La microbiologie au service de l’agriculture
Et si les bactéries pouvaient sauver nos plants de tomates ? Un chercheur en microbiologie de l’INRS travaille sur un projet du Consortium de recherche et innovations en bioprocédés industriels au Québec (CRIBIQ) avec la compagnie de production de fertilisants Agro-100 pour trouver des solutions pérennes aux agents pathogènes qui rendent parfois malades les fruits et les légumes. L’objectif : trouver des bactéries capables de soigner les plants de tomates tout en les fertilisant, et en faire un produit biologique que les agriculteurs pourront utiliser.
« Depuis quelques années, le gouvernement québécois favorise les cultures en serre, et encore plus depuis l’épisode de la pandémie, qui nous a fait prendre conscience à quel point nous sommes dépendants des autres pays », explique le professeur de microbiologie à l’INRS Éric Déziel. Mais qui dit culture en serre dit également problème d’agents pathogènes et défis de fertilisation, ajoute l’expert. « On a besoin d’ajouter des engrais pour favoriser la productivité des fruits et des légumes », rappelle-t-il. Sa mission : développer des biofertilisants qui auraient aussi pour action de lutter contre certaines infections touchant régulièrement l’agriculture biologique. « Clavibacter michiganensis, par exemple, est une bactérie qui cause des dommages à peu près dans toutes les productions de serre, et on aimerait trouver un traitement biologique pour en venir à bout », indique le chercheur.
« L’agriculture fait face à des défis, la perception des consommateurs vis-à-vis des techniques de production traditionnelle n’est pas nécessairement positive », indique pour sa part Pierre Migner, directeur de la recherche et du développement pour Agro-100. Bien sûr, il note un intérêt grandissant pour le bio, « mais cela rime avec un paquet de contraintes, qui font qu’on a du mal à augmenter la productivité autant qu’on le voudrait », note-t-il. Il faut donc opter pour des produits innovants. C’est ainsi que de plus en plus de biostimulants qui apparaissent sur le marché sont d’origine bactérienne, précise M. Migner.
Des bactéries indigènes à la rescousse
Certaines bactéries sont connues pour produire des activités antimicrobiennes, de type antibiotique, explique M. Déziel. « On sait que certaines bactéries peuvent coloniser un plant de tomates et le protéger des infections par des agents pathogènes », précise-t-il. Les souches bactériennes identifiées auront donc un rôle multiple : la bioprotection et la biostimulation. « Ce sont vraiment des produits qui auront une activité à très large spectre, tant sur le plan de la protection que sur le plan de la réduction des stress endurés par les plantes, comme le froid ou la bonne absorption des nutriments », explique Pierre Migner.
Depuis le début du projet, il y a un an et demi, plusieurs bactéries naturellement présentes dans les sols du Québec ont été isolées. « On regarde les bactéries dans nos sols parce que l’environnement est important, l’acidité de nos sols, les températures… Tout ça va influer sur la capacité de la bactérie à s’implanter dans notre environnement et à concurrencer les bactéries déjà existantes », indique M. Migner. Une fois les bactéries isolées, « on a vérifié si elles avaient une activité antagoniste contre des plants de tomates ainsi que leurs capacités de fertilisation in vitro », décrit à son tour M. Déziel. La collection de bactéries recueillies est déjà très prometteuse, selon le chercheur.
Longues étapes avant la validation
Les plants de tomates seront bientôt traités avec celles-ci pour vérifier lesquelles ont des propriétés efficaces de fertilisation. L’équipe ajoutera également des agents pathogènes pour voir si les bactéries peuvent aider à guérir les plantes. Les étapes sont toutefois longues. Il faudra notamment faire les essais dans les petites serres puis dans les grandes pour évaluer si un scénario de réussite sur les plants de tomates peut se reproduire à plus grande échelle.
« L’idée est de faire des essais dans des parcelles de recherche cette année, et de voir comment ces bactéries vont être capables de s’installer et d’apporter une valeur ajoutée », souligne M. Migner. Tout sera calculé : la résistance aux maladies, les essais en plein champ et l’efficacité à long terme.
« Il y a aussi de nombreuses agences réglementaires [qui doivent intervenir] avant que les produits soient validés et commercialisés. Je parle notamment des étapes de certification une fois que les essais seront concluants », explique M. Déziel. Il espère bien que, d’ici moins de deux ans, il aura répertorié les bactéries appropriées pouvant être utilisées par les agriculteurs dans un produit à vaporiser ou à épandre. « L’idée, c’est toujours de remplacer d’éventuels antibiotiques ou des produits chimiques par des produits qui respectent l’écosystème de la plante », conclut le professeur, qui a en tête la santé des tomates, celle des consommateurs, mais aussi la demande croissante en nourriture locale.
« L’idée, c’est toujours de remplacer d’éventuels antibiotiques ou des produits chimiques par des produits qui respectent l’écosystème de la plante »