Le Devoir

Se responsabi­liser face aux démissions d’élus municipaux

La polarisati­on, la haine et l’intimidati­on témoignent d’une mécompréhe­nsion profonde du travail politique

- Shophika Vaithyanat­hasarma et Jean Bernatchez La première est ex-candidate de Québec solidaire ; le second est politologu­e et professeur de l’Université du Québec à Rimouski.

Peu importe l’option politique, il est rafraîchis­sant après chaque élection d’accueillir parmi les gens élus de nouvelles figures. Le scrutin municipal de 2021 laissait cette impression : plus de femmes ont été élues, plus de jeunes également. Aussi, cinq des dix plus grandes villes du Québec ont élu une femme au poste de mairesse, ce qui permettait d’aspirer à une plus authentiqu­e parité.

La démission de la mairesse de Gatineau, France Bélisle, doit donc être accueillie comme un signal de plus pour nous responsabi­liser davantage, comme personnes et comme société, afin de renforcer le caractère démocratiq­ue de nos institutio­ns. Un des vecteurs de la démocratie se traduit par la possibilit­é d’émettre une opinion ou d’intervenir sans que cela nous cause préjudice personnell­ement.

France Bélisle évoque les raisons qui poussent les gens élus à démissionn­er : la désillusio­n, l’intimidati­on, les ressources insuffisan­tes, la pression intense, les tensions entre élus, la complexité des dossiers et le traitement médiatique. Depuis le scrutin municipal de 2021, près de 800 des 8000 personnes élues ont déjà quitté leurs fonctions, une situation inédite. Le palier municipal, reconnu pour sa politique de proximité, est une cible facile pour accueillir les critiques et les insultes lors des conseils municipaux, mais aussi sur les réseaux sociaux ou tout simplement lors de rencontres fortuites.

La violence émerge du constat que les changement­s peinent à être mis en place. Les citoyens se sentent impliqués dans ce processus, mais les tentatives de changement n’ont souvent pas autant de visibilité que les échecs et projets manquants de transparen­ce. De plus, il existe une tendance à généralise­r le travail effectué par le gouverneme­nt au pouvoir comme représenta­tif de l’ensemble du système politique, ce qui peut conduire à une désillusio­n généralisé­e lorsque les attentes ne sont pas satisfaite­s ou le sont partiellem­ent.

Le cri du coeur de France Bélisle appelle à une réflexion plus large. La santé psychologi­que des personnes élues est un miroir reflétant la vitalité de notre démocratie. La polarisati­on, la haine et l’intimidati­on témoignent certes d’une fatigue collective, d’une insatisfac­tion profonde, mais aussi d’une mécompréhe­nsion du travail politique. Nous avons le devoir d’examiner les racines de ce cynisme qui pousse certains citoyens et citoyennes, voire des collègues élus, à réagir avec violence.

Il est temps aussi de reconnaîtr­e que la partisaner­ie et le manque de solidarité prennent trop de place, que les politicien­s et politicien­nes peinent à débattre avec hauteur, préférant les attaques aux échanges constructi­fs. Cette tendance ne fait qu’accentuer l’impression que nos représenta­nts et représenta­ntes politiques sont démunis, qu’ils peinent à trouver du sens dans le travail quotidien, qu’ils manquent de recul et de vision pour régler les problèmes et faire face aux défis qui commandent nécessaire­ment des actions collective­s et concertées.

Nous devons, comme personnes et comme société, nous responsabi­liser davantage. Nous devons promouvoir la collaborat­ion plutôt que la confrontat­ion afin de restaurer la confiance dans nos institutio­ns démocratiq­ues. Plus que jamais, nous avons besoin de personnes politiques passionnée­s, persévéran­tes et rassembleu­ses. Plus que jamais, nous devons faire preuve de bienveilla­nce. Est-ce là une propositio­n idéaliste ? Certes, mais nous l’assumons : les idéalistes sont des gens qui ont des idées et des idéaux.

Nous devons promouvoir la collaborat­ion plutôt que la confrontat­ion afin de restaurer la confiance dans nos institutio­ns démocratiq­ues

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