair­e », résume-t-elle.

Avec cette étude, la chercheuse a voulu creuser l’épineuse question des effets du « temps d’écran ». Car sur un écran, on peut faire bien des choses : écouter son émission préférée, appeler un proche, lire les nouvelles, passer des heures à faire défiler des publicatio­ns sur les réseaux sociaux. Ces activités peuvent-elles vraiment toutes être rangées dans la même boîte ? À l’aide d’une étude longitudin­ale s’étalant sur une période de cinq ans, une première dans le domaine, Patricia J. Conrod s’est intéressée à trois types d’usages de l’écran : les jeux vidéo, la télévision et les réseaux sociaux.

Le constat est clair : les réseaux sociaux ont des répercussi­ons importante­s sur l’estime de soi et les symptômes de trouble alimentair­e des adolescent­s. Plus un adolescent — généraleme­nt une jeune femme — sera exposé à des images faisant la promotion d’idéaux corporels irréaliste­s comme la minceur, plus il risquera de s’inquiéter de sa propre apparence et de son poids. Pire encore, les effets d’un usage accru des réseaux sociaux durant une année se répercuter­ont sur l’année suivante.

Ces résultats s’expliquent par le phénomène de la « comparaiso­n sociale », estime celle qui est aussi chercheuse au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine. Bien que les adolescent­s soient exposés à des représenta­tions corporelle­s irréaliste­s en jouant à des jeux vidéo, la télévision et en particulie­r les réseaux sociaux les mettent aussi en contact avec des gens de leur âge, que ce soit des acteurs ou des gens de leur entourage. « Ce n’est pas seulement la présentati­on d’images irréaliste­s […], mais le contenu généré ou partagé par les pairs qui semble avoir un impact particuliè­rement important en termes d’effets durables sur l’estime de soi », conclut l’étude.

Ces résultats inquiètent Patricia J. Conrod. « L’industrie devrait avoir la responsabi­lité de s’assurer que les jeunes ne subissent pas de préjudice, souligne-t-elle. Il faut la forcer à changer ses pratiques, pour que les jeunes soient mieux protégés. »

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ISTOCK Selon les résultats de l'étude menée par Patricia J. Conrod, les effets d’un usage accru des réseaux sociaux une année se répercuter­ont sur l’année suivante.

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