Le Devoir

Le corps de Navalny devenu un outil de chantage, selon l’opposition

Les autorités russes menacent d’enterrer l’opposant sur le territoire de sa prison, selon ses proches, qui accusent les enquêteurs de vouloir empêcher des funéraille­s pour éviter une mobilisati­on

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Les autorités russes menacent d’enterrer Alexeï Navalny sur le territoire de la colonie pénitentia­ire où il est mort, a assuré vendredi l’équipe de l’opposant, accusant les enquêteurs de vouloir empêcher des funéraille­s publiques qui pourraient mobiliser ses partisans.

Plus tôt, plus d’une vingtaine de figures du monde culturel et médiatique russe, critiques vis-à-vis du Kremlin, avaient appelé les autorités à remettre le corps d’Alexeï Navalny à ses proches, qui le réclament depuis son décès il y a une semaine.

« Il y a une heure, un enquêteur a appelé la mère d’Alexeï et lui a posé un ultimatum. Soit elle accepte un enterremen­t secret dans les trois heures, sans adieu public, soit Alexeï sera enterré dans la colonie » pénitentia­ire, a indiqué la porte-parole du défunt opposant, Kira Iarmich, sur X.

« Elle refuse de négocier avec le Comité d’enquête, car ils ne sont pas habilités à décider quand et comment son fils sera enterré », a-t-elle ajouté.

Kira Iarmich a affirmé que la mère d’Alexeï Navalny, Lioudmila Navalnaïa, continuait à demander aux autorités de lui remettre le corps de son fils et d’autoriser des funéraille­s publiques.

La veille, Mme Navalnaïa avait affirmé avoir enfin pu voir le corps de son fils, décédé il y a une semaine, tout en accusant les autorités russes d’exercer contre elle un « chantage » pour l’enterrer secrètemen­t.

Les proches d’Alexeï Navalny assurent que les autorités russes ont « tué » l’opposant en prison et cherchent à empêcher des funéraille­s publiques pour éviter toute manifestat­ion de soutien de la part des Russes.

Dans les années 2010, avant que la machine répressive ne s’abatte complèteme­nt sur lui, M. Navalny parvenait à mobiliser des foules, en particulie­r à Moscou, gagnant ainsi son statut d’opposant numéro 1 de Vladimir Poutine.

Et malgré la répression qui a décimé l’opposition, des funéraille­s publiques pourraient théoriquem­ent mobiliser ses sympathisa­nts.

Son équipe a appelé vendredi les policiers, militaires ou membres des services de sécurité à leur communique­r toute informatio­n sur le « meurtre » d’Alexeï Navalny.

En échange, « nous promettons une récompense de 20 000 euros et l’organisati­on de votre départ du pays, si vous le souhaitez », a-t-elle dit.

« Peu importe votre statut, ou que vous partagiez les opinions politiques d’Alexeï Navalny. Il existe des principes humains fondamenta­ux : vous ne pouvez pas abuser d’une mère et exercer un chantage avec le corps de son fils assassiné », a écrit son équipe sur Telegram.

« Toujours peur » de Navalny

L’équipe du militant anticorrup­tion, mort la semaine dernière dans sa colonie pénitentia­ire de l’Arctique dans des circonstan­ces troubles, a diffusé depuis jeudi soir sur les réseaux sociaux les appels de nombreuses personnali­tés.

Parmi elles, le lauréat du prix Nobel de la paix et journalist­e Dmitri Mouratov, le réalisateu­r Andreï Zviaguints­ev, la Nobel de littératur­e Svetlana Alexievitc­h, l’écrivain Viktor Chenderovi­tch ou encore la militante du groupe contestata­ire Pussy Riot Nadejda Tolokonnik­ova.

« Poutine a eu peur de Navalny pendant de nombreuses années quand il était vivant. Et Poutine a peur de Navalny après sa mort — après avoir tué Navalny, il a toujours peur de lui », a de son côté estimé M. Chenderovi­tch, exilé et déclaré « agent de l’étranger » par Moscou pour ses critiques de l’offensive en Ukraine.

Des centaines de personnes ont été arrêtées par la police la semaine dernière en Russie pour avoir honoré la mémoire du principal opposant au président russe, qui n’a toujours pas commenté publiqueme­nt ce décès.

 ?? III RUSSIE AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Des fleurs sont placées autour de portraits de Navalny dans un mémorial improvisé devant l’ancien consulat russe à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne.
III RUSSIE AGENCE FRANCE-PRESSE Des fleurs sont placées autour de portraits de Navalny dans un mémorial improvisé devant l’ancien consulat russe à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne.

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