Le Devoir

VIA Rail réclame des milliards pour assurer la survie de son réseau

Le vieillisse­ment des voitures de train menace la qualité du service partout au pays, sauf entre Québec et Windsor

- ZACHARIE GOUDREAULT LE DEVOIR

La société d’État VIA Rail réclame des milliards de dollars à Ottawa afin de remplacer des voitures de train en fin de vie qui effectuent des trajets à l’échelle du pays, sauf à l’intérieur du corridor Québec-Windsor, dont la pérennité est protégée. Car si rien n’est fait, la qualité du service offert d’Halifax jusqu’à Vancouver pourrait rapidement se dégrader, prévient l’organisme.

C’est lors d’une rare incursion des médias au sein du centre de maintenanc­e de VIA Rail à Montréal que la société a fait part de ses demandes au gouverneme­nt fédéral, dont le budget 20242025 est attendu dans les prochaines semaines. Tout en faisant découvrir aux journalist­es le processus d’entretien des voitures de train du siècle dernier au cours d’une visite d’une heure, des représenta­nts ont expliqué avoir besoin d’obtenir rapidement des milliards de dollars de la part d’Ottawa afin de lancer un appel d’offres visant le remplaceme­nt des voitures qui réalisent de nombreux trajets entre Halifax et Québec, de même qu’entre Toronto et Vancouver.

Cela sans compter les trajets régionaux en direction et en provenance de secteurs plus isolés qu’assure la société d’État dans différente­s provinces, qui sont aussi desservies actuelleme­nt par ces trains, dont les voitures sont âgées de 74 ans en moyenne.

« Quand on parle de voitures qui ont fait de longues distances, toutes [celles] que vous voyez aujourd’hui on fait l’équivalent de 195 fois le tour du monde », a affirmé jeudi le directeur des communicat­ions pour VIA Rail, Jean-Vincent Lacroix. Ce dernier a précisé que malgré les « miracles » qui sont faits au quotidien dans les centres d’entretien afin de maintenir les appareils en état de fonctionne­r, ceux-ci ont largement dépassé leur durée de vie normale, qui est de 25 ans.

Ainsi, si ces voitures ne sont pas remplacées rapidement, la qualité du service de train de passagers offert sur une distance de 10 000 kilomètres au Canada pourrait se dégrader de façon « exponentie­lle » dans les prochaines années, appréhende M. Lacroix. Il n’a pas voulu détailler les demandes financière­s qui ont été effectuées dans les derniers mois auprès du gouverneme­nt fédéral afin de ne pas influencer l’appel d’offres que l’organisme espère être en mesure de lancer cette année.

Le directeur des communicat­ions précise néanmoins qu’une fois cet appel d’offres lancé, il faudra patienter 10 ans avant que toutes les voitures réclamées soient livrées. Or, l’organisme estime pouvoir entretenir ses voitures existantes uniquement jusqu’en 2035, leur viabilité ne pouvant être étirée au-delà de cette date. Le temps presse, donc, pour qu’il obtienne le « feu vert » réclamé à Ottawa, a-t-il laissé entendre.

« Si on n’est pas capable de lancer ce processus d’appel d’offres, les impacts sur le service vont se faire ressentir au cours des prochaines années », prévient M. Lacroix, qui ajoute qu’en 2035, « si aucun remplaceme­nt ne se fait, ce sera la fin des liaisons longue distance [par train] au Canada ».

Une fréquence réduite

En fait, les effets du vieillisse­ment de la flotte de trains de VIA Rail se font déjà sentir : le nombre de voitures desservant l’ensemble du pays sur des trajets longue distance — à l’exception du corridor reliant Québec et Windsor, en Ontario, qui a bénéficié en 2018 d’un soutien financier de 1,5 milliard de dollars du fédéral destiné au remplaceme­nt de la flotte — est passé de plus de 200 en 2019 à 175 qui sont fonctionne­lles aujourd’hui. Il en résulte que des trains moins longs desservent déjà certaines destinatio­ns, ce qui réduit le nombre de passagers pouvant être accueillis à bord. La fréquence des trains a par ailleurs déjà diminué pour certains trajets, a expliqué jeudi André Bouchard, vice-président aux services mécaniques pour VIA Rail.

« Ça nous a obligés à couper certains services dans l’ouest du pays et certaines fréquences en raison de la réduction du nombre de voitures », a confié M. Bouchard. Ainsi, des circuits desservant par exemple Senneterre, en AbitibiTém­iscamingue, ou encore Churchill, au Manitoba, pourraient pâtir du manque de voitures anticipé par VIA Rail. « Ce sont certains services qui pourraient ne plus être viables pour les Canadiens parce qu’on n’aura plus assez de voitures », prévient M. Bouchard.

Transports Canada n’avait pas répondu aux questions du Devoir au moment où ces lignes étaient écrites.

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR C’est lors d’une rare incursion des médias au sein du centre de maintenanc­e de VIA Rail à Montréal que la société d’État a fait part de ses demandes à Ottawa.

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