Se responsabiliser face aux démissions d’élus municipaux
La polarisation, la haine et l’intimidation témoignent d’une mécompréhension profonde du travail politique
Peu importe l’option politique, il est rafraîchissant après chaque élection d’accueillir parmi les gens élus de nouvelles figures. Le scrutin municipal de 2021 laissait cette impression : plus de femmes ont été élues, plus de jeunes également. Aussi, cinq des dix plus grandes villes du Québec ont élu une femme au poste de mairesse, ce qui permettait d’aspirer à une plus authentique parité.
La démission de la mairesse de Gatineau, France Bélisle, doit donc être accueillie comme un signal de plus pour nous responsabiliser davantage, comme personnes et comme société, afin de renforcer le caractère démocratique de nos institutions. Un des vecteurs de la démocratie se traduit par la possibilité d’émettre une opinion ou d’intervenir sans que cela nous cause préjudice personnellement.
France Bélisle évoque les raisons qui poussent les gens élus à démissionner : la désillusion, l’intimidation, les ressources insuffisantes, la pression intense, les tensions entre élus, la complexité des dossiers et le traitement médiatique. Depuis le scrutin municipal de 2021, près de 800 des 8000 personnes élues ont déjà quitté leurs fonctions, une situation inédite. Le palier municipal, reconnu pour sa politique de proximité, est une cible facile pour accueillir les critiques et les insultes lors des conseils municipaux, mais aussi sur les réseaux sociaux ou tout simplement lors de rencontres fortuites.
La violence émerge du constat que les changements peinent à être mis en place. Les citoyens se sentent impliqués dans ce processus, mais les tentatives de changement n’ont souvent pas autant de visibilité que les échecs et projets manquants de transparence. De plus, il existe une tendance à généraliser le travail effectué par le gouvernement au pouvoir comme représentatif de l’ensemble du système politique, ce qui peut conduire à une désillusion généralisée lorsque les attentes ne sont pas satisfaites ou le sont partiellement.
Le cri du coeur de France Bélisle appelle à une réflexion plus large. La santé psychologique des personnes élues est un miroir reflétant la vitalité de notre démocratie. La polarisation, la haine et l’intimidation témoignent certes d’une fatigue collective, d’une insatisfaction profonde, mais aussi d’une mécompréhension du travail politique. Nous avons le devoir d’examiner les racines de ce cynisme qui pousse certains citoyens et citoyennes, voire des collègues élus, à réagir avec violence.
Il est temps aussi de reconnaître que la partisanerie et le manque de solidarité prennent trop de place, que les politiciens et politiciennes peinent à débattre avec hauteur, préférant les attaques aux échanges constructifs. Cette tendance ne fait qu’accentuer l’impression que nos représentants et représentantes politiques sont démunis, qu’ils peinent à trouver du sens dans le travail quotidien, qu’ils manquent de recul et de vision pour régler les problèmes et faire face aux défis qui commandent nécessairement des actions collectives et concertées.
Nous devons, comme personnes et comme société, nous responsabiliser davantage. Nous devons promouvoir la collaboration plutôt que la confrontation afin de restaurer la confiance dans nos institutions démocratiques. Plus que jamais, nous avons besoin de personnes politiques passionnées, persévérantes et rassembleuses. Plus que jamais, nous devons faire preuve de bienveillance. Est-ce là une proposition idéaliste ? Certes, mais nous l’assumons : les idéalistes sont des gens qui ont des idées et des idéaux.
Nous devons promouvoir la collaboration plutôt que la confrontation afin de restaurer la confiance dans nos institutions démocratiques