Le Devoir

Leader visionnair­e recherché

- BRIAN MYLES

Le bras de fer entre les villes et le gouverneme­nt Legault sur la prise en charge du déficit des sociétés de transport s’est conclu récemment par un recul pour les maires et mairesses des plus grandes villes du Québec. Le climat de fausse urgence qu’ils ont entretenu, à la veille de la confection des budgets municipaux, de même que leur faible reconnaiss­ance pour le renouvelle­ment du pacte fiscal ont laissé quelques relents de discorde.

Québec a accepté de prendre en charge 70 % du déficit des sociétés de transport (265 millions de dollars), principale­ment imputable à la baisse de l’achalandag­e. Les villes en espéraient plus, mais elles ne semblaient pas enclines à rogner sur leurs propres dépenses. C’est un peu comme si elles avaient demandé à Québec d’assumer les coûts et les conséquenc­es de leurs propres choix politiques. Il n’était pas réaliste d’imaginer que le gouverneme­nt Legault serait disposé à augmenter le fardeau fiscal des Québécois pour permettre à une Valérie Plante de contenir la hausse des taxes municipale­s et de poursuivre ses politiques expansionn­istes.

Les menaces éhontées de la mairesse Plante, qui évoquait la fermeture du métro à 23 h, ne se sont pas concrétisé­es. La Société de transport de Montréal (STM) a plutôt annoncé une suppressio­n de 255 postes et une réduction de ses dépenses d’au moins 50 millions de dollars pour équilibrer son budget sans réduire l’offre de service. Le président de la STM, Éric Alan Caldwell, affirme que l’organisati­on a « sauvé les meubles », bien qu’elle se retrouvera « face à un mur » l’an prochain.

Les protagonis­tes de cette histoire ont retrouvé le luxe du temps. Ils ont maintenant un an pour étudier la question et trouver des solutions pérennes au financemen­t du transport collectif. Bien que la stratégie des élus municipaux se soit retournée contre eux, les problèmes qu’ils soulèvent n’en sont pas moins réels. L’achalandag­e des sociétés de transport accuse le coup du télétravai­l. L’entretien du matériel roulant est coûteux. La taxe sur l’essence est appelée à diminuer comme source de revenus avec l’électrific­ation du parc automobile. Le financemen­t du transport collectif dans une agglomérat­ion comme Montréal ou les villes centres doit reposer sur l’ensemble des usagers de la route. Cela est d’autant plus important que le parc automobile augmente plus vite que la population dans la région de Montréal. L’électrific­ation des transports ne réglera rien à la congestion si nous gardons le pied sur l’accélérate­ur de l’étalement urbain et de l’auto en solo. Pour ces raisons, et au nom de la lutte contre les changement­s climatique­s, il faudra investir dans l’expansion de l’offre de transport collectif. Avec le recul sur le projet de tramway à Québec, transféré à CDPQ-Infra par le gouverneme­nt Legault, la suspension par Québec des consultati­ons sur projet de la ligne rose à Montréal, les retards dans le prolongeme­nt de la ligne bleue, nos ambitions en transport collectif ressemblen­t de plus en plus à une mission impossible.

La ministre des Transports et de la Mobilité durable (MTMD), Geneviève Guilbault, affirmait récemment que son ministère manquait de compétence et d’expertise en matière de projets de transport collectif. « C’est long, ça coûte cher, c’est compliqué », disait-elle à Radio-Canada. Les propos étaient durs, mais l’organisati­on traîne depuis longtemps une réputation de ministère de l’asphalte et du béton. D’ailleurs, quatre anciens ministres des Transports ont confirmé au Devoir que Geneviève Guilbault n’invente rien. Les péquistes Sylvain Gaudreault et Serge Ménard, le libéral Robert Poëti et un quatrième qui a requis l’anonymat brossent le même tableau. Dans l’esprit et les priorités du MTMD, le char est roi. Les projets routiers accaparent 70 % des fonds disponible­s dans le Plan québécois des infrastruc­tures 2023-2033, contre 30 % pour le transport collectif. Le ministère est en profond décalage avec les exigences de la transition énergétiqu­e et de la lutte contre les changement­s climatique­s.

La ministre Guilbault et le premier ministre, François Legault, ont évoqué la création d’une agence des transports pour redresser la situation. Nous sommes doués au Québec pour jouer dans les structures. L’expérience de la défunte Agence métropolit­aine de transport (AMT) et celle de sa réincarnat­ion, l’Autorité régionale de transport métropolit­ain (ARTM), démontrent que la structure de gouvernanc­e ne fait pas le poids devant la politisati­on des projets.

Par les temps qui courent, le gouverneme­nt caquiste se passionne pour la filière batterie et la reprise des grands ouvrages hydroélect­riques, quitte à investir des milliards en fonds publics et à lever les obstacles environnem­entaux et législatif­s pour accélérer les projets. Si le transport collectif reste sur la voie de garage, cette fameuse transition énergique ne remplira pas ses promesses. La première condition du succès, c’est que le gouverneme­nt prenne fait et cause pour l’autobus, le tramway, le métro et la densificat­ion du territoire. Le leadership doit venir d’en haut pour pérenniser le transport collectif.

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