Victor Hugo, homme océan
Un fascinant voyage en images à travers la vie et l’oeuvre de l’auteur des Misérables
Quelques jours après le coup d’État du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte, Victor Hugo (1802-1885) va prendre le chemin d’un exil qui va durer 19 ans.
Après un séjour de quelques mois à Bruxelles et trois années passées à Jersey, une île anglo-normande située entre la France et l’Angleterre, l’auteur de Notre-Dame de Paris (1831) fait l’acquisition de « Hauteville House », sur l’île de Guernesey, où il s’installe avec toute sa famille. Juliette Drouet, sa maîtresse depuis 1833, qui l’a suivi dans son exil, loue une maison dans la même rue.
Cette immigration forcée, dans un premier temps, ouvre pour le poète engagé de nouvelles voies de création. « En vous retirant de tout, on vous a tout donné ; tout est permis à qui tout est défendu ; vous n’êtes plus contraint d’être académique et parlementaire ; vous avez la redoutable aisance du vrai, sauvagement superbe », croyait-il.
Et si pour Hugo ces premières années au milieu de la Manche seront le temps des combats, elles aussi seront vite synonymes d’expérimentations graphiques et de recherches spirites — qui donneront lieu à ses fameuses séances de « tables parlantes ». À Jersey, déjà, son fils Charles avait ouvert un atelier de photographie, dont l’écrivain a été le principal sujet.
Car rien de visible ou d’invisible ne semble échapper à son oeil. À commencer par la maison elle-même. « Cette maison faite par lui avec la patience d’un imagier de cathédrale gothique et la fantaisie extrême-orientale de son pinceau, mystérieuse maison où chaque meuble, chaque bibelot presque, porte l’empreinte de sa griffe », écrivait son petit-fils Georges Hugo dans un livre qu’il lui avait consacré.
Plus que personne peut-être, « homme océan », il incarne une sorte de « totalité » artistique dont témoigne avec éloquence Victor Hugo, le forçat des lettres, récit biographique d’Agnès Sandras, historienne et conservatrice à la Bibliothèque nationale de France (BNF). Le récit d’Agnès Sandras s’appuie sur les grands moments de cet immense artiste au destin exceptionnel et puise dans le très riche fonds d’archives et d’iconographie dont dispose l’institution : photographies, manuscrits, tableaux, caricatures.
Auteur de plus de 4000 dessins, qui resteront intimes dans leur presque totalité de son vivant, Hugo le romantique avait un faible pour les paysages marins, les visions apocalyptiques, les mers démontées et les silhouettes de ruines. À preuve, tous ces magnifiques lavis à l’encre rehaussés souvent à la gouache, à l’aquarelle ou au café (!). À la fois témoin et acteur, incarnation de son temps et apôtre du progrès, l’auteur des Travailleurs de la mer a su habilement se mettre en scène, montre bien Agnès Sandras, alimentant sa propre imagerie.
Pourrait-on aujourd’hui partager l’enthousiasme et la confiance en l’avenir dont témoignait Victor Hugo en son temps ? Dans « Lux », par exemple, dernier poème des Châtiments (1853) : « Temps futurs ! vision sublime ! » Ou encore : « Le progrès, ténébreuse abeille, fait du bonheur avec nos maux. »
Un voyage fascinant sur les pas d’un homme et d’un écrivain qui, d’une certaine façon, résume luimême son siècle.
« En vous retirant de tout, on vous a tout donné ; tout est permis à qui tout est défendu ; vous n’êtes plus contraint d’être académique et parlementaire ; vous avez la redoutable aisance du vrai, sauvagement superbe croyait Victor Hugo