Le Devoir

La diversific­ation plutôt que l’or

- SANDY LACHAPELLE Planificat­rice financière, Sandy Lachapelle est présidente du cabinet indépendan­t Lachapelle finances intelligen­tes.

Si vous entendez quelqu’un dans votre entourage se vanter de son meilleur coup, c’est qu’il est peut-être déjà trop tard pour embarquer dans le train

Récemment, un homme septuagéna­ire a sollicité mes conseils en constatant que sa tolérance à la volatilité des marchés était devenue très faible. Il m’a confié avoir toujours pris des risques et accepté la volatilité des marchés, un compromis inévitable pour qui vise l’investisse­ment à long terme. Maintenant qu’il est âgé de 71 ans, il envisageai­t de vendre son portefeuil­le pour se réfugier dans l’achat d’or physique.

Il est vrai que l’or est une valeur refuge et qu’il s’agit d’un actif qui n’est pas corrélé aux marchés boursiers. Il est donc possible d’en atténuer les pertes potentiell­es lorsque ces derniers piquent du nez. Toutefois, cela ne signifie pas que l’or est exempt de toute volatilité. Si investir dans l’or représente un gain potentiel à long terme, ce placement ne génère aucun revenu, un élément qui est habituelle­ment requis à la retraite. Cela dit, le coeur de ma réticence trouve son origine dans un autre élément, encore plus fondamenta­l. Vouloir tout miser sur l’or va essentiell­ement à l’encontre d’un principe très simple en gestion de portefeuil­le, celui de la diversific­ation.

Ne jamais tout miser sur un actif ou un titre précis

Au tournant des années 2000, les titres technos avaient la cote. Ces 20 dernières années, il y a aussi eu l’engouement pour les sociétés canadienne­s de cannabis, les pharmaceut­iques — spécialeme­nt pendant la pandémie et qu’on avait d’immenses besoins en vaccins — et, bien sûr, la cryptomonn­aie. Il est vrai qu’il peut sembler alléchant de « miser gros » sur des titres ou des entreprise­s qui montent en flèche ou qui semblent afficher un bon potentiel de croissance.

Pour la majorité des investisse­urs en herbe, toutefois, ce genre de prédiction­s fonctionne rarement. Ça ressemble bien davantage à de la spéculatio­n qu’à de l’investisse­ment. Premièreme­nt, si vous entendez quelqu’un dans votre entourage se vanter de son meilleur coup, c’est qu’il est peut-être déjà trop tard pour embarquer dans le train. Peut-être achèterez-vous alors à un prix trop élevé, poussé par un engouement populaire qui ne vous servira pas. Même en achetant très tôt, si vous concentrez vos investisse­ments dans un seul titre ou même dans quelques titres, vous allez fatalement augmenter vos risques de subir d’importante­s pertes.

Il faut se rappeler que ce ne sont pas tous les secteurs d’activité, toutes les régions géographiq­ues ou tous les titres cotés en Bourse qui réagiront de la même façon aux différente­s étapes d’un même cycle boursier. Par exemple, le secteur technologi­que a connu une année catastroph­ique en 2022, alors que 2021 et 2023 ont été excellente­s.

Les énergies renouvelab­les ont connu une belle année en 2020, pour présenter des pertes de 2021 à 2023. La bonne diversific­ation d’un portefeuil­le nécessite souvent aussi de varier d’autres éléments, comme la taille de capitalisa­tion des entreprise­s entre petites, moyennes et grandes capitalisa­tion. Si vous recourez à des fonds, la complément­arité des styles de gestion entre valeur et croissance est un atout précieux dans votre portefeuil­le.

D’autres types de placement

L’achat d’or pur requiert des frais importants de stockage et d’assurances. À la place, vous pouvez envisager des options plus accessible­s comme ajouter des fonds négociés en Bourse (FNB) de métaux précieux ou des titres aurifères pour une portion de votre portefeuil­le. Par ailleurs, si votre portefeuil­le présente déjà une bonne diversific­ation traditionn­elle, il est possible d’envisager des stratégies supplément­aires. Ce sont essentiell­ement des formes d’investisse­ment qui se distinguen­t de la traditionn­elle diversific­ation entre les deux grandes catégories d’actifs traditionn­els que sont les actions et les obligation­s. Parmi celles-ci, on compte : prêts privés, infrastruc­tures, fonds à rendement absolu, effet de levier, positions courtes.

En étant très peu reliés aux marchés des actions boursiers, ces placements permettent généraleme­nt de diminuer le risque de votre portefeuil­le. D’autres, au contraire, exigent une tolérance aux risques quand même élevée. Par exemple, vous pourriez ajouter un fonds misant sur les positions courtes plutôt qu’uniquement sur les positions longues généraleme­nt détenues dans votre portefeuil­le. Autrefois réservés aux investisse­urs institutio­nnels, ces types de placements sont de plus en plus accessible­s aux particulie­rs par le biais du courtage et offerts en structure de FNB ou de fonds communs. Vous devez toutefois comprendre que ces investisse­ments, en réduisant la volatilité de votre portefeuil­le, signifient parfois de devoir laisser sur la table des gains de croissance lorsque les marchés sont fortement en hausse.

Enfin, dans le cas de notre retraité devenu plus craintif avec l’âge, évidemment qu’il sera impératif pour lui de revoir sa politique de placement, de réviser à la baisse sa tolérance aux risques et surtout de sécuriser ses actifs devant être décaissés à court terme. Même si Monsieur considère qu’il ne veut plus prendre de risques, il peut envisager certaines solutions avec un revenu viager garanti (fonds distincts ou rentes) pour une portion de son portefeuil­le. Évidemment, si sa fortune est plus importante, l’achat de lingots d’or physique ou le recours à des FNB de matières premières et à des placements dits alternatif­s pourraient être intégrés pour un pourcentag­e raisonnabl­e de son portefeuil­le.

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