Des exilés russes orphelins de Navalny
Pour les très nombreux opposants russes qui ont dû fuir leur pays, Alexeï Navalny donnait le la. Passé le choc de sa mort, ils tentent de se réorganiser et de poursuivre avec sa veuve, Ioulia, la mobilisation contre le pouvoir de Vladimir Poutine.
« Nous allons pleurer dans nos chambres, dans nos salles de bains, mais publiquement, nous allons évidemment continuer de nous battre contre le régime, avec tous les moyens à notre disposition », déclare à l’AFP Evgueni Nasyrov, coordonnateur du mouvement de Navalny en Allemagne.
« C’est l’objectif de Poutine que nous perdions notre motivation et nous dispersions », ajoute le militant, qui a quitté la Russie peu avant l’invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022.
Largement exilée, cette opposition continue de faire son possible : pour l’élection présidentielle russe du 15 au 17 mars, elle a appelé ceux qui votent contre Poutine à se rendre tous aux bureaux de vote à midi le 17 mars, alors que les autorités répriment férocement toute forme de critique.
Au-delà de ces actions, la cohésion de cette opposition pose problème. Jusqu’à présent, seule l’organisation de Navalny forme un courant structuré, ayant réussi à bâtir un mouvement antiPoutine crédible avant d’être anéanti par la répression. Mais ce groupe fait cavalier seul face à un assemblage de personnalités disparates dont le seul point commun est d’être contre l’invasion de l’Ukraine et le régime russe.
« Ioulia a tout changé »
Parmi ces figures, Marat Guelman, un galeriste russe renommé, critique du Kremlin, décrit des montagnes russes émotionnelles depuis la mort de l’opposant en prison. « J’ai d’abord pensé qu’il fallait arrêter de penser à la Russie, se concentrer sur son travail, réfléchir à comment organiser une nouvelle vie. »
Puis l’espoir est revenu, notamment grâce à l’annonce choc de Ioulia Navalnaïa, trois jours après la mort de son mari, qui s’est dite prête à reprendre le flambeau.
« Ioulia a tout changé », affirme M. Guelman, désormais installé à Berlin, qui assure même que Mme Navalnaïa saura rassembler encore davantage que son mari.
Elle est, selon lui, la femme de la situation. « Le machisme de Poutine fonctionne bien face aux hommes, mais face à une femme, il ne fonctionne plus. Le visage de la Russie antiguerre doit être celui d’une femme. »