Le cadre réglementaire est contraignant, mais n’effraie pas les investisseurs
Le cadre réglementaire québécois représente une « contrainte » de premier plan pour les investisseurs dans la « course contre la montre » de la filière batterie, estime le président d’Investissement Québec (IQ) International, Hubert Bolduc.
Il fait ainsi écho au ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, qui, en référence au projet de méga-usine de Northvolt prévu en Montérégie, avait affirmé que « réaliser de grands projets est plus long, plus complexe et plus coûteux au Québec que presque partout ailleurs dans le monde ».
« Le ministre est tout à fait juste, il a raison dans ses propos. C’est un cadre [réglementaire] qui est strict, qui est rigoureux », a convenu M. Bolduc en entrevue avec Le Devoir, plus tôt cette semaine. Lundi, M. Fitzgibbon signait une lettre dans La Presse où il rappelait que Northvolt devait faire face à des règles environnementales « très fastidieuses ».
Comme tête dirigeante d’IQ International, Hubert Bolduc a pour tâche d’attirer au Québec des investisseurs étrangers de tous les horizons. Et dans la « chasse » aux promoteurs, comme il l’appelle, c’est sans doute dans la filière batterie que la compétition est la plus « féroce », observe-t-il.
« Notre plus grand adversaire, c’est les États-Unis. Je viens de ressortir les derniers chiffres : depuis l’arrivée de l’IRA [Inflation Reduction Act], en 2022, il s’est fait aux États-Unis 77 projets reliés à la filière batterie, pour 50 000 jobs, puis 80 milliards d’investissement, a-t-il soulevé. Il faut être rapide. » M. Bolduc cite en exemple l’installation d’usines de cathodes de General Motors et de Ford à Bécancour dans les dernières années.
Projet contesté
Québec pourrait verser 2,9 milliards de dollars à Northvolt pour que l’entreprise suédoise installe son usine de fabrication d’anodes et de cathodes en Montérégie, sur un terrain situé à cheval entre McMasterville et Saint-Basile-le-Grand. Même si des zones boisées et de milieux humides, ainsi qu’au moins huit espèces menacées, ont été recensées dans le secteur, la compagnie a commencé la construction de son complexe sans être soumise à une étude du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement.
Cette rare exemption pour un projet de cette envergure a généré une vive mobilisation des organismes environnementaux et de certains groupes citoyens. Le Centre québécois du droit de l’environnement avait d’ailleurs demandé une injonction à la Cour supérieure pour mettre temporairement fin aux travaux, sans succès.
Dans sa lettre ouverte, le ministre Fitzgibbon a affirmé que « les dimensions juridiques et médiatiques […] sont […] difficiles à comprendre et à naviguer, particulièrement pour les étrangers ». « Certains militants et certains journalistes tout aussi militants sont beaucoup plus bruyants que la majorité silencieuse qui appuie ces projets », a écrit l’élu.
Interrogé sur ces sorties, Hubert Bolduc n’a pas voulu formuler de commentaires. « Chaque pays, chaque destination, chaque nation a des règles qu’on doit suivre pour pouvoir opérer, faire des affaires. Nous, notre métier, c’est de les connaître, c’est de les expliquer », s’est-il contenté de dire.
Reste que le ministre Fitzgibbon « a raison quand il évoque ces craintes ou ces contraintes qu’il a mentionnées », a réitéré le président d’IQ International. « Notre rôle, c’est de les expliquer, puis de les démystifier pour le compte de nos clients. »
M. Bolduc évoque des cas où des investisseurs étrangers ont posé des questions sur la langue française, par exemple. « On leur a dit : “Bien, regardez, on va vous mettre en lien avec les gens de l’OQLF [Office québécois de la langue française] ou avec le ministère de la Langue française. Posez vos questions et vous déciderez si, oui ou non, vous voulez venir” », relate-t-il.
« Pas peur »
D’un point de vue environnemental, « le cadre strict, sévère », du Québec « ne fait pas peur » aux grosses pointures de la filière batterie, selon le principal porte-parole d’IQ International. D’autant plus qu’il existe plusieurs arguments vendeurs pour le Québec, a-til dit : « les minéraux, les mégawatts, les mètres carrés, la main-d’oeuvre qualifiée et l’accès au marché ».
En marge de la présentation des résultats financiers de la Caisse de dépôt et placement du Québec, le président et chef de la direction, Charles Emond, avait rappelé l’importance pour le Québec de retenir de grands projets dans ce secteur « prometteur ». « Ce qui peut se faire au niveau des processus d’évaluation est laissé aux autorités compétentes, mais c’est un secteur qui offre un taux de croissance de près de 30 % par année », avait-il dit jeudi.
Malgré la controverse entourant le projet de Northvolt, M. Bolduc assure que l’intérêt de la filière batterie pour le Québec ne s’est pas amenuisé. « Je ne dirai pas qui, mais on travaille encore avec d’autres grands donneurs d’ordres, lance-t-il. Il faut se féliciter que le Québec, en si peu de temps, ait été en mesure de tirer son épingle du jeu. »
Notre plus grand adversaire, c’est les États-Unis. Je viens de ressortir les derniers chiffres : depuis l’arrivée de l’IRA [Inflation Reduction Act], en 2022, il s’est fait aux États-Unis 77 projets reliés à la filière batterie, pour
50 000 jobs, puis 80 milliards d’investissement. Il faut être rapide. HUBERT BOLDUC