Porto, de haut en bas
« Dieu écrit droit avec des lignes courbes », dit le proverbe portugais. C’est encore plus vrai dans la deuxième ville du pays, qui, comme son vin, délicatement fruité, se savoure à toutes petites gorgées.
Elle s’offre totalement à vous du haut de la Torre do Clérigos, tour baroque du XVIIIe siècle qui servait de phare pour les navires entrant au port. Après 162 marches, petites et étroites, vous y êtes : 76 mètres plus bas, la ville s’étale le long de son fleuve avec son vieux quartier populaire de la Ribeira, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Tels des bandeiras (drapeaux), sur les rambardes des balcons de maisons souvent délabrées aux couleurs pastel, le linge des Portuenses, familièrement appelés Tripeiros, pend.
Ali Baba de portos
Au pied de la tour, la rue de l’Assunção fait défiler ses boutiques de souvenirs et une caverne d’Ali Baba de portos. « C’est la seule de la rue qui en vend. Nous avons entre 5000 et 7000 bouteilles. La plus chère date de 1963 et coûte 6500 euros [environ 9400 dollars canadiens] », dit fièrement Fabio Neves, 40 ans.
Cela fait vingt ans qu’il est derrière son comptoir et il sait de quoi il parle. « Le porto que nous connaissons aujourd’hui, nous le devons à un marchand anglais du XVIIIe siècle. Il avait acheté une barrique de vin dans la vallée du Douro. Son tonneau avait mal digéré le voyage en mer vers son pays. Il mit alors dans sa piquette de l’eaude-vie : le porto venait de naître ! »
Vrai ou faux ? Peu importe, il y a toujours un peu de vrai dans les mythes. Par exemple, la magnifique librairie Lello. Avec son architecture néogothique, c’est l’une des plus visitées au monde. Pourquoi ? Elle aurait inspiré à J. K. Rowling sa saga Harry Potter.
La romancière britannique a bien vécu à Porto au début des années 1990. Y a pris époux, mais n’a jamais mis les pieds dans la librairie. Contrairement aux 200 visiteurs qui y entrent toutes les 30 minutes.
« Elle ne soupçonnait même pas son existence ! » soutient Flavio Miller, l’un des nombreux guides de la librairie qui croule sous toutes sortes de livres. Peu importe, les mythes ont la peau dure et la livraria, inaugurée en 1906, aussi connue sous le nom de Chardron, vaut le détour à condition d’être patient. Patient, il faut l’être aussi pour entrer au café Majestic de la rua de Santa Cataria. Cette fois, c’est vrai : J. K. Rowling passait des heures dans ce café avec ses grands miroirs, ses sculptures en plâtre et ses luminaires en métal travaillé, le tout style Belle Époque.
Après un francesinha, plat emblématique de Porto composé de saucisse, de jambon et de viande de boeuf notamment, arrosé d’une petite bière pour faire passer les 1500 calories avalées d’un coup, un bateau vous attend.
Il vous fait passer sous les six ponts de la ville, surtout celui de Dom Luis, construit au XIXe siècle par un disciple de Gustave Eiffel, et lui aussi inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il relie Porto à Villa Nova de Gaia, où sont amarrés les barcos rabelos, ces bateaux d’une vingtaine de mètres qui ont longtemps transporté des barriques de vin.
L’été, sur le tablier inférieur du pont, emblème de la ville, des gamins s’élancent d’une dizaine de mètres pour ramasser au fond du fleuve quelques piécettes jetées par les touristes en mal de sensation.
Comme des sardines
Dans la « croisière » de 50 minutes sous les six ponts, vous serez tassés comme des sardines. Une autre croisière s’offre à vous. Elle dure dix heures et vous permet de découvrir le Douro dans toute sa splendeur avec ses flots tumultueux, ses vignobles escarpés en terrasses et ses nombreux villages endormis.
Plus simplement, vous pouvez marcher une petite heure le long de la promenade qui longe le fleuve. Plus de grimpette ! En ligne droite, vous vous éloignez de l’atmosphère citadine pour déboucher sur l’Atlantique avec le phare de Felgueiras et des vagues assez hautes pour vous surprendre.
Mais les lames les plus gigantesques au monde se trouvent à Nazaré, paradis des surfeurs, situé à 215 kilomètres au sud de Porto.
« Porto est une ville très agréable. J’aime surtout le mélange de paysages côtiers océaniques et fluviaux », explique le géologue Alexandre Lima. J’aime aussi le patrimoine culturel et les gens vrais et chaleureux de ma ville. »
Porto a enfin rejoint Lisbonne, sa grande rivale, sur la liste des 100 villes les plus visitées au monde (Montréal et Québec n’y sont pas, contrairement à Vancouver et à Toronto).
De retour dans le lacis des ruelles qui grimpent et descendent, les clochers d’une vingtaine d’églises vous servent souvent de repère et vous finissez toujours par vous retrouver devant la cathédrale de Porto.
L’église-forteresse du XIIe siècle de style roman se trouve à quelques encablures des meilleurs endroits où le fado de la diva Amalia Rodrigues (1920-1999) s’incarne tous les soirs dans d’autres voix, toujours pour exprimer la difficulté de vivre, le chagrin, la saudade.
Trois jours à Porto et un air de délicieuse nostalgie…
« Porto est une ville très agréable. J’aime surtout le mélange de paysages côtiers océaniques et fluviaux. »