Les finances personnelles des Québécois sous pression
La hausse du coût de la vie et la remontée des taux d’intérêt exercent une pression sur les finances personnelles des ménages québécois. Alors qu’un ralentissement économique se profile, doivent-ils craindre que la situation empire ?
Malgré les hausses récentes du principal taux directeur de la Banque du Canada, passé de 0,25 % à 5,00 % entre mars 2022 et juillet 2023, l’inflation s’entête. Au Québec, l’indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 4,2 % en octobre par rapport au même mois l’an dernier, soit plus que la moyenne canadienne de 3,1 %. Le coût du logement a progressé de 9,1 % au Québec et le prix des denrées alimentaires continue sa montée.
« Les salaires n’ont pas augmenté à un rythme qui permet un rattrapage complet du pouvoir d’achat perdu en raison de l’inflation, et c’est difficile de penser qu’ils le feront en 2024 », note Pierre-Carl Michaud, professeur à HEC Montréal et titulaire de la Chaire de recherche Jacques-Parizeau en politiques économiques.
Ralentissement économique
D’autant que le ciel économique du Québec s’assombrit un peu. Dans sa plus récente mise à jour, le ministre des Finances, Eric Girard, estimait que la croissance en 2024 se rapprocherait plus du 0,7 % que du 1,4 % de ses prévisions précédentes. Les finances publiques pourraient s’en ressentir.
Cette mise à jour ne comportait d’ailleurs pas de nouveaux chèques destinés aux particuliers aux prises avec la hausse du coût de la vie. « Le gouvernement a maintenu l’indexation du régime d’imposition, ce qui évite au moins de voir l’impôt des contribuables augmenter », souligne Pierre-Carl Michaud. Accompagnées d’une indexationdes prestations d’aide sociale, ces mesures correspondent à un montant moyen supplémentaire de 282 dollars qui restent dans les poches du contribuable.
Le gouvernement provincial consacrera en outre 1,8 milliard de dollars pendant cinq ans à la construction de 8000 nouveaux logements sociaux et abordables et aidera certains ménages à se loger. Le 21 novembre, le gouvernement a également annoncé une augmentation de 4,4 % des rentes du Régime de rentes du Québec.
De son côté, le gouvernement fédéral octroie dans sa mise à jour du 21 novembre dernier un financement de 15 milliards de dollars supplémentaires pour bâtir des logements locatifs, en plus d’un milliard sur trois ans pour des projets de logements abordables. Des mesures qui entreront en vigueur en 2025-2026. Il a aussi créé une « charte hypothécaire canadienne », qui vise à alléger le fardeau hypothécaire des propriétaires en difficulté.
Tension sur les dettes
Louis Lévesque, président du Comité des politiques publiques de l’Association des économistes québécois, souligne que le contexte actuel affecte de manière bien différente les emprunteurs et les épargnants. « La hausse des taux d’intérêt augmente les paiements hypothécaires et le coût de la dette, mais fait aussi grimper les rendements des placements sécuritaires », explique-t-il. Soudainement, les certificats de placement garantis et les obligations reviennent à la mode.
Bien sûr, on doit relativiser cette hausse des rendements par rapport à l’inflation. Un placement qui offre 4,5 % d’intérêt par année, lorsque l’inflation dépasse 4 %, permet à peine de protéger son pouvoir d’achat. « Cependant, ceux qui achètent aujourd’hui des titres qui procurent ces rendements sur plusieurs années pourraient éventuellement être gagnants si l’inflation se résorbe et que les taux d’intérêt redescendent », précise Louis Lévesque.
À l’inverse, les marchés financiers pâtissent de la hausse des taux d’intérêt et des incertitudes économiques, liées notamment aux tensions géopolitiques comme les guerres en Ukraine et dans la bande de Gaza et la rivalité entre les États-Unis et la Chine. En 2022, le principal indice boursier américain, le S&P 500, avait perdu environ 20 % de sa valeur, alors que l’indice canadien S&P TSX avait cédé plus de 8 %. En date du 21 novembre 2023, l’indice américain avait rattrapé son retard (+19 %), mais au Canada, la reprise restait lente (+3,6 %).
Trop de dettes
Si la hausse des taux d’intérêt a fait si mal, c’est que les Canadiens et les Québécois sont très endettés. « C’est vraiment le plus gros souci, selon moi, avance Pierre-Carl Michaud. On joue avec le feu. »
En 2022, l’endettement représentait 187 % du revenu disponible des ménages canadiens, comparativement à 100 % en Allemagne et à 102 % aux États-Unis. Entre septembre 2022 et septembre 2023, le nombre de dossiers d’insolvabilité déposés par des consommateurs québécois a grimpé de 10,7 %, selon le Bureau du surintendant des faillites.
Dans ce contexte, juguler l’inflation devient impératif. « À moyen terme, une trop forte inflation n’est bonne ni pour le gouvernement, ni pour les entreprises, ni pour les particuliers », conclut Pierre-Carl Michaud.