Laissons les Américains subventionner nos batteries
Le dossier Northvolt a beau manquer de transparence, il est une source inépuisable de jeux de mots douteux. Avant Noël, le ministre Fitzgibbon nous a servi du « poisson à trois yeux ». Cette semaine, c’était Ève, Adam et le jardin d’Éden. François Legault est arrivé ensuite avec ses pommes, ses oranges et ses bananes. Il manquait juste la roue à trois boutons. Ramenez Sam Hamad, ça presse !
Lundi dernier, le ministre Fitzgibbon assurait que le processus environnemental était « très exigeant » et « respecté ». Mercredi, on apprenait que des références scientifiques avaient été retirées de l’évaluation qui autorisait le projet… Ajoutez les cachotteries dont le projet d’usine a fait l’objet, et ça ne fait pas très sérieux.
Mais les déboires de Northvolt — et de la CAQ — nous éloignent quand même de l’essentiel. Parce qu’à la limite, on peut accepter des dommages environnementaux à court terme si on obtient un gain plus grand à long terme. Je ne dis pas que c’est automatique ni que c’est le cas pour Northvolt (tenir un BAPE aiderait à le savoir…). Mais ça se discuterait si le gouvernement était prêt à avoir une conversation sincère et transparente.
Le vrai problème avec Northvolt est que l’usine va coûter plus de 7 milliards de dollars en fonds publics, soit plus de 2 millions pour chacun des 3000 emplois potentiels. Est-ce vraiment une bonne idée ?
Les politiciens croient que les subventions « créent » des emplois. C’est un peu trop optimiste. Les subventions ont surtout pour effet de déplacer des travailleurs d’entreprises existantes vers une nouvelle entreprise grassement subventionnée. C’est encore plus vrai pendant une pénurie de maind’oeuvre comme celle que le Québec vit présentement, parce que les travailleurs ne tombent pas du ciel.
Imaginez-vous un moment à la tête d’une petite ou moyenne entreprise. L’embauche est difficile. Il faut payer de plus gros salaires. Vous faites votre possible pour y arriver, sans trop monter les prix pour les clients. Puis une multinationale débarque. Le gouvernement la subventionne à coups de milliards, ce qui lui permet d’offrir des salaires qui dépassent vos moyens.
Voilà ce qu’on s’apprête à faire avec Northvolt : prendre les impôts payés par des entreprises d’ici pour subventionner une multinationale étrangère. C’est un peu fâchant. Sans compter que les profits vont repartir en Suède…
Le gouvernement — en fait, pas mal tout le monde — semble aussi penser que le succès de Northvolt est garanti. C’est aller un peu vite en affaires. Northvolt est une jeune entreprise. La technologie évolue rapidement et on ne sait pas qui sortira gagnant. La Chine, qui accapare les deux tiers de la production mondiale de batteries, est aussi en train de devenir un acteur incontournable dans la production de voitures électriques, avec des modèles qui se vendent à aussi peu que 12 000 $US. Beaucoup de choses peuvent encore changer, et il est loin d’être certain que Northvolt sera encore là dans 10 ans. Ou qu’il ne faille pas la sauver avec encore plus de fonds publics…
Il y a présentement une surenchère de subventions vertes par les gouvernements de partout sur la planète. Pour les constructeurs automobiles et leurs fournisseurs, c’est une manne inespérée. Mais ce sont les contribuables qui vont payer la facture. À lui seul, le gouvernement américain pourrait dépenser 100 milliards de dollars, peut-être même 200 milliards, au cours de la prochaine décennie en subventions et crédits d’impôt pour produire des batteries et des voitures électriques. D’une certaine façon, c’est une bonne nouvelle pour nous. Laissons donc les États-Unis subventionner la construction de nos futures voitures électriques ; on verdira le Québec aux frais des Américains.
La transition énergétique ne fait que s’amorcer. Le Québec a des ressources précieuses, notamment des métaux rares et de l’électricité verte peu coûteuse. La demande pour les projets industriels dépasse d’ailleurs déjà ce qu’Hydro-Québec peut produire. Pourquoi offrir des rabais ?
Il y a mieux à faire avec les fonds publics que de mener une guerre de subventions contre les États-Unis, l’Europe et la Chine à coups de milliards. On pourrait commencer par baisser les impôts de nos propres entreprises. Ça, ça aiderait à stimuler l’investissement et à créer de la richesse au Québec.