Nommer pour aimer

donc, on affine notre souci du monde et notre prise de soins. C’est vrai pour les adultes, et particulièrement tangible avec les enfants. Depuis peu, les miens savent beaucoup mieux aimer les identités de ce qui pousse autour d’eux, que ce soient les arbres, les plantes, les fleurs ou les petites baies. Ils portent une attention plus précise au vivant. Et je sais que cette attention va durer, qu’elle est là pour toujours. »

Pour permettre aux plus jeunes de s’approprier le livre, de découvrir par eux-mêmes, l’autrice et l’illustratrice l’ont conçu comme un guide, sans le côté scolaire. Ainsi, chaque fleur, bien que portée par un visage humain et une illustration hautement poétique, est facilement reconnaissable.

Anaïs Barbeau-Lavalette offre également une identité et une voix unique à chaque spécimen à travers ses textes. « J’ai eu envie de me faire plaisir et de me mettre dans leur peau. En étudiant les fleurs, tu comprends rapidement qu’il existe des rebelles et des guerrières, des guérisseuses et des reines délicates. Évidemment, c’est une projection, mais elles ont toutes leur personnalité. J’ai aussi choisi d’en faire des femmes-fleurs. C’est tellement rare qu’une femme va parler au “je” pour ce qu’elle est dans toute sa candeur et sans filtre. Ça m’a inspirée. »

En guise de révolte contre l’indifférence généralisée qui nous unit à la nature, l’écrivaine offre à la fin de son livre une recette de bombes de semences à lancer dans les terrains vagues, les craques de trottoir, les cours arrière, les parcs et les ruelles pour faire fleurir le béton et recolorer le monde de joies immortelles.

« Je rêve de former de petites armées, affirme l’artiste en riant. Je crois beaucoup en la puissance et en l’intelligence de l’espoir. On a l’impression que l’espoir, c’est paresseux. Or, c’est courageux de résister par la joie et la beauté. Mais pour résister de façon très concrète, je pense qu’il faut tirer un peu vers la rébellion. »