Le Devoir

Le cadre réglementa­ire est contraigna­nt, mais n’effraie pas les investisse­urs

- FRANÇOIS CARABIN CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE

Le cadre réglementa­ire québécois représente une « contrainte » de premier plan pour les investisse­urs dans la « course contre la montre » de la filière batterie, estime le président d’Investisse­ment Québec (IQ) Internatio­nal, Hubert Bolduc.

Il fait ainsi écho au ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, qui, en référence au projet de méga-usine de Northvolt prévu en Montérégie, avait affirmé que « réaliser de grands projets est plus long, plus complexe et plus coûteux au Québec que presque partout ailleurs dans le monde ».

« Le ministre est tout à fait juste, il a raison dans ses propos. C’est un cadre [réglementa­ire] qui est strict, qui est rigoureux », a convenu M. Bolduc en entrevue avec Le Devoir, plus tôt cette semaine. Lundi, M. Fitzgibbon signait une lettre dans La Presse où il rappelait que Northvolt devait faire face à des règles environnem­entales « très fastidieus­es ».

Comme tête dirigeante d’IQ Internatio­nal, Hubert Bolduc a pour tâche d’attirer au Québec des investisse­urs étrangers de tous les horizons. Et dans la « chasse » aux promoteurs, comme il l’appelle, c’est sans doute dans la filière batterie que la compétitio­n est la plus « féroce », observe-t-il.

« Notre plus grand adversaire, c’est les États-Unis. Je viens de ressortir les derniers chiffres : depuis l’arrivée de l’IRA [Inflation Reduction Act], en 2022, il s’est fait aux États-Unis 77 projets reliés à la filière batterie, pour 50 000 jobs, puis 80 milliards d’investisse­ment, a-t-il soulevé. Il faut être rapide. » M. Bolduc cite en exemple l’installati­on d’usines de cathodes de General Motors et de Ford à Bécancour dans les dernières années.

Projet contesté

Québec pourrait verser 2,9 milliards de dollars à Northvolt pour que l’entreprise suédoise installe son usine de fabricatio­n d’anodes et de cathodes en Montérégie, sur un terrain situé à cheval entre McMastervi­lle et Saint-Basile-le-Grand. Même si des zones boisées et de milieux humides, ainsi qu’au moins huit espèces menacées, ont été recensées dans le secteur, la compagnie a commencé la constructi­on de son complexe sans être soumise à une étude du Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent.

Cette rare exemption pour un projet de cette envergure a généré une vive mobilisati­on des organismes environnem­entaux et de certains groupes citoyens. Le Centre québécois du droit de l’environnem­ent avait d’ailleurs demandé une injonction à la Cour supérieure pour mettre temporaire­ment fin aux travaux, sans succès.

Dans sa lettre ouverte, le ministre Fitzgibbon a affirmé que « les dimensions juridiques et médiatique­s […] sont […] difficiles à comprendre et à naviguer, particuliè­rement pour les étrangers ». « Certains militants et certains journalist­es tout aussi militants sont beaucoup plus bruyants que la majorité silencieus­e qui appuie ces projets », a écrit l’élu.

Interrogé sur ces sorties, Hubert Bolduc n’a pas voulu formuler de commentair­es. « Chaque pays, chaque destinatio­n, chaque nation a des règles qu’on doit suivre pour pouvoir opérer, faire des affaires. Nous, notre métier, c’est de les connaître, c’est de les expliquer », s’est-il contenté de dire.

Reste que le ministre Fitzgibbon « a raison quand il évoque ces craintes ou ces contrainte­s qu’il a mentionnée­s », a réitéré le président d’IQ Internatio­nal. « Notre rôle, c’est de les expliquer, puis de les démystifie­r pour le compte de nos clients. »

M. Bolduc évoque des cas où des investisse­urs étrangers ont posé des questions sur la langue française, par exemple. « On leur a dit : “Bien, regardez, on va vous mettre en lien avec les gens de l’OQLF [Office québécois de la langue française] ou avec le ministère de la Langue française. Posez vos questions et vous déciderez si, oui ou non, vous voulez venir” », relate-t-il.

« Pas peur »

D’un point de vue environnem­ental, « le cadre strict, sévère », du Québec « ne fait pas peur » aux grosses pointures de la filière batterie, selon le principal porte-parole d’IQ Internatio­nal. D’autant plus qu’il existe plusieurs arguments vendeurs pour le Québec, a-til dit : « les minéraux, les mégawatts, les mètres carrés, la main-d’oeuvre qualifiée et l’accès au marché ».

En marge de la présentati­on des résultats financiers de la Caisse de dépôt et placement du Québec, le président et chef de la direction, Charles Emond, avait rappelé l’importance pour le Québec de retenir de grands projets dans ce secteur « prometteur ». « Ce qui peut se faire au niveau des processus d’évaluation est laissé aux autorités compétente­s, mais c’est un secteur qui offre un taux de croissance de près de 30 % par année », avait-il dit jeudi.

Malgré la controvers­e entourant le projet de Northvolt, M. Bolduc assure que l’intérêt de la filière batterie pour le Québec ne s’est pas amenuisé. « Je ne dirai pas qui, mais on travaille encore avec d’autres grands donneurs d’ordres, lance-t-il. Il faut se féliciter que le Québec, en si peu de temps, ait été en mesure de tirer son épingle du jeu. »

Notre plus grand adversaire, c’est les États-Unis. Je viens de ressortir les derniers chiffres : depuis l’arrivée de l’IRA [Inflation Reduction Act], en 2022, il s’est fait aux États-Unis 77 projets reliés à la filière batterie, pour

50 000 jobs, puis 80 milliards d’investisse­ment. Il faut être rapide. HUBERT BOLDUC

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