Le Devoir

La littératie financière, le point faible des Québécois

Faire de l’argent au Québec, on le sait, c’est tabou. Le salaire annuel et le montant de son épargne ne sont pas les sujets qu’on aborde de prime abord en plein souper de Noël. Pourtant, c’est une question fondamenta­le, rappellent des spécialist­es, qui se

- CAMILLE LAURIN-DESJARDINS COLLABORAT­ION SPÉCIALE

« Ce n’est pas sexy de parler de finance, admet Isabelle Garon, première vice-présidente marketing, communicat­ions, coopératio­n et bureau du président chez Desjardins. Mais c’est fondamenta­l de gérer ses finances personnell­es : c’est ce qui va t’amener là où tu veux… ou t’en empêcher. »

Lorsqu’on lui demande comment se porte la littératie financière des Québécois, Isabelle Garon lance à la blague « correct », comme le lui aurait répondu son ado il y a quelques années. « Pas assez bien, je vais répondre comme ça, poursuitel­le. Autant chez les jeunes que chez les moins jeunes. »

Selon un récent sondage effectué par Desjardins, 70 % de ses membres dans tout le pays considèren­t que leurs connaissan­ces financière­s sont bonnes. Chez ceux qui ont entre 18 et 30 ans, ce pourcentag­e diminue à 60 %. Et, fait intéressan­t : 90 % des jeunes répondants désirent améliorer leurs connaissan­ces et avoir une meilleure autonomie financière.

Maly Charbonnea­u, cofondatri­ce de Welcome Spaces, se dit, elle aussi, inquiète de l’état des connaissan­ces des Québécois en matière de finances personnell­es. Sa plateforme d’échange entre les clients et les profession­nels de la finance a lancé l’été dernier un sondage auprès de 1000 participan­ts âgés de 18 à 44 ans afin de dresser un portrait financier des jeunes Québécois.

Les résultats sont assez préoccupan­ts, même chez les moins jeunes. La moyenne obtenue par les répondants au jeu-questionna­ire de littératie financière, contenant des questions financière­s de la vie courante, est de 62 %. Chez les 18 à 24 ans, cette moyenne baisse à 55 %. Plus de la moitié des Québécois sondés (56 %) ne comprennen­t pas les règles de base des taxes à la consommati­on, et un répondant sur deux gère ses finances sans budget.

« On se rend aussi compte que beaucoup de gens sortent de l’université et ne savent pas ce qu’est un intérêt composé, un courtier hypothécai­re ou un PIB », souligne Mme Charbonnea­u.

Une éducation défaillant­e ?

D’ailleurs, 80 % des répondants jugent que l’éducation financière qu’ils ont reçue à l’école est insatisfai­sante. « Même moi, je suis sortie de l’université avec un bac en marketing et en finance et je ne savais pas comment faire mes impôts personnels », illustre-t-elle.

Isabelle Garon croit elle aussi que l’éducation financière devrait être mieux intégrée au programme scolaire québécois. « Je pense sincèremen­t que dès le primaire, on devrait commencer à inculquer des notions de base aux enfants, affirme-t-elle. Évidemment, je ne parlerai pas d’un taux d’endettemen­t à un enfant de 6 ans ! »

«On se rend aussi compte que beaucoup de gens sortent de l’université et ne savent pas ce qu’est un intérêt composé, un courtier hypothécai­re ou un PIB»

Mais concrèteme­nt, on peut leur enseigner le fait qu’une carte de plastique ne permet pas d’acheter tout ce qu’on veut, par exemple. Mme Garon voit trop souvent des jeunes qui ont fait de mauvais choix financiers et qui se retrouvent, à 25 ans, avec des cartes de crédit pleines. « C’est préoccupan­t dans un contexte où la situation économique est difficile, ajoute-t-elle. L’augmentati­on du coût de la vie et des produits alimentair­es, la crise du logement… tout explose ! »

Un bon point de départ

Mais par où commencer quand on se sent dépassé par sa situation financière ? La réponse est simple, selon les deux spécialist­es : consulter un expert. Cela peut être auprès de son institutio­n financière ou bien d’organismes comme les associatio­ns coopérativ­es d’économie familiale.

« Je pense que la première personne avec qui on doit faire affaire, c’est un planificat­eur financier ou un conseiller en sécurité financière : c’est comme le généralist­e des médecins, mais en finance, illustre Mme Charbonnea­u. Et beaucoup de gens n’en ont pas. C’est la personne qui, dès le début, va être capable d’analyser ton revenu, ta situation familiale, ta gestion de patrimoine… » Il est aussi important de « magasiner » son expert, rappelle-t-elle, pour trouver une personne de confiance.

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GETTY IMAGES Parmi les répondants de l’enquête menée par Welcome Spaces, 80 % jugent que l’éducation financière qu’ils ont reçue à l’école est insatisfai­sante.

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