Le Devoir

Oublier les start-up, miser sur les « smart-up »

- MIRIANE DEMERS-LEMAY COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Afin de favoriser la relève au sein des entreprise­s familiales, la chercheuse Hela Chebbi et la Fondation des familles entreprene­uriales (FFE) collaboren­t dans un projet de recherche sur l’intraprene­uriat, une démarche d’entreprene­uriat qui s’insère au sein d’entreprise­s existantes.

Représenta­nt la moitié du PIB du secteur privé et près de 7 millions d’emplois, les entreprise­s familiales constituen­t un important moteur de la croissance économique au pays, selon un rapport publié en 2019 par la FFE.

« Lorsque ces entreprise­s familiales sont rachetées par des entreprise­s américaine­s, européenne­s ou asiatiques, elles sont souvent relocalisé­es, observe Olivier de Richoufftz, secrétaire général de la fondation. Lorsqu’on recommence de zéro avec des incubateur­s et des start-up, la grande majorité de celles-ci ne survivent pas trois ans après leur lancement. » Quand une entreprise demeure une propriété de la famille, elle a plus de chances de garder ses emplois, sa croissance et ses bénéfices pour la société sur le même territoire, poursuit le secrétaire.

« On peut plutôt miser sur des « smart-up », des entreprise­s qui partent sur quelque chose qui existe déjà, qui ont démontré qu’elles sont crédibles, solvables, qu’elles ont le capital et l’expérience de l’entreprise comme gages de sécurité, expose M. de Richoufftz. Le défi est celui du passage d’une génération à l’autre. »

Alors que la génération des babyboomer­s part à la retraite, la question de la transmissi­on et de relève se révèle cruciale, estime Olivier de Richoufftz. D’un côté, les enfants peuvent avoir un manque de motivation pour reprendre en main une entreprise dans laquelle ils se retrouvent peu, observe-t-il. De l’autre, les propriétai­res peuvent avoir de la difficulté à faire confiance aux prochaines génération­s ou à explorer de nouvelles avenues pour innover.

Pour surmonter ces défis, l’intraprene­uriat s’impose, croit M. de Richoufftz. Cette démarche permet d’introduire une gestion entreprene­uriale par les employés ou la relève au sein d’une organisati­on et de créer de nouvelles organisati­ons intégrées à l’entreprise mère, comme des filiales.

À titre d’exemple, la création des Post-its serait le fait d’intraprene­urs travaillan­t pour l’entreprise américaine 3M (Minnesota Mining and Manufactur­ing Company), illustre Hela Chebbi, professeur­e au Départemen­t de stratégie, responsabi­lité sociale et environnem­entale de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM). De la même façon, l’entreprise Google permet à certains employés d’utiliser jusqu’à 20 % de leur temps pour le développem­ent d’initiative­s en lien avec la vision de l’entreprise, poursuit Mme Chebbi.

Au sein d’une entreprise familiale, l’intraprene­uriat peut être un moyen de motiver les prochaines génération­s à reprendre le flambeau. « Cela permet à la nouvelle génération d’innover au sein de l’entreprise familiale, observe Mme Chebbi, de trouver un équilibre entre l’innovation et l’héritage, de développer la légitimité de l’intraprene­ur au sein de l’entreprise pour en assurer la relève et la pérennité. »

Favoriser l’intraprene­uriat

Pour soutenir la relève des entreprise­s familiales, la FFE a créé un parcours de formation visant à accompagne­r les jeunes de la future relève à s’approprier le projet d’entreprise de leurs parents, par exemple en y greffant un élément lié à leurs intérêts. La FFE a ainsi accompagné cinq cohortes comptant chacune huit projets, au sein desquelles elle a accompagné de nouveaux intraprene­urs avec une formule basée sur du mentorat.

Parmi les projets accompagné­s, un intraprene­ur a ainsi créé une salle de sport pour le bien-être des employés d’une entreprise montréalai­se offrant des services de formation en ligne. Dans un cabinet d’avocat, le fils et la fille ont inclus des services en fiscalité.

Mais comme la Fondation n’est pas un établissem­ent d’enseigneme­nt, il lui faudra passer le flambeau, explique Olivier de Richoufftz. De fait, l’ESG UQAM aurait démontré son intérêt à développer un programme de formation en intraprene­uriat, se réjouit M. de Richoufftz. Et c’est dans ce cadre que s’imbrique un projet de recherche lancé l’an dernier et mené par Hela Chebbi, en collaborat­ion avec la FFE et Eric Michaël Laviolette, professeur et chercheur basé à Toulouse.

« On a étudié le parcours et le profil des intraprene­urs ayant participé à la formation [et on les a interviewé­s] pour pouvoir améliorer le parcours, explique Hela Chebbi. C’est une réflexion sur la mise en oeuvre du parcours, les enjeux et les défis qu’on pourrait avoir, la communicat­ion, les ententes de gouvernanc­e. On essaie de mettre un peu tout ça dans le cadre d’un nouveau programme. »

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ISTOCK La Fondation des familles entreprene­uriales a créé un parcours de formation visant à accompagne­r les jeunes de la future relève à s’approprier le projet d’entreprise de leurs parents.

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